15ème législature

Question N° 41552
de Mme Nathalie Porte (Les Républicains - Calvados )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale, jeunesse et sports
Ministère attributaire > Éducation nationale, jeunesse et sports

Rubrique > enseignement

Titre > Intérêt des cours d'empathie dispensés au Danemark

Question publiée au JO le : 05/10/2021 page : 7266
Réponse publiée au JO le : 08/03/2022 page : 1601

Texte de la question

Mme Nathalie Porte attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur une particularité des programmes scolaires du Danemark : les cours d'empathie. Le Gouvernement danois a rendu obligatoire depuis 1993 les cours d'empathie, une heure par semaine, tout au long de la scolarité (6 à 16 ans). L'empathie est la capacité de ressentir les émotions d'une autre personne. Cette heure hebdomadaire de développement personnel semble être bénéfique, puisqu'elle est dispensée depuis maintenant un quart de siècle et que, en parallèle, différentes études attestent que c'est au Danemark que la population se sent la plus heureuse. Elle lui demande si une telle réflexion a déjà été menée en France et elle souhaite savoir quelles sont ses intentions en la matière.

Texte de la réponse

La question de l'empathie est au cœur des enseignements mais également de toute la vie scolaire. L'amélioration du climat scolaire dans les écoles et les établissements passe par la transmission des valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité, laïcité, respect de la dignité de la personne humaine, qui fondent la cohésion nationale. L'école fait respecter ces valeurs dans la continuité de l'action au sein de chaque famille. Concernant l'école primaire, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a exprimé son objectif prioritaire : la maîtrise par tous les élèves des savoirs fondamentaux « lire, écrire, compter et respecter autrui ». L'acquisition du respect d'autrui passe, en premier lieu, par un enseignement spécifique, l'enseignement moral et civique, mis en œuvre à chacun des niveaux de l'école élémentaire, du collège et du lycée général, technologique et professionnel, et par le respect du règlement intérieur des établissements, qu'il faut expliquer aux élèves pour lui donner sens. Le respect d'autrui, au même titre que les autres savoirs, s'apprend et le développement des capacités d'empathie des élèves y concourt. Avec l'introduction « du respect d'autrui » parmi les fondamentaux des programmes de l'école primaire, la notion d'empathie fait dorénavant l'objet d'un enseignement. En effet, l'empathie et la bienveillance constituent aujourd'hui des objectifs éducatifs socialement et institutionnellement assumés. Ces notions sont inhérentes à la relation éducative et concernent donc aussi bien les apprenants que les enseignants, les éducateurs, les équipes de direction, les familles. Leur mise en œuvre pédagogique requiert dès lors une réflexion éthique, épistémologique et pose de nouveaux défis didactiques. Dès l'école maternelle, le respect d'autrui est donc au fondement de la construction de la dimension morale de l'enseignement. C'est par l'acceptation et le respect des différences, et le respect du point de vue des autres, l'écoute à partir d'études de cas ou des représentations des élèves, que se construit l'empathie. Elle devient la condition préalable à l'acquisition et du partage des valeurs de la République autour de la vie commune. Dès l'introduction du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, la question de la socialisation et du développement relationnel des élèves est présentée comme un objectif central, le socle commun favorisant « un développement de la personne en interaction avec le monde qui l'entoure ». Cet objectif se concentre dans le domaine 3 du socle « La formation de la personne et du citoyen », qui doit amener à l'apprentissage de ce qui permet la liberté de tous, notamment la tolérance réciproque, l'égalité et le refus des discriminations. Parmi les objectifs de connaissances de ce domaine, on peut notamment mettre en avant : - « l'expression de la sensibilité et des opinions, respect des autres » ; - « l'élève exprime ses sentiments et ses émotions en utilisant un vocabulaire précis » ; - « l'élève apprend à résoudre les conflits sans agressivité, à éviter le recours à la violence grâce à sa maîtrise de moyens d'expression, de communication et d'argumentation. Il respecte les opinions et la liberté d'autrui, identifie et rejette toute forme d'intimidation ou d'emprise. Apprenant à mettre à distance préjugés et stéréotypes, il est capable d'apprécier les personnes qui sont différentes de lui et de vivre avec elles. Il est capable aussi de faire preuve d'empathie et de bienveillance ». Plusieurs axes permettent de penser la question de l'empathie : - le rôle de la règle et du droit ; - la question de la responsabilité de l'élève, dans ses paroles et ses actes. Les compétences développées dans le cadre du socle commun ont vocation à être développées dans toutes les disciplines, elles doivent servir de cadre à tous les enseignements et à toutes les actions dans l'établissement. L'empathie est plus particulièrement au cœur de l'enseignement moral et civique. En effet, parmi les finalités de l'enseignement moral et civique, la première, « respecter autrui », est à la base de la dimension morale affirmée de cet enseignement. Ainsi, parmi les compétences travaillées tout au long du cycle 4, « s'estimer et être capable d'écoute et d'empathie » est une des premières mises en avant dans la construction de la culture de la sensibilité, en lien avec l'acceptation des différences et la capacité à respecter l'opinion des autres, à coopérer et à se sentir membre d'une collectivité. Dès le cycle 2, la pratique de la discussion réglée est le support privilégié de cette approche, sur des sujets fondés sur la pratique et la vie quotidienne des élèves. Les thématiques en lien avec la lutte contre le harcèlement sont particulièrement au cœur de la mise en œuvre de cette priorité. Cette réflexion est poursuivie de manière progressive jusqu'au cycle 4, avec comme attendu en fin de cycle la capacité à « identifier, comprendre les différents sentiments, leurs registres d'expression pour développer, en les exprimant et en les régulant, ses émotions et ses sentiments permettant une capacité d'écoute et d'empathie ». Il est demandé de dépasser une simple approche émotionnelle. Ainsi, « la capacité d'écoute et d'empathie est à mobiliser sur les situations d'étude selon les modalités choisies par l'enseignant. Le travail se conduit en situation, il ne peut avoir comme seul objet la recherche d'émotions ». Ainsi, le professeur chargé de l'enseignement moral et civique doit nécessairement intégrer l'empathie comme un des fondements de chaque séance où il analyse des situations mettant en jeu les valeurs de la République ou mène des travaux permettant de comprendre leur sens et leur fonctionnement : l'empathie est donc traitée à la fois comme un savoir, autour de thématiques comme la question des discriminations ou du respect d'autrui, et à travers des pratiques comme la mise en place de débats argumentés, où l'écoute et le respect du point de vue de l'autre est une compétence fondamentale à évaluer. La notion d'empathie est également abordée de manière transversale dans plusieurs enseignements. Les connaissances et les compétences transmises dans le cadre des disciplines s'attachent à souligner le pluralisme des opinions et des convictions, à développer la complexité de la pensée par la maîtrise des savoirs fondamentaux, la culture, à prévenir les discriminations (racisme, antisémitisme, sexisme, homophobie, etc.) et le harcèlement, notamment par la lecture de grands textes patrimoniaux. Par exemple, l'enseignement d'éducation physique et sportive permet l'acquisition du respect des règles, l'acceptation de l'autre comme partenaire ou adversaire et l'apprentissage de comportements citoyens. Autre exemple, la pratique du chant choral développe l'écoute de l'autre et la culture de l'empathie, qualités essentielles pour s'ouvrir à l'autre en évitant toutes les formes de repli. Les journées et semaines dédiées à des causes particulières, telles la « journée de la mémoire des génocides et de prévention des crimes contre l'Humanité », la « journée mondiale du refus de la misère », la « journée internationale des personnes handicapées », la « journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions », la « semaine nationale d'éducation contre le racisme et l'antisémitisme », la « semaine olympique et paralympique », sont autant d'occasions de mener une éducation à l'empathie. Ces actions éducatives recouvrent la plupart des champs disciplinaires. Elles favorisent les initiatives collectives ou individuelles au sein de projets pluridisciplinaires et encouragent les approches pédagogiques transversales. L'empathie est donc au cœur des programmes et des enseignements, comme base fondamentale à la formation de la personne et à l'apprentissage de la vie en société, dans une ambition qui va au-delà du ressenti.