15ème législature

Question N° 4048
de Mme Sylvia Pinel (Libertés et Territoires - Tarn-et-Garonne )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Éducation nationale, jeunesse et sports
Ministère attributaire > Éducation nationale, jeunesse et sports

Rubrique > enseignement

Titre > Langues régionales

Question publiée au JO le : 26/05/2021
Réponse publiée au JO le : 26/05/2021 page : 5474

Texte de la question

Texte de la réponse

LANGUES RÉGIONALES


M. le président. La parole est à Mme Sylvia Pinel.

Mme Sylvia Pinel. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Le 8 avril dernier, à une très large majorité, notre assemblée votait définitivement la première loi de la Ve République consacrée aux langues régionales, proposée par mon collègue Paul Molac.

Cette loi est très attendue dans nos régions où nos langues, notre patrimoine, sont en péril. Elles doivent leur survie à l'engagement de bénévoles au sein d'associations et d'un réseau d'écoles dynamiques en breton, basque, catalan, corse ou occitan.

Or, vendredi dernier, le Conseil constitutionnel, tout en validant la majorité de ce texte, a censuré deux mesures, ce qui pourrait avoir de graves répercussions. Je ne reviendrai pas sur les conditions de la saisine ; dans notre pays, les décisions du Conseil s'imposent à nous.

Pour être issue d'une famille politique viscéralement attachée à la République, je vous assure que ce texte ne la menace en rien. Qui peut sérieusement croire que le n tilde, le ñ, dans les actes d'état civil, constitue une menace pour l'indivisibilité de la République ? Alors que la future carte d'identité sera bilingue anglais-français, il sera interdit d'y faire figurer les signes diacritiques des langues régionales.

Aujourd'hui, c'est l'existence même des écoles immersives qui est remise en cause. Or je veux insister sur les apports de la diversité linguistique et culturelle, sur les excellents résultats pédagogiques de ces méthodes d'enseignement, y compris dans la maîtrise du français.

Que deviendront les écoles associatives qui proposent un enseignement immersif ? Suspendrez-vous leur contrat d'association, les contraindrez-vous à modifier leur pédagogie, à suspendre les projets en cours de déploiement ? Quel est l'avenir des écoles internationales prévues par la loi, dans lesquelles la scolarité se fait en langue étrangère ? Ma question est donc simple : comment comptez-vous sécuriser juridiquement l'existence des écoles immersives qui, depuis des décennies, fonctionnent sans remettre en cause l'unité de notre République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur quelques bancs des groupes LR, Dem et UDI-I.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Une chose nous réunit, c'est que nous sommes tous pour les langues régionales…

Un député LR . Menteur !

M. Frédéric Reiss. Certains plus que d'autres !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . …qui sont aujourd'hui enseignées à 120 000 élèves en France, dont 60 000 dans le premier degré. Ce chiffre n'a cessé d'augmenter depuis 2017, à la faveur d'impulsions que nous avons d’ailleurs données à des structures comme Diwan ou Seaska auxquelles vous avez fait référence. Le débat doit donc partir sur des bases saines : nous sommes tous pour les langues régionales.

M. Frédéric Reiss. Le débat a été sain dans l'hémicycle !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . Puis, il y a une décision du Conseil constitutionnel. Vous l'avez dit, il ne nous appartient pas spécialement de la commenter, mais de l’appliquer dans un sens constructif.

M. Pierre Cordier. Vous êtes constructif quand ça vous arrange !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . Ainsi, mon message aujourd'hui – et je suis certain que le Premier ministre aura l'occasion de s'exprimer aussi –, c'est évidemment une main tendue à tout le monde : aux partisans des langues régionales parce que nous allons continuer à les encourager, et aux structures qui peuvent penser qu'elles courent un risque du fait de cette décision. Nous les recevrons et regarderons avec elles comment nous pouvons aller de l'avant.

Je l'ai souligné lors du débat parlementaire, je suis en faveur de l'existence de Diwan ou de Seaska par exemple, et nous avons d'ailleurs, lors de cette rentrée, engagé des moyens supplémentaires pour ces écoles. Aussi, le sujet ne doit pas conduire à des malentendus.

Le Conseil constitutionnel a pris une décision ; il vaut mieux que ce soit maintenant qu'à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité. À tout le moins, la « loi Molac », en faveur de laquelle je m'étais d’ailleurs prononcé lors de sa première lecture, bénéficie d’une sécurité juridique. Il faut maintenant voir comment appliquer de manière constructive cette loi qui, en effet, peut représenter un progrès, en préservant les droits des structures qui pensent qu'elles courent un risque. Mais si nous sommes sincèrement pour les politiques de langues régionales, nous pouvons, de façon consensuelle et unanime sur ces bancs, aller vers une politique toujours plus dynamique, en tenant compte de la décision du Conseil constitutionnel et en réussissant à aider les structures qui justement promeuvent les langues régionales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.)