Homicides conjugaux
Question de :
Mme Cécile Untermaier
Saône-et-Loire (4e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 16 juin 2021
HOMICIDES CONJUGAUX
M. le président. La parole est à Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile Untermaier. Cinquante-quatre : c'est le nombre de féminicides que nous déplorons depuis le début de l'année 2021. En 2020, ces violences étaient en augmentation de 9 % par rapport à 2019. Ces drames – pensons au meurtre de Mérignac et aux autres crimes inqualifiables – provoquent l'incompréhension et la colère, et une idée se répand : nous n'aurions pas tout fait pour les éviter. L'Espagne a su diminuer cette statistique funeste, mais en France, la menace reste lourde. Dès lors qu'il s'agit de violences intrafamiliales, la lutte contre ce fléau impose la diffusion de la culture du très grand risque et la création d'une chaîne d'acteurs travaillant ensemble – justice, forces de l'ordre, services pénitentiaires, associations.
Les bracelets anti-rapprochement (BAR) représentent la seule protection efficace parmi les trois types de bracelets existants, mais sur les mille BAR mis à disposition des juridictions, seuls soixante-dix-huit sont à ce jour actifs. Si les bracelets restent dans les tiroirs, la faute n'incombe pas aux juridictions : pour que les magistrats puissent en disposer facilement, il faut un personnel dédié et formé ainsi qu'un partenariat sans faille. L'appel des procureurs doit être entendu. La responsabilité qui pèse sur la justice est immense ; je sais que vous le savez.
Monsieur le garde des sceaux, le temps presse. Dans le sillage du rapport de l'Inspection générale de la justice, que vous aviez diligenté, quelles mesures allez-vous prendre ? Quel déploiement envisagez-vous pour les BAR et le travail collectif qu'ils imposent ? Pour lancer ce dispositif en 2018, l'Espagne avait débloqué 15 millions d'euros, contre 5,6 millions pour la France, et elle en a ajouté encore 7 en 2019. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Mme Marie-George Buffet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Nous déplorons tous chaque homicide conjugal. Vous savez – vous êtes une députée raisonnable – que la justice ne peut pas tous les éviter. Nous avons déployé les BAR : mille sont à la disposition des juridictions. Ils étaient sous-utilisés, « dans les tiroirs », comme je l'ai dit ; mais, depuis une circulaire comminatoire que j'ai eu l'honneur de signer, leur utilisation a augmenté de 100 %. Aujourd'hui, 105 bracelets sont actifs. Par ailleurs, 1 184 téléphones grave danger (TGD) sont actuellement déployés ; nous allons porter leur nombre à 3 000. Enfin, 3 254 ordonnances de protection ont été émises en 2020, contre 1 388 en 2017.
Si c'est indéniablement un échec collectif, il est incroyable de constater que l'on associe essentiellement la justice aux faits divers, comme si le ministère de la justice était responsable des crimes commis. Or le premier auteur de ceux-ci est naturellement le criminel.
Je tiens à citer des chiffres qui n'ont pas été portés à la connaissance des parlementaires : les TGD ont donné lieu à 1 385 déclenchements avec intervention des forces de sécurité intérieure ; les BAR, à 146 déclenchements. J'ai la faiblesse de penser que ces chiffres, qui ne feront jamais la une des journaux, correspondent aux crimes que nous avons évités. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)
Auteur : Mme Cécile Untermaier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Crimes, délits et contraventions
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 juin 2021