Encadrement de l'exportation du bois
Publication de la réponse au Journal Officiel du 1er février 2022, page 679
Question de :
Mme Aurore Bergé
Yvelines (10e circonscription) - La République en Marche
Mme Aurore Bergé attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'importance de préserver la filière du chêne français, notamment face à la concurrence croissante des importateurs chinois. En effet, l'exportation française de chêne a été multipliée par près de dix en l'espace de dix ans, passant de 50 000 m3 à 500 000 m3 entre 2007 et 2017, mettant ainsi en danger l'intégralité des entreprises de transformation de chêne en France, dont 90 % disent manquer d'approvisionnement selon la Fédération nationale du bois (FNB). Que ce soit directement par l'intermédiaires d'acheteurs chinois ou via des pays de transit comme la Belgique ou le Danemark, près de 50 % des exportation de chêne français vont vers la Chine, ce qui représente aujourd'hui presque un cinquième (17,5 %) de la production nationale. Ainsi, cette situation a entraîné une augmentation de 65 % du prix du bois de chêne en France entre 2007 et 2017 selon l'Office national des forêts, une augmentation aggravée par l'actuelle hausse du prix des matières premières constatée à travers le monde. Face à cette concurrence étrangère grandissante, les scieries françaises sont dans l'incapacité de s'approvisionner en bois et tournaient à seulement 60 % de leur capacité en 2017 selon la FNB, malgré un souhait intact de participer à la croissance de l'appareil productif français. Pour mettre fin à ces graves problèmes qui, progressivement, deviennent structurels, certains pays tels que la Russie ont décidé de mettre un terme à l'exportation de grumes non transformées à compter du 1er janvier 2022. Aussi, elle souhaiterait savoir si des solutions telles que l'instauration de quotas maximaux d'exportation ou le lancement d'un label conditionnant des aides publiques à la transformation locale à l'image de celui délivré pour le bois issu de forêts publiques sont envisagées pour soutenir les entreprises françaises de transformation de chêne.
Réponse publiée le 1er février 2022
La demande nationale comme internationale en produits transformés à base de chêne est actuellement –et probablement durablement– bien orientée, soutenue par les plans de relance mis en œuvre au niveau national, européen ainsi qu'aux États-Unis, lesquels favorisent en particulier la reprise dans le secteur de la construction et de l'aménagement, constituant le principal débouché de la filière forêt-bois. À cet égard, le nombre de mises en chantier en France bondit : + 7,6 % par rapport aux trois mois précédents et + 5,7 % au cours des douze derniers mois. Parallèlement à l'organisation de la filière forêt-bois, le niveau des exportations de grumes de chêne français est reparti à la hausse, après une année 2020 marquée par la crise covid-19. Une hausse de + 16 % est observée sur les quatre premiers mois de l'année 2021, notamment à destination de la Chine (+ 29 %), pour in fine dépasser le volume moyen de grumes de chêne exporté de janvier à avril sur les dix dernières années, et dépasser le niveau exceptionnel d'export de grumes de chêne observée sur la période 2015-2019. Cette situation confirme donc le renforcement de ce mouvement de « fuite » de grumes de chêne qui s'est engagé depuis 2014. Ce flux important de la ressource nationale vers les pays tiers a appelé rapidement le Gouvernement à la vigilance et à mettre à l'étude les actions qu'il était possible d'entreprendre. Plusieurs réunions se sont tenues ces derniers mois, à l'initiative du ministère de l'agriculture et de l'alimentation ou au sein de l'interprofession, avec les représentants professionnels de la filière forêt-bois. Ces réunions ont permis de partager le diagnostic, de conforter le besoin de solidarité au sein de la filière et d'identifier les actions que chaque organisation professionnelle de l'amont pouvait conduire à son niveau pour répondre aux besoins exprimés par les entreprises de première transformation de bois. Ainsi, à l'issue d'une réunion en date du 21 juin 2021, un plan d'actions a pu être consolidé, sur la base des propositions des organisations professionnelles et des actions que l'État peut légalement entreprendre : - les initiatives favorisant la transformation industrielle du bois d'œuvre sur le territoire de l'Union européenne (UE) afin d'optimiser le bénéfice de son stockage de carbone continueront à être encouragées conformément à l'article 54 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Dans ce contexte, le principe du label UE des ventes de bois, qui donne la priorité aux acheteurs s'engageant à transformer ou faire transformer les bois dans l'UE, est plus que jamais nécessaire et va naturellement se poursuivre pour le chêne en forêts publiques. De leur côté, les organisations professionnelles de la forêt privée se sont engagées à expliquer cette modalité de vente aux propriétaires privés, et les experts forestiers de France ont organisé leur première vente nationale sous label UE le 13 juillet, opération qui a rencontré un franc succès et qui devrait être renouvelée dans les mois qui viennent ; - l'État a demandé à son opérateur, l'office national des forêts (ONF), d'amplifier ses efforts en matière de contractualisation, notamment du bois d'œuvre de chêne, sur la durée du contrat État-ONF 2021-2025 validé le 2 juillet par le conseil d'administration de l'ONF et d'augmenter, dans le respect des documents d'aménagement, le volume de bois mobilisé lorsque des difficultés d'approvisionnement sont identifiées ; - une mission vient également d'être confiée au conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux pour appuyer la filière dans un véritable développement de la contractualisation, qui apparaît comme le levier majeur, à termes pour sécuriser l'approvisionnement de ce secteur industriel ; - la Commission européenne a été saisie par les autorités françaises pour l'informer de la situation, dont il résulte une anomalie économique, patrimoniale et écologique, et l'inviter à étudier et prendre les mesures les plus appropriées au regard du droit européen, y compris en termes de restriction à l'exportation de grumes de chêne. Des mesures de sauvegarde au titre de sa compétence commerciale, devraient être étudier rapidement de façon à éviter une fuite non contrôlée des ressources forestières ; - les parlementaires avec le soutien du Gouvernement ont introduit dans le projet de loi climat et résilience une disposition visant à encadrer la profession d'exploitant forestier exportateur. Les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation ont engagé sans attendre l'élaboration du projet de décret qui contiendra les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle disposition ; - enfin, l'interprofession forêt-bois se doit de consolider son observatoire du marché du bois pour gagner en compréhension et en réactivité face à des situations de crise comme celle actuellement. Des indicateurs plus réactifs ou portant sur l'état de stock dans les entreprises vont notamment être mis en place. La mise en œuvre de ce plan d'action va faire l'objet d'un suivi régulier notamment à l'approche des ventes d'automne, qui sont les ventes plus importantes de l'année pour le chêne. Par ailleurs, afin de répondre aux enjeux de souveraineté qui se posent au niveau de la filière forêt-bois, notamment dans le contexte climatique, le Gouvernement a décidé de lancer cet automne des assises de la forêt et du bois, organisées sous l'égide des ministères de l'agriculture, de l'industrie et de la transition écologique. Ces travaux devront aboutir à des propositions opérationnelles et engager toutes les parties d'ici quelques semaines. Son soutien aux efforts consentis par les professionnels de la filière va également être renforcé, à la condition qu'ils contribuent à décloisonner l'amont et l'aval de la filière. Ainsi 100 millions d'euros (M€) supplémentaires seront déployés dans le cadre de France Relance, en complément des 200 M€ d'euros déjà en place. Enfin, la filière forêt-bois bois sera concerné par le futur plan d'investissement « Pour bâtir la France de 2030 » annoncé par le Président de la République.
Auteur : Mme Aurore Bergé
Type de question : Question écrite
Rubrique : Bois et forêts
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 15 novembre 2021
Dates :
Question publiée le 7 septembre 2021
Réponse publiée le 1er février 2022