Production de Levothyrox en France
Question de :
M. Stéphane Viry
Vosges (1re circonscription) - Les Républicains
M. Stéphane Viry interroge M. le ministre des solidarités et de la santé au sujet de la production de Levothyrox par les laboratoires français. Il rappelle que le Levothyrox est un médicament destiné aux patients qui souffrent de troubles de la thyroïde, pour qui il devient vital. Il s'avère que, fréquemment, la France connaît des problèmes de stocks insuffisants pour ce produit, alors même que les patients en ont besoin pour survivre. M. le député a récemment été interpellé par plusieurs familles vosgiennes qui lui ont fait part de ce problème récurrent qui touche de nombreuses personnes. Les pharmacies, notamment dans les grandes villes comme Épinal, connaissent des ruptures de stocks fréquentes. Il semblerait d'ailleurs que ces ruptures de stocks soient directement liées à la crise sanitaire de la covid-19. Depuis plus d'un an, les laboratoires se concentrent majoritairement sur la recherche, la production et la vente de vaccin pour lutter contre la crise sanitaire, une pratique bien plus intéressante pour eux alors que les traitements pour l'hyperthyroïdie et pour l'hypothyroïdie le sont beaucoup moins. Dès lors, il lui demande si le Gouvernement entend mettre en place de nouvelles mesures pour éviter la sous-production du Levothyrox et pour éviter le manque de stocks, alors que le nombre de patients dépendants ne cesse d'augmenter.
Réponse publiée le 19 octobre 2021
En 2020 et durant les six premiers mois de l'année 2021, plusieurs dosages de la spécialité LEVOTHYROX, comprimé sécable ont été en rupture de stock. A ce titre, une lettre a été publiée sur le site internet de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) afin de recommander aux professionnels de santé d'utiliser les autres dosages en alternance. La mobilisation des moyens de production pour les vaccins contre la COVID-19 n'a pas eu d'impact majeur sur les lignes de production de la spécialité LEVOTHYROX. En effet, d'une façon générale, les ruptures de stock de médicaments ainsi que les tensions d'approvisionnement ont des origines multifactorielles susceptibles d'intervenir tout au long de la chaîne de production et de distribution. Dans ce cadre, les laboratoires pharmaceutiques sont tenus de prévenir et de gérer les ruptures de stock des médicaments et des vaccins qu'ils commercialisent. Ils doivent assurer un approvisionnement approprié et continu du marché national et prendre toute mesure utile pour prévenir et pallier toute difficulté d'approvisionnement. L'ANSM est également mobilisée afin d'assurer la continuité de l'accès aux médicaments pour les patients et les professionnels de santé. Pour autant, compte tenu de l'augmentation des signalements de ruptures et risques de ruptures de stock constatée ces dernières années, indépendamment de la pandémie COVID-19, différents textes sont venus encadrer la gestion de ces ruptures. Dans un premier temps, la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et son décret d'application du 20 juillet 2016 relatif à la lutte contre les ruptures d'approvisionnement de médicaments a introduit des mesures de prévention et de gestion des ruptures de stock au niveau national afin de redéfinir les instruments à la disposition des pouvoirs publics et de renforcer les obligations qui pèsent sur les acteurs du circuit de fabrication et de distribution. En ce sens, les laboratoires pharmaceutiques sont tenus d'informer sans délai l'ANSM de toute rupture ou risque de rupture de stock sur les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) mentionnés à l'article L. 5111-4 du code de la santé publique, en précisant les délais de survenue, les stocks disponibles, les modalités de disponibilité et les délais prévisionnels de remise à disposition et l'identification de spécialités pouvant se substituer à la spécialité pharmaceutique en défaut. Pour ce qui concerne la spécialité LEVOTHYROX, entre le 1er janvier 2020 et le 12 août 2021, 10 déclarations de rupture et de risque de rupture ont été faites auprès de l'ANSM. Elles ont concerné différents dosages. Le dosage 100 microgrammes a été remis à disposition en avril 2021, le dosage 200 microgrammes en octobre 2020, les dosages 88, 112 et 137 microgrammes ont été remis à disposition en juin 2021 et le dosage 75 microgrammes a été remis à disposition en août 2021. Par ailleurs, les entreprises exploitant ces médicaments sont contraintes d'élaborer et de mettre en œuvre des plans de gestion des pénuries (PGP) dont l'objet est de prévenir et de pallier toute rupture de stock de MITM. Par ailleurs, l'ANSM est tenue de publier, sur son site internet (www.ansm.sante.fr), la liste des MITM ne disposant pas d'alternatives thérapeutiques appropriées ou disponibles en quantité suffisante pour lesquels une rupture ou un risque de rupture de stock est mis en évidence. Cette liste est accompagnée d'un certain nombre de documents d'information à l'attention des professionnels de santé et des patients, sur la situation relative à l'approvisionnement de la spécialité concernée ainsi que sur les mesures mises en œuvre pour assurer le traitement des patients. Enfin, le fait pour un laboratoire pharmaceutique de ne pas respecter ses obligations l'expose à des sanctions financières prononcées par l'ANSM. Dans le même sens, la méconnaissance pour un grossiste-répartiteur de ses obligations vis-à-vis des patients français est également passible de sanction financière. Dans un deuxième temps, la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a rendu possible le remplacement de médicaments par les pharmaciens d'officine en cas de rupture d'un MITM, facilitant ainsi la continuité du traitement des patients. Dans le prolongement de cette loi, le ministère des solidarités et de la santé a élaboré une feuille de route 2019-2022 pour lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France. Cette feuille de route prévoit tout d'abord la diffusion d'une information adaptée sur la disponibilité des médicaments, des fournisseurs jusqu'aux pharmaciens et vers les patients. Elle prévoit également la mise en œuvre de mesures visant à relocaliser les fabricants de matières premières et de médicaments en Europe et en France. A cette fin, des actions seront menées pour améliorer l'attractivité financière de la France et du territoire européen. Le phénomène n'étant pas limité au seul territoire français, une meilleure coopération européenne doit être mise en place. Il est ainsi prévu de mettre en place un partage d'informations sur les causes et les conséquences des pénuries en Europe. Parmi les autres actions prévues figurent également des mesures visant à sécuriser les approvisionnements des établissements de santé, à renforcer les obligations des industriels en matière de PGP et à faciliter les échanges d'informations entre les acteurs de la chaîne de distribution du médicament. Il était également prévu d'expérimenter l'achat groupé de vaccins au niveau européen, ce qui a été effectué dans le cadre des vaccins contre la COVID-19. A cet égard, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a considérablement renforcé la lutte contre les ruptures de stock de médicaments par la mise en place d'un plan de gestion des pénuries pour chaque MITM, la constitution d'un stock de couverture des besoins en médicaments et l'importation des alternatives thérapeutiques dans certains cas de pénuries. Les sanctions financières entourant ces obligations ont été renforcées. Les modalités de ces obligations ont été précisées par le décret n° 2021-349 du 30 mars 2021 relatif au stock de sécurité destiné au marché national qui devra être mis en œuvre le 1er septembre 2021. A ce titre, le stock de sécurité doit être de deux mois de couverture des besoins pour les MITM et d'une semaine pour les autres médicaments. Ce stock de sécurité est porté à un mois pour les médicaments contribuant à une politique de santé publique définie par le ministre chargé de la santé. Toutefois, pour les MITM, le directeur général de l'ANSM peut décider, à la demande du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché ou de l'entreprise pharmaceutique exploitant le médicament, de diminuer ce seuil si la durée de conservation de la spécialité est incompatible avec le seuil, la production de la spécialité est mise en œuvre de façon adaptée à chaque patient ou fabriquée à partir de produits d'origine humaine, la saisonnalité des besoins de la spécialité le demande ou si la spécialité est un gaz à usage médical. En outre, le directeur général de l'ANSM peut également décider pour les MITM d'augmenter le seuil du stock de sécurité lorsque la spécialité fait l'objet de risques de ruptures ou de ruptures de stock réguliers dans les deux années civiles précédentes nécessitant ainsi qu'un stock supérieur à deux mois soit constitué, sans excéder quatre mois de couverture des besoins. Ces stocks de sécurité doivent être mentionnés dans les PGP élaborés par les industriels tout comme les risques relatifs au cycle de fabrication et de distribution de la spécialité concernée et la liste des spécialités pouvant constituer une alternative à la spécialité en défaut, le cas échéant. En outre, les PGP peuvent prévoir d'autres sites de fabrication de matières premières à usage pharmaceutique et d'autres sites de fabrication des spécialités pharmaceutiques. La décision du 21 juillet 2021 fixant les lignes directrices pour l'élaboration des PGP en application de l'article R. 5124-49-5 du code de la santé publique a été publiée sur le site internet de l'ANSM. Il est utile de préciser que la spécialité LEVOTHYROX est un MITM et doit, à ce titre, respecter les obligations précitées. Le Gouvernement a présenté, le 18 juin 2020, un plan d'action pour la relocalisation en France de projets de recherche et de sites de production de produits de santé. A cet égard, sur la base du rapport commandé à Jacques Biot par le Gouvernement en 2019, le Comité stratégique de filière (CSF) des « Industries et Technologies de Santé » va élaborer un plan d'actions reposant sur le recensement de projets industriels pouvant faire l'objet de relocalisations.
Auteur : M. Stéphane Viry
Type de question : Question écrite
Rubrique : Pharmacie et médicaments
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Dates :
Question publiée le 6 juillet 2021
Réponse publiée le 19 octobre 2021