Redevance pour copie privée
Question de :
M. Stéphane Viry
Vosges (1re circonscription) - Les Républicains
M. Stéphane Viry interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la crainte de certains professionnels au sujet de la mise en place de la « redevance copie privée », actuellement étudiée dans la navette législative de la proposition de loi « visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique ». Il a été alerté à plusieurs reprises dans son département, par des professionnels du reconditionnement de produits électroniques qui pensent que leur activité est essentielle et qu'elle se positionne comme un maillon indispensable de l'économie circulaire dans le pays. Ces professionnels estiment aujourd'hui que leur activité est menacée par l'idée d'imposer sur les produits reconditionnés, une « redevance copie privée », qui était appliquée jusqu'alors, uniquement sur les produits neufs. L'organisme en charge de la perception de cette redevance tente aujourd'hui d'élargir le périmètre d'assujettissement de cette redevance aux produits reconditionnés. La taxation supplémentaire risque de mettre en péril l'équilibre trouvé entre écologie et économie. Finalement, la redevance copie privée sera payée à deux reprises, voire plus. La première fois lors de l'achat du produit neuf par son premier propriétaire. La seconde fois (et les fois suivantes aussi), lors de l'échange du produit sur le marché de l'occasion. Alors que les revendeurs français font face à une concurrence parfois déloyale des opérateurs étrangers, cette nouvelle redevance risque de fortement dégrader le marché français de l'occasion des produits électroniques et d'impacter l'économie circulaire de ce secteur. 5 000 emplois directs seront affectés, tout comme les 10 % de ventes totales de la téléphonie mobile générées aujourd'hui par la vente de produits d'occasion. Dès lors, il souhaite obtenir de sa part des précisions quant à l'opportunité de cette décision de mise en place d'une nouvelle taxe et quant au périmètre de son champ d'application.
Réponse publiée le 21 septembre 2021
La rémunération pour copie privée prévue à l'article L. 311-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI) constitue une compensation équitable destinée à indemniser les auteurs, les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes à raison du préjudice causé par l'exception légale de copie privée qui permet aux possesseurs de supports d'enregistrement de reproduire licitement les œuvres et prestations protégées à des fins privées, sans solliciter l'autorisation des ayants droit concernés. La rémunération pour copie privée n'est donc pas une taxe mais constitue un prélèvement à caractère privé attaché aux droits d'auteur et droits voisins, dont elle constitue une modalité particulière d'exploitation. Les supports assujettis, ainsi que les taux applicables à chaque type de supports, sont déterminés par une commission administrative prévue à l'article L. 311-5 du CPI dite « Commission copie privée », présidée par un représentant de l'État et composée à parité, d'une part, des bénéficiaires du droit à rémunération et, d'autre part, des redevables directs et indirects du droit à rémunération (fabricants et importateurs de supports d'enregistrements et consommateurs). Cette commission exerce sa mission dans le cadre fixé par les législateurs français et européen. L'article 5-2 b) de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 relative à l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information impose ainsi aux États membres, qui ont introduit une exception de copie privée dans leur législation interne, la mise en place d'une compensation équitable au profit des titulaires de droits. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que cette compensation doit être regardée comme la contrepartie du préjudice subi par les auteurs et les titulaires de droits voisins pour la reproduction non autorisée de leurs œuvres et prestations. La Cour a également jugé que les dispositions de la directive 2001/29/CE précitée imposent à l'État membre qui a introduit l'exception de copie privée dans son droit national une obligation de résultat, en ce sens que cet État est tenu d'assurer, dans le cadre de ses compétences, une perception effective de la compensation équitable destinée à indemniser les auteurs lésés du préjudice subi, notamment si celui-ci est né sur le territoire dudit État membre. Les travaux menés par la Commission copie privée visent ainsi à compenser le préjudice subi par les titulaires de droits au titre des actes de copie privée réalisés sur les supports reconditionnés. La Commission a débuté l'examen de cette question par une phase d'auditions afin de réunir le maximum d'informations tant sur le plan juridique, que technique ou économique. La Commission a auditionné, d'une part, des représentants des ministères concernés (culture, transition écologique et transition numérique) et, d'autre part, des représentants du Syndicat interprofessionnel du reconditionnement et de la régénération des matériels informatiques et télécoms (SIRRMIET). Par ailleurs, et conformément aux dispositions de l'article L. 311-4 du CPI, la Commission copie privée a confié à l'institut GfK, en avril 2021, le soin de mener une étude d'usage afin d'apprécier l'étendue des pratiques de copie privée sur les supports reconditionnés. Les résultats de cette étude, administrée en ligne sur un échantillon représentatif de personnes âgées de 15 ans et plus, ont été présentés à la Commission copie privée au début du mois de mai 2021. Les résultats de cette étude ont permis de mettre en évidence certaines spécificités techniques et d'usage de ces supports. À l'aune des éléments ainsi recueillis, la Commission a décidé d'établir un barème différencié modifiant ceux jusqu'alors applicables aux mémoires et disques durs intégrés aux téléphones multimédias reconditionnés et aux tablettes tactiles multimédias reconditionnées. Lors de sa séance du 1er juin 2021, la Commission copie privée a ainsi adopté une nouvelle décision n°°22 établissant des barèmes de rémunération adaptés pour les téléphones multimédias et pour les tablettes tactiles multimédias reconditionnés. Ces deux catégories de supports bénéficient, depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle décision, le 1er juillet dernier, d'un abattement fixé respectivement à 40 % pour la première catégorie et à 35 % pour la seconde. La Commission copie privée a ainsi démontré sa capacité à assujettir les supports reconditionnés dans des conditions permettant le développement de la création, sans pour autant méconnaître d'autres enjeux, notamment écologiques ou économiques. En parallèle des travaux menés par la Commission copie privée, deux amendements, proposés par le Gouvernement, ont été adoptés, en première lecture, par l'Assemblée nationale, lors de l'examen de la proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France. Un premier amendement consacre le principe suivant lequel les supports reconditionnés doivent être assujettis dans le cadre de barèmes distincts de ceux applicables aux supports neufs. Un second amendement prévoit que le Gouvernement remettra, d'ici le 31 décembre 2022, un rapport visant à évaluer les impacts économiques de la rémunération pour copie privée, en particulier sur le secteur du reconditionné. Sur le plan législatif, le Gouvernement a souhaité conforter la solution équilibrée à laquelle a abouti la Commission en soutenant l'inscription, dans la loi, de l'assujettissement de ces supports selon un barème adapté. Le ministère de la culture se félicite du compromis trouvé, tant au niveau de la Commission copie privée qu'au niveau de l'Assemblée nationale. Ces barèmes adaptés permettront de garantir la légitime rémunération des auteurs et des artistes, particulièrement fragilisée en cette période de crise sanitaire, sans pour autant remettre en cause le caractère vertueux de l'économie circulaire.
Auteur : M. Stéphane Viry
Type de question : Question écrite
Rubrique : Numérique
Ministère interrogé : Économie, finances et relance
Ministère répondant : Culture
Dates :
Question publiée le 7 septembre 2021
Réponse publiée le 21 septembre 2021