Disparition de l'enseignement des langues anciennes à l'école publique
Question de :
M. Bastien Lachaud
Seine-Saint-Denis (6e circonscription) - La France insoumise
M. Bastien Lachaud appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur la situation catastrophique de l'enseignement des langues anciennes dans le secondaire. En effet, malgré les postures du ministre et sa supposée volonté de restaurer cet enseignement, les conséquences des réformes du collège et du lycée sur cet enseignement sont désastreuses. Dans les lycées, le nombre des hellénistes a baissé de 28 % et celui des latinistes de 13 %. Alors même que le choix d'étudier ces langues n'était initialement plus pris en compte dans les résultats du baccalauréat, une infime revalorisation ne sera pas de nature à contrer la concurrence d'options jugées plus avantageuses pour l'orientation post-bac. D'autre part, la formation des professeurs de langues anciennes fait également l'objet de réformes qui ne manqueront pas de porter atteinte à la spécificité de cet enseignement et continuera de tarir le vivier des candidatures, déjà pourtant gravement diminué ces dernières années. Le nombre de postes ouverts au CAPES cette année a presque été divisé par deux depuis 2017 et atteint un niveau historiquement bas en 2021 (134 postes ouverts, contre 230 en 2017). La crise du recrutement est telle que sur les 134 postes mis aux concours, il n'y a eu que 84 admissibles et 66 admis, la moitié des postes restant donc vacants. Cette euthanasie discrète de l'enseignement des langues anciennes mérite d'être vigoureusement dénoncée d'autant qu'elle est bien souvent le fait des chantres hypocrites de l'excellence voire même de la conservation d'une identité française largement fantasmée. Dans la mesure où l'enseignement des langues anciennes contribue indiscutablement à une plus grande maîtrise de la langue française, y compris pour les élèves en difficulté ou d'origine étrangère, qu'il offre même une occasion particulièrement riche de questionner, comprendre et vivre les situations d'appartenance sociale multiple ; qu'il permet également de poser des questions d'une actualité brûlante concernant la pérennité des identités collectives, le rapport que les individus et la société peuvent entretenir avec les textes anciens, leur transmission, leur appropriation ou leur fétichisation, il est particulièrement dommageable au bien public d'en priver les futurs citoyens. Aucun enseignement moral ou civique, aussi légitime soit-il, ne saurait participer à la formation de citoyens éclairés s'il ne se fonde sur une véritable exigence intellectuelle et la transmission de la connaissance. L'école de la République ne peut se résoudre à former des adultes employables ou des consommateurs dociles : elle a pour mission la formation de citoyens émancipés grâce au savoir et dont la culture largement partagée permet qu'ils vivent ensemble harmonieusement. L'enseignement des langues anciennes est la pierre de touche de cette déclaration de principe. C'est pourquoi il souhaite apprendre de M. le ministre quelles actions il compte accomplir afin de réellement faire bénéficier le plus grand nombre d'élèves possible de l'enseignement de langues anciennes.
Réponse publiée le 26 avril 2022
Le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports (MENJS) porte une attention toute particulière aux langues et cultures de l'Antiquité (LCA). Dès le 16 juin 2017 a été publié l'arrêté modifiant l'arrêté du 19 mai 2015 relatif à l'organisation des enseignements dans les classes de collège. L'article 7 a rétabli un véritable enseignement de lettres et cultures de l'Antiquité. Il a notamment été créé l'enseignement facultatif de « langues et cultures de l'Antiquité au cycle 4, dans la limite d'une heure hebdomadaire en classe de cinquième et de trois heures hebdomadaires pour les classes de quatrième et de troisième ». La mise en œuvre de cet enseignement a été confortée par la publication de la circulaire n° 2018-012 du 24 janvier 2018 qui explicite les recommandations à respecter pour garantir à cet enseignement l'enrichissement et l'efficacité qu'il peut assurer à tous les élèves en matière de maîtrise des savoirs fondamentaux de la langue française et d'émancipation grâce à une culture générale humaniste. Au lycée, l'étude des LCA s'inscrit dans la continuité des programmes mis en œuvre au collège (cycle 4), qu'elle prolonge et approfondit. Soucieux de donner des repères intellectuels qui vont au-delà du contexte immédiat de leur environnement, les programmes de LCA au lycée visent à présenter la littérature et la culture antiques comme des horizons permettant aux élèves d'aujourd'hui de mieux se comprendre et de mieux se situer dans le monde. Aussi ces programmes, sans réduire la part cruciale de l'apprentissage de la langue qui demeure un enjeu fort, mettent l'accent sur une approche interdisciplinaire propre aux LCA et sur des objets d'études fondés sur les grands enjeux contemporains. En classe de seconde générale et technologique, un enseignement optionnel de LCA, dispensé à hauteur de trois heures hebdomadaires, est proposé aux élèves, conformément à l'arrêté du 16 juillet 2018 relatif à l'organisation et aux volumes horaires de cette classe. Dans le cycle terminal de la voie générale, deux enseignements sont proposés, conformément à l'arrêté du 16 juillet 2018 modifié relatif à l'organisation et aux volumes horaires des enseignements du cycle terminal de la voie générale, ayant chacun leurs spécificités et leur cohérence propre. Les élèves des classes de première et de terminale peuvent suivre, d'une part, un enseignement optionnel de LCA dispensé à hauteur de trois heures hebdomadaires, pouvant être suivi en sus des autres enseignements optionnels, et, d'autre part, un enseignement de spécialité « littérature, langues et cultures de l'Antiquité » (LLCA) de quatre heures hebdomadaires en classe de première et de six heures hebdomadaires en classe de terminale. Cet enseignement de spécialité, qui bénéficie d'un volume horaire important et d'une valorisation au baccalauréat à hauteur d'un coefficient 16 s'il est suivi sur les deux années du cycle terminal, se différencie également de l'enseignement optionnel, crédité au baccalauréat d'un coefficient 2 par année, par son caractère littéraire plus affirmé. Afin de répondre à l'engagement d'ouverture de l'enseignement optionnel de LCA, latin et grec, aux élèves de la voie technologique, annoncé par le MENJS lors du colloque « Europe et langues anciennes : nouvelles questions, nouvelles pratiques » du 16 novembre 2021, un décret et un arrêté sont en cours de publication. Ainsi, dès la rentrée 2022, un enseignement optionnel de LCA, de trois heures hebdomadaires, pourra être suivi en sus des autres enseignements optionnels par les élèves de première et de terminale de la voie technologique. Comme dans la voie générale, cet enseignement optionnel pourra être valorisé au baccalauréat avec un coefficient 2 pour l'année de première et un coefficient 2 pour l'année de terminale, et pourra être présenté à l'examen en sus des autres options. Par ailleurs, le 29 janvier 2018 est paru le rapport « Les Humanités au cœur de l'école » - rapport qui préconise différentes mesures dont la plupart sont désormais mises en oeuvre. Tout d'abord, la conscience linguistique des élèves, notamment aux cycles 3 et 4, a été développée en favorisant chez eux l'apprentissage du lexique par le biais de l'étymologie et de l'histoire des mots. Au lycée, l'accent est mis sur le syncrétisme langue et culture. Ces apprentissages, abordés de manière décloisonnée, sont élaborés selon une progression construite sur les trois années de la scolarité au lycée. De nombreuses fiches-ressources à destination des enseignants du collège et du lycée ont été élaborées et sont disponibles sur le site Éduscol. Une maison numérique des Humanités nommée « Odysseum » a été créée et offre ainsi à des publics divers des portails multiples d'entrée dans la culture humaniste. A la suite des préconisations du rapport, la note de service n° 2018-041 du 19 mars 2018 a mis en place une certification complémentaire de LCA ouverte aux enseignants de différentes disciplines. Elle permet ainsi à des candidats d'obtenir cette certification aussi bien en latin seul qu'en grec seul ou en latin et grec. De plus, afin d'élargir davantage le vivier des candidats, le CAPES troisième concours de lettres classiques a été ouvert. Ce troisième concours est accessible à tous ceux qui ont au moins cinq ans d'expériences professionnelles accomplies dans le cadre de contrats de droit privé, sans condition de diplôme. Depuis la rentrée 2021, un nouvel enseignement facultatif de français et culture antique est proposé, à titre expérimental, pour les élèves de la classe de 6ème. Cette expérimentation permet de commencer le parcours des LCA à partir de la classe de 6ème et de reconnaître davantage encore l'apport des LCA dans les apprentissages des élèves. Ce nouvel enseignement, proposé jusqu'à 2 heures hebdomadaires, permet notamment aux élèves les plus fragiles, de consolider et d'approfondir leur maîtrise de la langue française (vocabulaire, morphologie, syntaxe) et leur culture par le détour fructueux des langues anciennes et s'articule avec l'enseignement facultatif de LCA pour les classes de cinquième, quatrième et troisième. Enfin, afin de développer l'alliance européenne des langues anciennes, annoncée par le MENJS, le 16 novembre 2021, il sera créé à la rentrée scolaire 2022, un parcours « Mare Nostrum » en collège et en lycée. Il s'agit d'offrir aux élèves un temps spécifique d'une heure supplémentaire par semaine pendant lequel les professeurs de langue ancienne et d'une voire plusieurs langues vivantes étrangères ou régionales, peuvent croiser leurs enseignements autour de thématiques qu'ils auront définies. Ce dispositif s'inscrit donc dans la logique d'un engagement en faveur du déploiement de l'enseignement des LCA sur l'ensemble du parcours de l'élève. Ainsi, par ces diverses mesures et ressources, les LCA n'ont eu de cesse d'être valorisées afin d'offrir à tous les élèves l'accès aux éléments fondamentaux d'une culture partagée.
Auteur : M. Bastien Lachaud
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enseignement secondaire
Ministère interrogé : Éducation nationale, jeunesse et sports
Ministère répondant : Éducation nationale, jeunesse et sports
Dates :
Question publiée le 5 octobre 2021
Réponse publiée le 26 avril 2022