RÉFORME DU BACCALAURÉAT
M. le président. La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul. Sous couvert d'innovation et de simplification – ce sont vos mots, monsieur le ministre –, vous abîmez l'école de la République. Votre projet de réforme du baccalauréat conduit à abandonner le caractère national de l'examen, même si vous promettez un guide d'évaluation et le maintien d'une banque de sujets. Le bac va devenir un diplôme d'établissement, ce qui justifiera d'ailleurs après coup la pratique actuelle de Parcoursup. Il n'y aura plus d'examen national anonyme où chacun a sa chance, en fonction de son mérite. Ce sont le lieu de résidence des parents et l'accès aux établissements de centre-ville, autrement dit l'appartenance sociale, qui détermineront si les portes du supérieur peuvent s'ouvrir ou pas.
À cause de cette évaluation continue, même les syndicats des personnels de direction s'inquiètent de la montée des pressions émanant de parents de certains beaux quartiers. Le passage au contrôle continu intégral et le bachotage permanent qu'il ne manquera pas de susciter vont faire augmenter ces pressions, ainsi que les inégalités.
Dans les collèges, la situation n'est pas meilleure : depuis plusieurs semaines, de nombreux parents et enseignants s'inquiètent de l'avenir de l'école inclusive. Affectés parfois depuis plusieurs années dans des postes au collège, des professeurs du premier degré prennent en charge des élèves en situation de handicap au sein des dispositifs ULIS dans les collèges et les lycées. Or, dans certaines académies, plusieurs de ces postes n'ont pas été proposés au mouvement cette année, ce qui a même obligé plusieurs professeurs concernés à réintégrer le premier degré.
Le risque est ainsi très grand de voir de nombreux postes vacants en septembre ; cela se fera au détriment des enfants et des familles car très peu de professeurs du secondaire sont formés à enseigner en ULIS. Il serait ainsi totalement inacceptable de voir les postes spécialisés confiés à la hâte à des remplaçants titulaires ou contractuels non formés, qui ne les auraient pas demandés.
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe FI.)Alors, monsieur le ministre, Jules Ferry inspire-t-il encore la rue de Grenelle, ou calquez-vous vos réformes scolaires sur la carte sociale et sur la contractualisation du personnel enseignant ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Je vous rassure d'emblée : oui, Jules Ferry inspire toujours la rue de Grenelle et c'est précisément au regard des principes républicains que l'ensemble des décisions sont prises.
Mme Mathilde Panot. C'est votre politique !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . Vous avez regroupé en un seul paquet un ensemble de sujets différents, et vous êtes revenu sur la réforme du baccalauréat. Je le répète : chacun doit faire attention aux phrases qu'il prononce. Il ne s'agit en aucun cas d'un baccalauréat local. Accréditer cette idée, c'est tout simplement nuire aux élèves parce que ce n'est pas exact.
On retrouve d'ailleurs cette inexactitude dans votre propos. Vous avez par exemple dit que le principal syndicat des chefs d'établissement s'était prononcé contre mes propositions. Ce n'est tout simplement pas exact !
Mme Caroline Fiat. Si, c'est vrai !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . C'est même l'inverse : il fait partie des organisations syndicales qui se sont exprimées en faveur de la nouvelle formule de contrôle continu que j'ai proposée. En plus de mélanger les sujets, vous dites donc quelque chose qui est totalement inexact. Il existe des gens – et des organisations syndicales – qui sont de grands partisans du contrôle continu, parce qu'ils savent que cette formule permet de faire travailler les élèves toute l'année. Certains étaient contre les épreuves communes que nous envisageons de supprimer, précisément parce qu'elles donnaient lieu, selon eux, à un bachotage que vous réprouvez, probablement à juste titre. Enfin, ils savent qu'il faut maintenir 60 % de contrôle terminal, ce qui garantit en effet le caractère national de l'examen.
M. Fabien Di Filippo. Il s’agit juste de baisser le niveau !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . Vous avez aussi évoqué l'orientation dans l'enseignement supérieur. Mais, avant la réforme du baccalauréat, près de la moitié des élèves étaient déjà admis dans l'enseignement supérieur en vertu de leurs notes de contrôle continu, sans attendre les résultats du baccalauréat ! Ce qui change, dans la nouvelle formule, c'est précisément que les épreuves passées en contrôle terminal, notamment celles du mois de mars, sont prises en compte pour l'admission dans l'enseignement supérieur. Voilà qui valorise le baccalauréat et son caractère national !
Le baccalauréat se trouve donc incontestablement revalorisé par la réforme, qui s'inspire d'ailleurs de propositions formulées dès son origine par des organisations de tous bords. La manière dont nous le commentons conditionne aussi la réussite des élèves dans le futur ;…
M. Pierre Cordier. Vous n’aurez pas la moyenne, monsieur le ministre !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . …je vous prie donc de ne pas en parler de cette manière. Je ne vous demande pas de louer la réforme, mais ne faites pas de tort à ce pour quoi vous plaidez, c'est-à-dire au caractère national du baccalauréat, qui en sort renforcé !
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)M. le président. La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul. Monsieur le ministre, je n'ai pas l'habitude de confondre les choses ni de mélanger les genres. Mais ce que vous affirmez est une contre-vérité :…
M. Boris Vallaud. Exactement !
M. Gérard Leseul. …la réforme du bac en fera un examen localisé, comme c'est déjà le cas dans les beaux quartiers. Par ailleurs, vous n'avez pas répondu à ma question sur les ULIS.
(M. Boris Vallaud applaudit.)