Question de : Mme Corinne Vignon
Haute-Garonne (3e circonscription) - La République en Marche

Mme Corinne Vignon attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur la politique de régulation du loup mise en œuvre en France et renforcée par l'augmentation du plafond annuel d'autorisation de destruction adopté en octobre 2020. Si le loup était considéré comme éradiqué en 1937 en France, il est réapparu sur le territoire au cours des années 90 grâce à l'encadrement européen de sa préservation. Le loup est en effet, depuis 1979, une espèce protégée par la convention de Berne, ratifiée par la France en 1989 et est classé en tant qu'espèce vulnérable sur la liste rouge des espèces menacées de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). La directive européenne du 21 mai 1992, dite « directive habitats, faune, flore », classe également le loup parmi les espèces d'intérêt communautaire, nécessitant une protection stricte. Des dérogations à cette protection stricte peuvent être autorisées par la réglementation européenne sous réserve notamment de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces dans leur aire de répartition naturelle (directive habitats de 1992), mais également de prouver l'inefficacité de toute autre alternative non létale pour gérer des populations de loups (CJCE, 2019). Le plan national d'action loups adopté en 2018 indiquait que « les scientifiques recommandent de ne pas abattre plus de 10 à 12 % de l'effectif afin de ne pas remettre en cause la viabilité de l'espèce ». Il poursuivait en précisant que « dès lors que la population sera considérée en bon état de conservation sur le territoire par les scientifiques, le principe du plafond annuel et son niveau seront réexaminés et les modalités de gestion seront adaptées pour tenir compte de l'accroissement naturel de l'espèce et de ses impacts sur les activités d'élevage ». Or il apparaît que, suite à l'adoption en 2018 d'un quota de destruction plafonné à 10 % de la population annuellement estimée, un nouvel arrêté a été adopté en octobre 2020, rehaussant ce quota à hauteur de 19 %, pouvant même être augmenté de 2 % si ce plafond est atteint avant la fin de l'année. De surcroît, aucune évaluation n'a été réalisée quant à l'impact des tirs déjà effectués depuis de nombreuses années sur la prévention des attaques. La Cour de justice européenne a pourtant reconnu en 2019 que le principe de précaution s'applique à la préservation des espèces protégées : ainsi, une dérogation ne peut pas être délivrée lorsque les connaissances scientifiques disponibles laissent subsister un doute quant à son effet potentiellement négatif sur l'état de conservation de l'espèce en cause. Compte tenu du fait que la France détient de très loin les records du nombre de dommages, du coût public de la protection et du montant des indemnisations de dommages, elle souhaiterait connaître les moyens mis en œuvre par le Gouvernement pour s'assurer de la mise en œuvre effective, par les éleveurs, des mesures financées et pour reconnaître leur inefficacité, condition sine qua none pour autoriser le recours aux tirs d'abattage sur une espèce protégée.

Réponse publiée le 1er mars 2022

La France assure un suivi très précis de la population de loups, dont la progression est avérée tant en effectif qu'en aire de répartition. Ainsi, le bilan hivernal 2020-2021 fait état de 125 zones de présence permanente, dont 106 meutes, pour un effectif de 624 individus. Le bilan hivernal 2019-2020 faisait état de 100 zones de présence permanente, dont 81 meutes, pour un effectif total estimé de 580 individus, et le bilan 2019, de 92 zones de présence permanente, dont 70 meutes, pour un total estimé de 530 individus. Cette progression tend à montrer que la condition fixée par la législation européenne à l'octroi de dérogations à la protection de l'espèce, tenant à ce qu'elles « ne nuisent pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle », est respectée. Dans le contexte de cette croissance de la population, le nombre d'animaux domestiques victimes de prédation par le loup se stabilise depuis trois ans, à environ 12 000 individus. Ceci est principalement lié aux progrès significatifs réalisés ces dernières années dans le déploiement des mesures de protection des troupeaux. Le budget total consacré à cet effort de protection est en progression : il était de 28,6 M€ en 2020, contre 26,8 M€ en 2019 et 24,6 M€ en 2018, et il a plus que doublé depuis 2014. Depuis 2019, en dehors des fronts de colonisation, les indemnisations de dommages sont conditionnées à la mise en place des mesures de protection, ce qui contribue à leur généralisation. Des efforts ont été faits et vont continuer à l'être pour améliorer leur efficacité : une démarche a notamment été engagée envers les élevages subissant les plus fortes prédations, en vue de leur accompagnement. En 2020, elle a concerné les 53 élevages concentrant 30 % de la prédation, donnant déjà lieu à une réduction des attaques de 19 % sur les exploitations concernées ; cette démarche a été étendue en 2021 pour atteindre les 200 élevages concentrant 50 % de la prédation, dans le cadre de l'observatoire des mesures de protection en cours de mise en place. Par ailleurs, un effort particulier est réalisé pour accompagner l'élevage face à la prédation dans les cœurs de parcs nationaux où les tirs sont interdits (aides-bergers, construction et rénovation de cabanes, etc.) : cela a conduit à une réduction des attaques de l'ordre de 23 %, et des victimes de l'ordre de 22 %, en un an, dans ces espaces. Enfin, une filière qualité des chiens de protection est en cours de développement, en vue d'améliorer leur utilisation sur le plan de l'efficacité et de la sécurité. La mise en œuvre effective des mesures de protection des troupeaux est d'abord contrôlée dans le cadre de leur financement par l'État, par les services instructeurs, au titre de la bonne utilisation des fonds publics. Elle est également contrôlée dans le cadre de l'instruction des demandes de tirs de défense par les services de l'État ou de l'Office français de la biodiversité (OFB), et elle l'est aussi systématiquement en préalable aux tirs effectués par les louvetiers ou la brigade mobile d'intervention de l'OFB. Le dispositif de tirs dérogatoires de loups est un système très régulé et précis. Il n'a pas pour objet, et n'a pas eu jusqu'à ce jour pour effet, d'empêcher la population de loups de croître au-delà d'un certain seuil. Il ne constitue pas la réponse principale apportée au problème de la prédation des troupeaux domestiques, mais une réponse complémentaire, et en règle générale subordonnée au déploiement des mesures de protection, destinée à ne pas laisser de situation sans solution. À cet égard, la nature des tirs dérogatoires a connu une évolution significative : alors que les tirs de prélèvement étaient encore majoritaires il y a quelques années, la très grande majorité des tirs (93 sur 97 en 2020) sont aujourd'hui des tirs de défense, réalisés sur des loups en situation d'attaque sur des troupeaux. Le Gouvernement poursuit ainsi une politique volontaire et équilibrée pour maintenir le bon état de la population de loups, tout en soutenant les activités humaines, notamment le pastoralisme et l'élevage, et le développement des territoires.

Données clés

Auteur : Mme Corinne Vignon

Type de question : Question écrite

Rubrique : Animaux

Ministère interrogé : Transition écologique

Ministère répondant : Transition écologique

Dates :
Question publiée le 27 juillet 2021
Réponse publiée le 1er mars 2022

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