15ème législature

Question N° 40796
de Mme Muriel Ressiguier (La France insoumise - Hérault )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique
Ministère attributaire > Transition écologique

Rubrique > climat

Titre > Restera-t-il un chant d'oiseau ?

Question publiée au JO le : 31/08/2021 page : 6496
Réponse publiée au JO le : 12/10/2021 page : 7582

Texte de la question

Mme Muriel Ressiguier alerte Mme la ministre de la transition écologique sur les conséquences du dérèglement climatique. Ces dernières années et particulièrement ces derniers mois, ont été marqués par des évènements climatiques extrêmes et particulièrement nombreux : incendies en Californie, au Canada, en Grèce, en Algérie, en Turquie, en Russie, ou encore en France, dôme de chaleur au Mexique, famine à Madagascar due à la sécheresse, ou encore les inondations meurtrières en Allemagne, en Belgique, en Inde, en Chine et au Japon. Ces évènements sont un signe fort et aujourd'hui irréfutable d'un dérèglement climatique sur lequel les associations, les ONG, les citoyens et des politiques alertent depuis plusieurs années. Le signe aussi que le modèle ultra-productiviste qui tarit les ressources naturelles de la terre, détraque l'équilibre écologique mondial de manière irréversible. En amont de la prochaine Conférence internationale de Glasgow sur les changements climatiques organisée par les Nations Unies qui se déroulera du 1er au 12 novembre 2021, le GIEC, le groupe d'experts intergouvernemental de l'ONU chargé de suivre l'évolution du climat, a anticipé la sortie de la synthèse et du premier volet de son rapport d'évaluation destiné aux décideurs politiques qui sera publié dans son intégralité en février 2022 après son approbation par les 195 États membres de l'ONU. 234 scientifiques de 66 pays ont rédigé 4 000 pages à partir de 14 000 études scientifiques. 137 pages sur 4 000 alertent sur l'imminente urgence écologique et les effets dorénavant inéluctables des conséquences liées au réchauffement climatique. Le rapport expose des projections climatiques à partir du plafond fixé en 2015 par l'Accord de Paris sur le climat. Les pays signataires s'étaient engagés à ne pas dépasser 2°C d'ici 2050 par rapport aux températures moyennes de la période préindustrielle 1850-1900 et pour la majeure partie d'entre eux à ne pas dépasser 1,5°C. Or en 2020, la température moyenne était déjà supérieure de 1,2°C par rapport à la période préindustrielle. L'Organisation météorologique internationale estime même très probable que la température mondiale annuelle moyenne soit temporairement supérieure à 1,5°C aux valeurs industrielles pendant au moins l'une des 5 prochaines années. Sans actions fortes et immédiates les pays signataires de l'accord de Paris n'auront donc pas tenu leurs engagements. Selon le rapport du GIEC, en limitant la hausse à 2°C, le réchauffement pourrait affecter d'ici 2050, 2,5 milliards d'êtres humains dans le monde. Même en limitant la hausse à 1,5°C, les experts du GIEC estiment que cela pourrait entraîner « progressivement des conséquences graves, pendant des siècles et parfois irréversibles » comme la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l'Antarctique de l'Ouest qui pourrait constituer un point de non-retour. En effet, à elles seules, elles contiennent assez d'eau pour provoquer une hausse du niveau de la mer de 13 mètres. En 2050, des centaines de millions d'habitants de villes côtières seront menacés par des vagues-submersion plus fréquentes, provoquées par la hausse du niveau de la mer. La Banque mondiale a estimé à plus de 140 millions le nombre de réfugiés climatiques dans les trente prochaines années. Avec un réchauffement global de 1,5°C, 350 millions d'habitants supplémentaires seront exposés aux pénuries d'eau, 400 millions si la hausse est de 2°C. 420 millions de personnes de plus seront menacées par des canicules extrêmes. Par ailleurs, le rapport des experts de l'ONU pointe une baisse de 4 à 10 % de la production des principales cultures depuis dix ans. À l'échéance 2050, le manque d'eau pourrait détruire la riziculture dans 40 % des régions productrices. En conséquence, à ce rythme, ce sont près de 80 millions de personnes supplémentaires qui pourraient souffrir de la faim d'ici à 2050 avec un réchauffement global de 2 °C. Aucune réserve alimentaire et aucun repli national ne protègeront des effets du réchauffement climatique. En France, d'ici 2100, les 150 000 hectares de la Camargue seront recouverts par les eaux avec les salins et les rizières. D'autres littoraux vont être impactés comme l'Estuaire de la Gironde, le Marais poitevin ou encore la Côte d'Opale sur laquelle repose des sites sensibles : centrale nucléaire de Gravelines, 14 sites industriels classés Seveso ou l'entrée du tunnel sous la Manche. Au sud, l'Occitanie et le pourtour méditerranéen seront impactés, mais aussi l'intérieur des terres et les forêts qui seront touchés par la sécheresse, les incendies, les dômes de chaleur, par exemple en Sologne, en Franche-Comté ou en Alsace. Quel que soit le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les impacts dévastateurs du réchauffement sur la nature et l'humanité qui sont déjà perceptibles vont dangereusement s'accélérer. Des incertitudes subsistent autour du « point de bascule », le degré de température à partir duquel les changements provoqués seraient violents et irréversibles et qui représente une menace réelle. De nombreux écosystèmes terrestres, marins, côtiers, ou d'eau douce sont d'ailleurs déjà proches ou au-delà des limites leur permettant de s'adapter. Le dernier rapport du GIEC conclut par cette phrase choc, témoin de la situation critique et imminente que l'on vit : « La vie sur Terre peut se remettre d'un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes », « l'humanité ne le peut pas ». Selon l'ONG Global Footprint Network, le 29 juillet 2021, l'humanité a franchi le jour du dépassement. Elle a épuisé les ressources biologiques que la planète est capable de régénérer en une année, 5 mois avant la fin de l'année. On consomme chaque année environ 74 % de ressources supplémentaires par rapport à ce que les écosystèmes peuvent régénérer. Depuis plusieurs années, les pays et la communauté internationale disent se mobiliser pour faire face aux enjeux environnementaux. Les sommets et les projets de loi s'enchaînent mais la courbe du réchauffement climatique ne fléchit pas, bien au contraire, la dette écologique continue de se creuser et les évènements climatiques extrêmes se multiplient. Malgré l'accueil, en 2015, des Accords de Paris, la France ne remplit pas ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Depuis le début de son investiture en 2017, le président de la start up nation , mène une politique écologique du greenwashing décriée de tout bord. Bien que les projets de loi se soient succédés : loi sur l'agriculture et l'alimentation, loi d'orientation des mobilités, loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, la politique verte de ce quinquennat a été une succession d'effets d'annonce, de promesses non tenues et d'inaction comme l'interdiction du glyphosate, des néonicotinoïdes, des perturbateurs endocriniens, des œufs de poules élevées en batterie ; mais aussi la fermeture des centrales à charbon ou la sortie du nucléaire. Le Gouvernement aurait pu aussi affirmer une politique « verte« en organisant un moratoire sur la 5G demandé par de très nombreux élus et qualifiés d'amish par Emmanuel Macron ; ou un prévoyant de réelles contreparties écologiques dans le plan de relance de 100 milliards d'euros. Que d'occasions manquées ! Le journal associatif Reporterre a analysé 169 mesures prises par le Gouvernement depuis 2017 en faveur de l'énergie, la mobilité, l'agriculture, le logement, le climat ou de la biodiversité et a jugé 89 mesures prises par le Gouvernement actuel, nuisibles pour la planète, comme l'accord de libre-échange avec le Canada, qui aura pour effet d'augmenter les échanges et les émissions de gaz à effet de serre. Le retard de la France est tel que l 'État est menacé d'astreinte depuis juillet 2020 par le Conseil d'État de 10 millions d'euros par semestre s'il ne lutte pas davantage contre la pollution de l'air. Le Gouvernement a également été jugé « responsable d'inaction dans la lutte contre le réchauffement climatique« à l'issue du procès de « l'affaire du Siècle ». La politique écologique française ne peut plus reposer sur le volontariat ou être consensuelle avec les tenants du modèle économique ultra-libéral qui ravage à la fois les salariés, les animaux et la planète. C'est pourquoi elle lui demande si le Gouvernement a pris la mesure de l'urgence absolue de la situation et si oui, ce qu'il compte faire concrètement et dans quel délai.

Texte de la réponse

Le parlementaire appelle l'attention sur les conséquences du dérèglement climatique déjà perceptibles dans le monde et qui sont amenées à s'intensifier et interroge la ministre de la transition écologique sur l'action climatique menée par la France dans l'objectif de tenir ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Tout d'abord, contrairement à ce qu'indique la question, dans l'affaire devant le Tribunal administratif de Paris dite « affaire du Siècle », le Gouvernement n'a pas été « jugé responsable d'inaction dans la lutte contre le réchauffement climatique ». Le Tribunal a considéré que l'État ne peut être regardé comme responsable du préjudice écologique invoqué par les associations requérantes qu'autant que le non-respect du premier budget carbone (2015-2018) a contribué à l'aggravation des émissions de gaz à effet de serre. La France mène résolument le combat contre le réchauffement climatique. Elle s'est dotée d'un cadre juridique solide pour réduire ses émissions de GES et renforcer sa résilience aux effets du changement climatique. La France s'est ainsi engagée, à travers la loi sur l'énergie et le climat adoptée en novembre 2019, à atteindre la neutralité carbone en 2050. Cet objectif, « cohérent avec les objectifs de l'accord de Paris et les dernières connaissances scientifiques » selon le Haut Conseil pour le Climat, est au cœur de la Stratégie Nationale bas-carbone (SNBC) révisée en 2020 [1]. La SNBC constitue la feuille de route de la France pour mener sa politique d'atténuation du changement climatique et respecter ses objectifs de réduction des émissions de GES de court, moyen et long termes [2]. Elle donne les orientations stratégiques pour mettre en œuvre en France, dans tous les secteurs d'activité (transport, bâtiment, industrie, agriculture, etc.), la transition vers une économie faiblement émettrice de gaz à effet de serre et durable et fixe des plafonds d'émission nationaux de GES à ne pas dépasser pour permettre une visibilité à moyen terme des trajectoires de réduction (les budgets carbone). Ces orientations ont été traduites, depuis le début du quinquennat, au niveau législatif par des textes structurants qui ont conduit à réorienter notre façon de nous déplacer, de nous chauffer et de gérer nos déchets (Loi énergie climat de 2019, Loi d'orientation des mobilités, Loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, etc.). La loi climat et résilience (loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets), promulguée le 22 août 2021 vient enrichir ce socle. Elle a l'ambition d'entraîner et d'accompagner tous les acteurs dans cette indispensable mutation. Au-delà de l'innovation démocratique, cette loi contient de nouvelles mesures très concrètes, pour accélérer la transition du modèle de développement vers une société neutre en carbone. En particulier, on peut citer les mesures suivantes : - la création d'un comité régional de l'énergie chargé de favoriser la concertation sur les questions relatives à l'énergie au sein de la région et entre autres de proposer des objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables ; - l'instauration d'une Zone à faible émission mobilité (ZFE-m) dans toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants situées sur le territoire métropolitain ; - l'interdiction des vols intérieurs en cas d'alternative ferroviaire de moins de 2h30 ; - la compensation carbone des vols intérieurs restants ; - l'interdiction de la vente des voitures particulières les plus polluantes en 2030 et des véhicules poids lourds utilisant majoritairement des énergies fossiles d'ici 2040 ; - l'extension de la prime à la conversion pour les vélos électriques ; - le verdissement des véhicules des plateformes de livraison de marchandises ; - la définition d'une trajectoire du niveau d'indécence énergétique pour les logements qui conduira dès 2025 à interdire la mise en location des logements de classe G ; - l'accompagnement renforcé des ménages dans leur parcours de rénovation ; - l'interdiction d'implanter de nouveaux centres commerciaux sur des sols naturels ou agricoles. Ces mesures sont accompagnées de moyens budgétaires conséquents notamment les financements du plan de relance, qui doivent permettre d'accélérer la transition bas carbone de notre économie, avec en particulier le soutien à la décarbonation de l'industrie, à la rénovation thermique, et au verdissement de notre parc automobile et du secteur aérien. Ce plan consacre près d'un tiers de ses efforts (soit environ 30 milliards d'euro sur 2 ans) à des projets liés à la transition écologique et renforce ainsi les mesures déjà prises. 60 % des orientations sectorielles et transversales définies par la SNBC sont ainsi couvertes par ce plan et le Haut conseil pour le Climat reconnaît d'ailleurs que « l'effort de verdissement du plan de relance français est parmi les mieux dotés à l'échelle mondiale ». Les évolutions récentes des émissions de gaz à effet de serre sont encourageantes et tendent à traduire les effets des politiques publiques climatiques. Les émissions territoriales de la France sont en baisse depuis 2018 et le niveau d'émissions au cours de l'année 2019 est tel que la part annuelle indicative du 2e budget carbone révisé de la SNBC2 (443 MtCO2eq) est respectée, avec une marge de 6 MtCO2eq. La baisse constatée des émissions entre 2019 et 2018 (- 1,7 %) s'est en outre révélée supérieure à la baisse moyenne attendue par la trajectoire de la SNBC 2 entre ces deux années (- 1,5 % par an). Par ailleurs, la forte réduction d'émissions prévue pour 2020 ne saurait être analysée uniquement comme le résultat d'une situation conjoncturelle dont les effets seraient uniquement temporaires. Outre que les nombreuses mesures déjà mises en œuvre contribuent à la réduction structurelle des émissions en ligne avec la trajectoire de la SNBC 2, les effets de la crise sanitaire sur certains comportements pourraient perdurer et contribuer de manière structurante à réduire les émissions sur le long terme. Sous un angle plus prospectif, selon une étude externe indépendante menée par le cabinet Boston Consulting Group (BCG) début 2021 portant sur l'évaluation climat des mesures de politiques publiques prises depuis 2017, le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre visé par l'ensemble des mesures engagées depuis 2017, ajouté à celui des mesures prévues au moment de l'étude par le projet de loi « climat et résilience » est globalement à la hauteur de l'objectif 2030, sous réserve de leur exécution intégrale. Les discussions parlementaires ont permis d'enrichir le projet de loi par de nombreux amendements qui, par construction, n'ont pas été pris en compte par l'étude du BCG. Enfin, la gouvernance climatique a également été fortement renforcée par ce Gouvernement. Les outils mis en place (création du Haut Conseil pour le climat (organisme consultatif chargé de conseiller les décideurs politiques sur les orientations de moyen et long termes et d'évaluer l'action climatique française de manière indépendante) ; feuilles de route climat ministériels ; nouveau cadre d'action climatique et de rapportage à l'attention des collectivités et des filières économiques introduit par la loi Climat et résilience) sont de nature à permettre le suivi de la mise œuvre des mesures et l'ajustement voire le renforcement des mesures en fonction des résultats observés pour atteindre les objectifs climatiques que la France s'est fixés. [1] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGIARTI000041815681/2020-04-24/ [2] https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2020-03-25_MTES_SNBC2.pdf