Rémunérations des PDG en hausse en 2021 et limitation des écarts de salaires
Question de :
M. Pierre Dharréville
Bouches-du-Rhône (13e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Pierre Dharréville interroge Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion sur l'augmentation des rémunérations des dirigeants des entreprises du CAC40 au cours de l'année écoulée. En effet, l'on constate que cette rémunération a bondi de 40 % en moyenne pour les 40 PDG les mieux payés, avec une rémunération moyenne annuelle de 5,3 millions d'euros. Cette augmentation pose problème à plus d'un titre. Ces niveaux de rémunérations stratosphériques sont souvent justifiés par la bonne santé économique des entreprises qui serait imputable à une gestion audacieuse et particulièrement talentueuse de ces PDG. Or comment les justifier d'autant plus cette année où c'est l'État et le déploiement de politiques publiques fortes qui ont soutenu les entreprises et ont permis la reprise économique ? L'argent public vient donc directement financer les plus hauts salaires alors que c'est bien le travail des salariés qui crée la richesse. Par ailleurs, ces rémunérations apparaissent dangereuses pour la cohésion sociale. Elles génèrent un sentiment d'injustice légitime : 5,3 millions d'euros, reçus en un an, équivalent à 284 années de SMIC. Cet écart est parfois encore plus fort dans certaines entreprises, avec des écarts qui peuvent être de 1 à 400... Enfin, le mode de calcul de ces rémunérations semble tout sauf vertueux. Si une part de la rémunération est fixe, une autre est variable. 67 % de la rémunération serait basée sur l'atteinte d'objectifs financiers à court terme (rendement des actions, hausse du chiffre d'affaires etc.), 9 % sur des objectifs à long terme (climat, égalité homme-femme). Ce mode de calcul incite donc les PDG à négliger des impératifs environnementaux et sociaux, pour au contraire privilégier les intérêts des actionnaires et renforcer les cours de la bourse. Dans ce contexte de crise climatique, dans cette période où la société est particulièrement éprouvée, cela est particulièrement nocif. Aussi il souhaiterait savoir si elle envisage enfin la mise en place de règles pour lutter efficacement contre ces écarts de salaires au sein des entreprises et si le Gouvernement prévoit une fiscalité adaptée à ces hauts revenus.
Réponse publiée le 23 novembre 2021
Les chiffres mentionnés doivent être interprétés avec recul. En effet, la progression des rémunérations des présidents-directeurs généraux ou directeurs généraux du CAC 40 par rapport à 2020 intervient après la baisse des rémunérations de certains dirigeants en 2020 par rapport aux années précédentes dans le contexte de la crise économique causée par l'épidémie de Covid-19. Ainsi, la 7>ème> édition du baromètre annuel du cabinet d'actuaires français Galea indique qu'en 2020, 30 des 40 sociétés du CAC 40 ont fait état d'une baisse de rémunération pour certains de leurs dirigeants destinée à participer aux efforts nécessaires face à la crise. Au sujet des présidents-directeurs généraux ou directeurs généraux du CAC 40, l'organisme d'analyse Ethics and Boards précise que 52,5 % d'entre eux ont renoncé à une partie de leur rémunération en 2020, pour un montant représentant jusqu'à 65 % de cette rémunération pour certains d'entre eux. Ainsi, la progression des rémunérations de certains présidents-directeurs généraux du CAC 40 en 2021 s'explique en partie par un phénomène de rééquilibrage par rapport à la baisse de l'année précédente. En tout état de cause, l'État n'est pas compétent pour fixer la rémunération des dirigeants des sociétés de droit privé. Le Gouvernement a néanmoins conditionné les différents dispositifs de soutien public évoqués à un certain nombre d'engagements de responsabilité. Pour bénéficier d'un report d'échéances fiscales et sociales ou d'un prêt garanti par l'État, une grande entreprise devait notamment s'abstenir de verser des dividendes l'année de réception de l'aide, ou de détenir des filiales dans des États ou territoires non coopératifs en matière fiscale au cours de la période concernée. De tels engagements ont été pleinement respectés jusqu'ici. La seule entreprise du CAC 40 à avoir bénéficié d'un prêt garanti par l'État (PGE), à savoir Renault, n'a en particulier versé aucun dividende en 2020 et n'en versera d'ailleurs pas non plus en 2021. Les banques françaises ont par ailleurs réduit leur distribution de dividendes, conformément aux recommandations de la Banque centrale européenne : aucun versement de dividendes en 2020 puis, jusqu'au 30 septembre 2021, plafonnement des dividendes versé à 15 % des bénéfices cumulés des exercices 2019 et 2020, dans la limite de 20 points de base du ratio de fonds propres de catégorie 1 (CET1). Par ailleurs, la France est l'État européen qui a transposé de la manière la plus stricte le principe de « Say-on-Pay » imposé par la directive (UE) 2017/828 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l'engagement à long terme des actionnaires (directive droit des actionnaires II), qui soumet la politique de rémunération des dirigeants au vote des actionnaires. En effet, le dispositif français s'articule autour d'un double vote contraignant de l'assemblée générale des actionnaires, ces derniers bénéficiant à cette fin d'une information renforcée et pouvant s'opposer à la rémunération de leurs dirigeants par un vote à la majorité.
Auteur : M. Pierre Dharréville
Type de question : Question écrite
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : Travail, emploi et insertion
Ministère répondant : Économie, finances et relance
Dates :
Question publiée le 31 août 2021
Réponse publiée le 23 novembre 2021