Situation en Afghanistan
Question de :
Mme Frédérique Dumas
Hauts-de-Seine (13e circonscription) - Libertés et Territoires
Question posée en séance, et publiée le 19 mai 2021
SITUATION EN AFGHANISTAN
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Dumas.
Mme Frédérique Dumas. Ma question s'adresse au ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Le 8 mai dernier, trois attentats ont eu lieu à la sortie d'une école de filles dans le quartier ouest de Kaboul : 63 personnes y ont trouvé la mort et plus de 150 ont été blessées – la plupart étaient des jeunes filles âgées de 12 à 17 ans.
Comme l'ont rappelé Fahimeh Robiolle et Michel Taube dans le journal Opinion internationale, les attaques les plus meurtrières de ces dernières années ont été menées en Afghanistan contre des civils, dans des écoles et des mosquées. Les talibans n'ont pas revendiqué ces attentats, ce qui leur permet d'échapper au regard de l'opinion internationale et d'imposer de plus en plus leurs conditions avant le départ définitif des Occidentaux. En septembre 2020, pour accepter la négociation de Doha, les talibans ont exigé la libération de 5 000 prisonniers. La communauté internationale l'a accepté, mais cela n'a contribué ni à faire avancer la paix ni à diminuer la violence. Pendant que les Américains accélèrent leur départ – qui sera définitif le 11 septembre 2021 –, les pourparlers continuent pour faire venir les talibans à la table des négociations, non plus à Doha mais à Istanbul. Cette fois-ci, le prérequis serait la libération de 7 000 prisonniers et le fait que l'ONU ne tienne plus de liste des personnes considérées comme proches des talibans, afin qu'elles puissent circuler librement.
Comment peut-on avoir la naïveté de penser que fermer les yeux sur les talibans nous aidera à lutter contre Al-Qaïda et que l'Afghanistan ne deviendra pas une des sources majeures de financement du terrorisme à travers la culture du pavot et maintenant la fabrication de l'héroïne, des activités qui alimentent le fléau de la drogue que nous prétendons combattre sur notre propre sol ? Une nouvelle guerre civile menace d'éclater en Afghanistan. Si elle survient, elle provoquera un flot de réfugiés dont s'indigneront à nouveau les pays européens, à commencer par le nôtre. Comment fermer les yeux ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que la France s'apprête bien à fermer son ambassade en Afghanistan ? Pouvez-vous nous préciser les initiatives concrètes en matière de coopération que la France, qui sera à la tête de l'Union européenne durant le premier semestre 2022, envisage de prendre après le 11 septembre ? La guerre contre le terrorisme est un échec, nous sommes en train de commettre les mêmes erreurs en Afrique, en Syrie, au Liban. Le conflit israélo-palestinien nous démontre le tragique auquel conduit l'escalade de la violence. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité.
M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité. Madame la députée, nous continuons à suivre de très près la situation sur le terrain en Afghanistan. Comme vous l'avez dit, le 8 mai, le pays a été frappé par un terrible attentat qui a touché une école, tandis qu'un autre a frappé une mosquée près de Kaboul, le vendredi 14 mai dernier. Les violences ont retrouvé un niveau élevé, après la courte trêve du 13 au 16 mai, proposée par les talibans pour marquer la fin du ramadan. Les insurgés ont relancé leurs attaques d'envergure dans quinze provinces. Après une longue pause, l'équipe de négociateurs du gouvernement républicain afghan et celle des talibans ont repris leurs discussions de paix à Doha le 14 mai. Les talibans auraient accepté de participer à une conférence de paix internationale sous l'égide des Nations unies, à condition que les négociations se poursuivent ensuite à Doha, uniquement entre Afghans.
Malgré l'accentuation des violences, les Américains poursuivent le retrait de leurs troupes. Dans ce contexte politique et sécuritaire incertain, nous avons pris la décision d'inviter nos ressortissants à quitter l'Afghanistan dès que possible. Les États-Unis, le Canada, l'Italie et le Royaume-Uni ont envoyé à leurs ressortissants des messages similaires. Soucieuse du sort des personnels afghans, la France a amorcé leur mise en sécurité en France. Les premières opérations à cette fin ont commencé et vont se poursuivre dans les jours qui viennent. Nous le faisons non pas parce que nous aurions abandonné l'Afghanistan ou que nous adopterions je ne sais quelle position de retrait, mais parce qu'il est de notre responsabilité de protéger les agents qui ont servi la France, ainsi que leurs familles.
La France soutient le processus de paix en Afghanistan et j'ai moi-même eu l'occasion d'évoquer cette question avec le ministre ouzbek des affaires étrangères, Abdulaziz Kamilov, dans le cadre de mon déplacement en Ouzbékistan, pays qui est au cœur des pourparlers pour l'avenir de l'Afghanistan. Seule la préservation des acquis de ces vingt dernières années permettrait une paix durable ; l'aide de l'Union européenne ne devrait être poursuivie qu'à cette condition.
Auteur : Mme Frédérique Dumas
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Commerce extérieur et attractivité
Ministère répondant : Commerce extérieur et attractivité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mai 2021