Réforme de l'irresponsabilité pénale
Question de :
M. Brahim Hammouche
Moselle (8e circonscription) - Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés
Question posée en séance, et publiée le 5 mai 2021
RÉFORME DE L'IRRESPONSABILITÉ PÉNALE
M. le président. La parole est à M. Brahim Hammouche.
M. Brahim Hammouche. Le 4 avril 2017, à quatre heures vingt-deux, un appel reçu par la police faisait état d'une séquestration au domicile. Le docteur Sarah Halimi, parce qu'elle était juive, a été torturée, battue et mutilée pendant quarante-cinq minutes, puis défenestrée.
Tout en reconnaissant le caractère antisémite de ce féminicide, la Cour de cassation vient de dire le droit en rendant une décision d'irresponsabilité pénale de l'auteur des faits. Cette décision provoque, ces derniers jours, émoi et désolation légitimes des représentants du judaïsme en France mais aussi, comme l'a montré la grande manifestation récente au Trocadéro, de toutes les femmes et tous les hommes de vertu républicaine.
En l'état de notre droit, le régime de l'irresponsabilité pénale a profité à celui qui a volontairement pris des stupéfiants ayant entraîné des bouffées délirantes aiguës et le meurtre du docteur Sarah Halimi.
En l'état de notre droit, les décisions de déclaration d'irresponsabilité ne sont pas rendues systématiquement au cours d'un véritable procès.
En l'état du droit, un meurtre peut être caractérisé d'antisémite et ne pas donner lieu à un procès de l'antisémitisme au nom du peuple de France.
Dans ces conditions, la prise volontaire de psychotropes devient-elle une excuse à l'antisémitisme, cette haine pathologique de l'autre, et demain à toutes les autres formes archaïques de violences qui prennent le nom de racisme ?
Comment agir pour non seulement chercher sans cesse à atteindre l'idéal de justice mais également retrouver le chemin de la confiance dans l'institution judiciaire ? Quelles évolutions législatives envisagez-vous pour un droit qui n'est plus conforme à la justice et à l'humanisme que notre société est en droit d'attendre ?
Les démocrates du groupe Dem déposeront des amendements en ce sens dont l'un vise à exclure toute atténuation de responsabilité en cas de consommation volontaire de substances psychoactives.
M. le président. Merci, mon cher collègue.
M. Brahim Hammouche. Comment entendez-vous pallier les carences de la loi et assurer aux familles endeuillées un procès ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. J'ai déjà répondu pour partie à la question. Le fait que celle-ci m'ait été posée à trois reprises, par des députés républicains et démocrates, me conforte dans l'idée que les grandes valeurs de la République qui nous taraudent ne sont pas lettre morte. Vous savez mon engagement dans la lutte contre l'antisémitisme et le racisme sous toutes ses formes. Ce sont des valeurs que nous partageons, et je m'en félicite.
Alors que certains souhaiteraient légaliser le cannabis, il me vient à l'esprit qu'un homme ayant consommé trop de cannabis a commis ce que vous avez rappelé.
M. François-Michel Lambert. Et l'alcool ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . Il convient de faire très clairement le distinguo entre la folie endogène et la folie exogène, qui proviendrait d'une consommation excessive de psychotropes. (Exclamations sur les bancs du groupe LT.)
Ne criez pas ! Peut-être la famille nous regarde-t-elle. Un peu de décence, voyez-vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Vous irez dire à ces hommes et à ces femmes qu'il faut légaliser le cannabis au moment où des manifestations se déroulent et où la communauté juive – et pas seulement elle, loin de là –,…
M. François Cormier-Bouligeon. La communauté républicaine !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . …est en émoi à cause d'un crime absolument atroce.
M. François-Michel Lambert. Atroce, oui !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Franchement, un peu de décence.
Je travaille ardemment – j'ai consulté les représentants des cultes et tous ceux qui devaient l'être – pour aboutir d'ici à la fin du mois de mai à un texte équilibré. J'aurai évidemment l'honneur, je le répète, de présenter ce travail à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agi ens.)
Auteur : M. Brahim Hammouche
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 mai 2021