Bracelets électroniques
Question de :
M. Pierre Vatin
Oise (5e circonscription) - Les Républicains
M. Pierre Vatin attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la technologie actuelle des bracelets électroniques et de leur utilisation. Il existe actuellement trois cadres juridiques pour la mise en place du bracelet électronique : l'ARSE (assignation à résidence sous surveillance électronique), le PSE (placement sous surveillance électronique) et le PSEM (placement sous surveillance électronique mobile). Ces différents cadres définissent quel type de personne peut bénéficier d'une mesure de surveillance électronique. Ainsi, l'ARSE et le PSE concernent schématiquement : les personnes détenues, condamnées à une peine de prison et ayant un projet sérieux d'insertion ou de réinsertion (peine inférieure ou égale à deux ans de prison ou si la durée de la peine restant à effectuer est inférieure ou égale à deux ans) ; les personnes en fin de peine dans le cadre d'une libération sous contrainte (moins de cinq ans de prison ou dès lors que les deux tiers de la peine sont atteints) ; les personnes condamnées dites « libres » (peine inférieure ou égale à deux ans de prison ou si la peine restant à effectuer est inférieure ou égale à deux ans) ; les personnes mises en examen et placées sous assignation à résidence. Dans ces deux cadres, la personne porte un bracelet à la cheville qui permet d'alerter les forces de l'ordre lorsque celle-ci sort d'un périmètre défini en dehors des heures fixées grâce à un boîtier installé à son domicile. Le PSEM est quant à lui prévu pour les détenus considérés comme « dangereux » et permet d'utiliser des bracelets géolocalisés. Cependant, d'après Frédéric Belhabib, délégué CFDT et surveillant pénitentiaire d'insertion et de probation d'Aix-en-Provence, dans un article du journal France Info du 31 mai 2021 : « il y en a très peu. Pour 99 % des bracelets électroniques, ce sont juste des détecteurs d'entrée et de sortie du logement. Sur 1 900 à 2 000 bracelets en région Paca, on n'en a que quatre ou cinq avec la fonction GPS réservés à des individus qu'on estime encore dangereux ». Enfin, il existe dans le cadre d'une condamnation pour des violences conjugales le bracelet anti-rapprochement (BAR). Ce dernier permet de géolocaliser et la victime via un boîtier et le porteur du bracelet. Néanmoins, toujours d'après le même article du journal : « sur les 1 000 lancés en septembre et disponibles en France, seuls 47 étaient actifs en mai 2021 ». C'est pourquoi il lui demande de préciser les raisons de la sous-utilisation de cette technologie qui permettrait, dans de nombreux cas, d'éviter le pire pour les victimes.
Réponse publiée le 9 novembre 2021
L'essor de la surveillance électronique a été impulsé par la loi du 19 décembre 1997 et s'est accru au gré des évolutions législatives successives qui ont œuvré à l'extension de son champ d'application. Aussi, dans le cadre de la répression des infractions, de la réinsertion ou de la prévention du passage à l'acte et de la récidive, les juridictions ont recours à plusieurs dispositifs de bracelets électroniques. L'assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) est une alternative à l'incarcération. Un individu peut être placé sous ARSE avant jugement, pendant la phase d'instruction ou à l'occasion d‘un déferrement avant l'audience au fond. De plus, les mineurs âgés d'au moins 16 ans encourant au moins 3 ans d'emprisonnement peuvent en faire l'objet. Les obligations d'un contrôle judiciaire doivent pour cela se révéler insuffisantes. Le recours à ce dispositif est en constante augmentation : alors qu'en janvier 2016, 241 personnes faisaient l'objet d'une ARSE, cette mesure concernait 345 individus en janvier 2021 et 409 en juin dernier. Le placement sous surveillance électronique (PSE) a été remplacé, depuis le 24 mars 2020, par la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE). Une DDSE peut être prononcée à titre d'aménagement de peine ab initio par le tribunal correctionnel ou par le juge d'application des peines lorsque la peine d'emprisonnement ferme prononcée est supérieure à un mois et inférieure ou égale à un an (articles 132-29 et 132-25 du code pénal). Elle peut aussi être décidée, en cours d'exécution de peine par le juge de l'application des peines en cas de condamnation ou reliquat d'une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n'excède pas deux ans (article 723-7 du code de procédure pénale) A ce titre, près de 80% des aménagements de peine d'emprisonnement ferme prennent la forme d'une DDSE. En août 2020 [1], près de 14 000 individus se trouvent sous surveillance électronique dans le cadre d'une DDSE aménagement de peine. La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 offre désormais la possibilité aux juridictions de prononcer une DDSE à titre de peine autonome et érige ainsi la surveillance électronique en peine autonome alternative à l'emprisonnement. En dépit de la situation sanitaire ayant fortement impacté la mise en œuvre de ces dispositions nouvelles depuis la fin du mois de mars 2020, on observe une hausse significative des aménagements de peine ab initio sous la forme d'une DDSE, qui s'est traduite par le prononcé de 293 mesures en mai 2020 contre 179 en mai 2019, de même qu'une augmentation du prononcé des peines de DDSE avec 215 peines prononcées en juin 2021 contre 117 en juin 2020.En août 2021, 875 individus se trouvaient sous surveillance électronique dans le cadre d'une DDSE peine. Le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM) est une mesure de sûreté créée par la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales. Il ne s'agit pas d'une mesure autonome dès lors que le PSEM ne peut être ordonné à l'égard d'une personne majeure par les juridictions de l'application des peines et juridictions régionales de la rétention de sûreté, après expertise ou examen de la dangerosité de la personne condamnée, que dans le cadre d'une libération conditionnelle, d'un suivi socio-judiciaire, d'une surveillance judiciaire, d'une surveillance de sûreté ou d'une permission de sortir accordée dans le cadre d'une rétention de sûreté. Cette mesure permet d'assurer un suivi et une localisation continue des personnes condamnées, adaptés à leur personnalité et à leur dangerosité. Grâce à la géolocalisation permanente, cette mesure offre la possibilité de contraindre l'intéressé à demeurer dans certaines zones géographiques et de lui interdire l'accès à certains périmètres. En subordonnant le prononcé du PSEM à l'évaluation préalable de la dangerosité de la personne condamnée et du risque de récidive qu'elle présente, le législateur a sciemment limité le prononcé de cette mesure de sûreté aux seuls individus dont la dangerosité demeure prégnante. Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 12 décembre 2005, le dispositif a été éprouvé avec succès. Le bracelet anti-rapprochement (BAR) est un dispositif innovant au service de la lutte contre les violences conjugales, priorité absolue de politique pénale souhaitée par le ministre de la justice. La circulaire du 23 septembre 2020 présente aux juridictions ce dispositif novateur, dont le déploiement est désormais effectif dans tous les tribunaux judiciaires, y compris d'Outre-mer, depuis décembre dernier. Afin de faciliter le déploiement de ce dispositif, par une dépêche du 27 mai 2021, chaque cour d'appel et tribunal judiciaire, mais aussi chaque service pénitentiaire d'insertion et de probation, ont été invités à désigner un référent chargé de la politique de développement du bracelet anti-rapprochement. L'inspection générale de la justice a par ailleurs élaboré une fiche méthodologique permettant aux juridictions de construire leur parcours de mise en œuvre de ce dispositif. Des visioconférences ont été conduites chaque semaine par les directions du ministère de la justice auprès des juridictions, qui se saisissent de manière croissante de ce nouvel outil. 116 mesures étaient prononcées au 31 mai 2021, et à ce jour 456 ont été prononcées dont 325 bracelets actifs. Pour garantir l'efficacité de ce dispositif, la coopération entre les différents acteurs est primordiale. Ainsi, les juridictions ont été encouragées à signer des protocoles locaux consignant les engagements réciproques de acteurs et organisant les modalités de la mise en œuvre opérationnelle du dispositif anti-rapprochement. L'intervention des associations d'aide aux victimes est également essentielle et encouragée à chaque étape de la procédure. La collecte des informations nécessaires au prononcé du dispositif en amont de l'audience est aussi encouragée, permettant de ce fait une meilleure information de la victime et davantage de célérité dans la mise en place du dispositif. Il convient également de souligner qu'en raison des contraintes juridiques liées à l'atteinte à la liberté d'aller et venir du porteur du bracelet anti-rapprochement et des contraintes opérationnelles tenant à la distance minimale entre les parties, ce dispositif ne peut convenir à toutes les situations. C'est dans l'objectif d'assurer la protection la plus large des victimes que le Gouvernement s'est engagé à déployer, d'ici novembre 2021, 3000 téléphones grave danger dans les parquets ; et à s'assurer qu'au delà de cet objectif, les juridictions disposent d'autant de téléphones grave danger et de bracelets anti-rapprochement que de besoin. Au 30 septembre 2021, 2 584 téléphones grave danger ont été déployés, dont 72 % sont attribués à des victimes, soit 1 849 ; les 28 % restants sont dans les juridictions pour faire face aux urgences. Les deux dispositifs sont complémentaires et permettent de s'adapter aux besoins de protection des victimes qui peuvent ainsi se voir remettre un dispositif de téléphone grave danger dès l'enclenchement de la procédure, en présence d'un danger avéré. Le recours aux évaluations personnalisées a également connu une forte hausse, traduisant l'engagement des associations d'aide aux victimes, toujours plus important. La formation et la mobilisation de l'ensemble des professionnels de première ligne est un levier majeur de prévention des violences et de la récidive. Le ministère de la justice est pleinement mobilisé en faveur de ces partenariats innovants et accompagne avec détermination les juridictions dans le déploiement de ces nouveaux dispositifs. [1] Données communiquées par la DAP et extraites du logiciel SAPHIR permettant le suivi des mesures de surveillances électroniques.
Auteur : M. Pierre Vatin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Sécurité des biens et des personnes
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 13 juillet 2021
Réponse publiée le 9 novembre 2021