15ème législature

Question N° 40594
de Mme Marie-France Lorho (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > politique extérieure

Titre > Augmentation des persécutions des chrétiens en Turquie.

Question publiée au JO le : 03/08/2021 page : 6133
Réponse publiée au JO le : 24/08/2021 page : 6459

Texte de la question

Mme Marie-France Lorho interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'augmentation des persécutions des chrétiens en Turquie. En janvier 2020, le meurtre de deux chrétiens a remis en évidence les dangers encourus par les populations chrétiennes dans une Turquie où elles atteignaient, en 1921, 20 % de la population nationale contre 0,2 % aujourd'hui. En novembre 2020, un chrétien sud-coréen avait déjà été assassiné à coups de couteau à Diyarbakir. Dans la vie quotidienne, certains chrétiens se voient refuser, en raison de leur religion, le renouvellement de leur titre de séjour ; ils sont surveillés et soumis à des contrôles, se voient limités dans l'exercice de leurs libertés religieuses, si l'on en croit l'ONG Portes ouvertes. Ils ont par ailleurs un accès limité à l'emploi dans le secteur public. Il n'est par ailleurs pas possible, pour les nouvelles communautés religieuses, de s'enregistrer dans le pays et impossible de former des religieux chrétiens. À l'heure où le président turc a condamné la Cour de justice européenne pour sa méconnaissance supposée de la « liberté de religion », ce sombre tableau de la chrétienté en Turquie doit être condamné et combattu. Elle lui demande quelle position il compte prendre quant aux persécutions faites à l'encontre des chrétiens en Turquie.

Texte de la réponse

La France est particulièrement préoccupée par la détérioration de la situation des personnes appartenant à des minorités religieuses, dont les droits sont violés dans différentes parties du monde. Elle défend sans relâche la liberté de religion ou de conviction, telle qu'énoncée à l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, à l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et à l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, instruments internationaux auxquels la Turquie est partie. Cette liberté implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seul ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites. La France est ainsi engagée pour la promotion et le respect de la liberté de religion ou de conviction, tant au plan multilatéral qu'à titre national. Elle promeut une conception universaliste et indivisible de la lutte contre toutes les discriminations quelles qu'elles soient, y compris celles fondées sur l'appartenance à une religion ou une conviction, sans distinction. La France condamne ainsi l'ensemble des violences et persécutions à l'encontre des individus en raison de leur religion ou de leurs convictions. La politique de la France vis-à-vis des chrétiens d'Orient persécutés s'inscrit dans cette politique à portée universelle, sans parti pris pour une religion ou une conviction en particulier. Au plan bilatéral, la France saisit régulièrement les occasions de rencontres avec les autorités des pays concernés, y compris la Turquie, pour condamner fermement les violations des droits de l'Homme dont sont victimes les personnes appartenant à certaines minorités religieuses et évoquer les cas individuels les plus préoccupants. Elle incite les États qui ne l'ont pas fait à signer et ratifier l'ensemble des instruments internationaux relatifs aux droits de l'Homme, y compris ceux qui consacrent la liberté de religion ou de conviction, dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et à assurer la pleine conformité de leur législation à leurs engagements internationaux. Avec ses partenaires de l'Union européenne, elle invite la Turquie, notamment dans le cadre du dialogue entretenu dans le cadre de l'accord d'association, à honorer ses engagements, y compris ceux relatifs à la liberté de religion ou de conviction. Le nombre de chrétiens présents aujourd'hui en Turquie est estimé à 80 000 personnes, soit 0,1 % de la population turque. Ce nombre résiduel reflète mal la richesse d'une histoire qui a fait du territoire de l'actuelle Turquie l'un des berceaux du christianisme. C'est dans ce cadre que peut être évoquée la vitalité théologique, spirituelle et pastorale de l'Église syriaque dans la région de Tur Abdin, dans le sud-est de la Turquie. La ville de Mardin abrita le siège du Patriarcat syriaque-orthodoxe de 1293 à 1924 et celui du Patriarcat syriaque-catholique de 1851 à 1920. Reconnues sous l'Empire ottoman, les diverses communautés chrétiennes ont ensuite connu un déclin brutal au début du XXe siècle, notamment lors du génocide des Arméniens en 1915, dont les assyro-chaldéens furent également victimes. Les chaldéens, par exemple, qui ne sont plus qu'environ 2 000 en Turquie, font partie des communautés qui, à l'inverse des membres de l'Église orthodoxe apostolique arménienne, des orthodoxes grecs et des juifs, ne bénéficient pas de la reconnaissance officielle de l'État turc (garantie par le traité de Lausanne de 1923). Ces derniers connaissent des difficultés d'intégration du fait de la domination en Turquie d'une vision homogénéisatrice autour de la langue turque et de l'islam sunnite, et font l'objet de discriminations fréquentes. Cette situation, aggravée par les affrontements entre l'armée turque et la rébellion kurde dans lesquelles elles étaient victimes à leur corps défendant, a conduit une partie des communautés chrétiennes à émigrer : par exemple, la plupart des chaldéens ont fui la Turquie, notamment pour la France, d'où la présence d'une communauté chaldéenne de 15 à 20 000 personnes dans le triangle de Gonesse dans le Val-d'Oise, aujourd'hui parfaitement intégrée. Dans ce contexte, la France restera attentive à la situation des minorités religieuses, et notamment des chrétiens en Turquie, et à passer, chaque fois que cela sera nécessaire, les messages appropriés aux autorités turques, pour que leurs droits soient respectés.