15ème législature

Question N° 41536
de M. Michel Larive (La France insoumise - Ariège )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique
Ministère attributaire > Transition écologique

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH)

Question publiée au JO le : 05/10/2021 page : 7323
Réponse publiée au JO le : 08/02/2022 page : 860

Texte de la question

M. Michel Larive attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur les conséquences sociales de la mise en place de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH). D'après les données du ministère de la transition écologique et solidaire, 5,8 millions de foyers ont besoin du chèque énergie chaque année pour se chauffer. L'Observatoire de la précarité énergétique, lui, a évalué à 20 % la part des ménages en situation de précarité énergétique. Le Secours catholique estimait en 2017 que « la précarité énergétique frappe d'abord les plus pauvres, qui n'ont pas les moyens de régler des factures dont le montant ne cesse de croître ». Pour François Boulot, chargé de mission pour l'association, « l'énergie est devenue, après l'alimentation, le deuxième poste d'aides du Secours Catholique ». « En dix ans, ces aides à l'énergie ont quasiment doublé. [...] Payer 130 euros de chauffage par mois, c'est impossible quand on vit sous le seuil de pauvreté ». Pour la socio-anthropologue Joanna Lees, le phénomène représente « une nouvelle figure de la relégation sociale ». D'autres associations d'aide aux plus démunis comme les Petits frères des pauvres et la Fondation abbé Pierre ont-elles aussi tiré la sonnette d'alarme sur le fait que de plus en plus de personnes précaires doivent choisir entre manger et se chauffer en hiver. Cette situation est indigne d'un pays civilisé qui, en 1946, avait fondé Électricité de France pour que tout le monde bénéficie de l'électricité à un coût modéré et sans interruption. Mais, depuis 2010, pour se conformer aux pressions de la Commission européenne, la France a mis en place la loi NOME, puis, en 2011, le dispositif pour l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (ARENH), afin d'ouvrir à la concurrence le secteur stratégique de l'énergie. Ces dispositions législatives obligent aujourd'hui EDF à céder à ses nouveaux « concurrents » 100 térawatt-heure (TWh), soit un quart de sa production annuelle d'électricité, alors qu'aucun de ces « fournisseurs » n'a encore réellement investi dans les coûteuses infrastructures dont on a besoin pour produire de l'électricité. Le Comité de liaison des entreprises ayant exercé leur éligibilité sur le marché libre de l'électricité (CLEEE) préconiserait d'augmenter encore cette part de l'ARENH de 100 à 200 TWh, tandis que la Commission européenne négocie toujours avec le prisme de la « concurrence libre et non faussée ». Pourtant, c'est bien de façon complètement biaisée que ce dispositif permet aux nouveaux fournisseurs d'énergie de réaliser des marges confortables au détriment d'EDF. En effet, l'entreprise doit brader ses mégawatt-heure (MWh) 42 euros au lieu des 155 euros en moyenne facturés par MWh au ménages français. Or le coût de production de l'électricité est estimé à 49,50 euros le MWh pour l'énergie nucléaire, 70 à 100 euros/MWh pour l'énergie thermique au gaz, 82 euros/MWh pour l'éolien et jusqu'à 142,50 euros/MWh pour l'énergie solaire. Même si l'énergie hydroélectrique elle, ne coûte que 15 à 20 euros/MWh, elle représentait seulement 11,2 % de la production électrique totale en 2019. L'ARENH contraint donc EDF à vendre à perte aux autres fournisseurs une partie de l'énergie qu'elle produit. Cette situation réduit indubitablement les marges de manœuvres financières qui permettraient éventuellement à EDF d'alléger un peu les factures des ménages. Devant l'absurde de cette situation et compte tenu de l'urgence sociale actuelle, le maintien du dispositif ARENH paraît injustifié. Il lui demande ce qu'elle pense de l'impact financier de l'ARENH sur l'entreprise EDF et si ce dispositif est de nature à permettre la « concurrence libre et non faussée » entre les fournisseurs d'énergie. Il souhaiterait aussi savoir ce qu'elle compte faire pour atténuer l'impact sur les ménages de la hausse du prix de l'électricité, dont certains observateurs estiment qu'elle pourrait atteindre 10 % dès 2022.

Texte de la réponse

Les consommateurs français bénéficient aujourd'hui d'un approvisionnement d'énergie particulièrement compétitif, comparativement aux autres consommateurs européens. Cela tient à la performance du mix électrique français, largement décarboné, qui repose sur les énergies renouvelables, en particulier l'hydroélectricité, le solaire et l'éolien. Cela tient aussi à l'existence du dispositif d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, lequel permet à chaque consommateur de profiter de la compétitivité de notre parc nucléaire historique. L'ARENH se reflète en particulier pour les ménages dans le calcul du tarif réglementé de vente par EDF, et pour les fournisseurs alternatifs par sa prise en compte dans les offres de marché, par ailleurs souvent formulées par référence au tarif réglementé de vente. Des négociations, associant étroitement l'entreprise EDF, sont en cours avec la Commission européenne pour substituer à ce dispositif une nouvelle régulation du parc nucléaire, qui doit permettre de pérenniser la protection dont bénéficient les consommateurs au-delà de 2025, année au terme de laquelle il est prévu que l'Arenh prenne fin, au plus tard, ainsi que de revoir l'économie du dispositif existant, qui ne permet pas toujours à EDF de couvrir l'intégralité de ses coûts. Une telle réforme qui affecterait le fonctionnement de l'Arenh, nécessite d'obtenir l'accord préalable de la Commission européenne. En effet, compte tenu de la position d'EDF sur le marché français et de la sécurisation financière qu'apporterait la future régulation, des garanties doivent être apportées pour justifier que l'existence de celle-ci ne viendra pas fausser le jeu de la concurrence. La Commission européenne est particulièrement attentive à ces aspects. Le Gouvernement poursuit les négociations dans l'objectif de maintenir en particulier l'unité du groupe EDF et les conditions de la protection des consommateurs, tant les ménages que les consommateurs professionnels. Sur le second volet de votre question pour atténuer l'impact sur les ménages de la hausse du prix de l'électricité le Gouvernement engage des mesures exceptionnelles pour protéger le pouvoir d'achat des Français et préserver la compétitivité de l'approvisionnement électrique des entreprises face à la forte hausse des prix de l'énergie. Le Gouvernement a décidé d'augmenter à titre exceptionnel de 20 TWh le volume d'ARENH qui sera livré en 2022, afin que l'ensemble des consommateurs bénéficie de la compétitivité du parc électronucléaire français. Les fournisseurs répercuteront intégralement l'avantage retiré au bénéfice des consommateurs. Ce point fera l'objet d'une surveillance étroite, en lien avec la Commission de régulation de l'énergie. Dans le même temps, afin d'assurer une juste rémunération de l'outil de production qui contribue à la protection de l'ensemble des consommateurs français face à cette hausse de prix, le prix de ces volumes additionnels d'ARENH sera révisé à 46.2 €/MWh. Les autorités européennes ont été informées de cette décision qui s'inscrit dans le cadre des mesures exceptionnelles d'adaptation à la situation de crise des prix de l'énergie qui touche l'ensemble des pays européens. Ce relèvement du plafond de l'ARENH s'ajoute à la baisse pour un an de la taxe portant sur l'électricité (TICFE) à son niveau minimum prévu par le droit européen à compter du 1er février prochain. Cette baisse représente un coût budgétaire pour l'État de 8 milliards d'euros. Combinée au relèvement du plafond de l'ARENH, elle apportera un soutien massif au pouvoir d'achat de tous les consommateurs. Ces mesures permettront de sécuriser la mise en oeuvre du bouclier tarifaire pour l'électricité annoncé par le Premier ministre et inscrite dans la loi de finances pour 2022. En effet, comme il s'y était engagé, le Gouvernement bloquera la hausse des tarifs réglementés de vente de l'électricité à 4 % TTC au 1er février pour les consommateurs résidentiels. Compte tenu de la situation exceptionnelle, le Gouvernement a également décidé d'étendre le bouclier tarifaire en limitant la hausse des tarifs réglementés de vente d'électricité à 4 % pour les petits consommateurs professionnels qui en bénéficient en métropole, ainsi que pour l'ensemble des consommateurs professionnels des territoires ultramarins et de la Corse (zones non interconnectées) qui bénéficient de ces tarifs. Ces mesures viennent en complément de l'action résolue du Gouvernement depuis plusieurs mois pour atténuer les conséquences de la hausse des prix des énergies pour l'ensemble des consommateurs, et notamment les plus modestes, qui s'est traduite par des mesures d'accompagnement fortes : - un chèque énergie exceptionnel de 100 € a été distribué au cours du mois de décembre 2021. Ce nouveau chèque aide les 5,8 millions de ménages qui avaient déjà reçu un chèque énergie d'un montant moyen de 150 € en avril 2021 à régler leurs factures d'énergie. Ce soutien ciblé sur les ménages les plus en modestes représente une aide de près de 600 M€ ; - un bouclier tarifaire a été mis en place pour les prix du gaz, pour lequel les tarifs réglementés ont été gelés à leur niveau du mois d'octobre 2021durant toute la durée de l'hiver et au besoin jusqu'à la fin de l'année 2022. L'Etat prendra en charge le surcoût induit par ce gel pour les fournisseurs, conformément aux dispositions prévues dans la loi de finances pour 2022 ; - enfin, une indemnité inflation, d'un montant de 100 €, est attribuée aux 38 millions de personnes résidant en France dont le revenu net mensuel est inférieur à 2 000 €, entre décembre 2021 et février 2022, soit un soutien additionnel de l'Etat de 3,8 Md€. L'aide est versée en une fois par les employeurs aux salariés, ceux-ci étant intégralement compensés par l'État de ces versements via une aide au paiement de leurs charges sociales. Enfin un relèvement du barème kilométrique permettra, en particulier aux personnes devant rouler beaucoup en automobile pour leur travail, d'alléger fortement l'impact de la hausse du prix des carburants pour ces personnes.