Gestion de l'eau en Guadeloupe
Question de :
Mme Mathilde Panot
Val-de-Marne (10e circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 30 juin 2021
GESTION DE L'EAU EN GUADELOUPE
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme Mathilde Panot. Monsieur le Premier ministre, imaginez une seule seconde l'Élysée sans eau. Imaginez une seule seconde le personnel du Président de la République se relayer, rue du Faubourg-Saint-Honoré, pour porter des packs d'eau sur ses épaules, pour recueillir de l'eau dans les fontaines et pour apporter le linge à la laverie. Imaginez une seule seconde Emmanuel et Brigitte Macron boire de l'eau infectée de matières fécales ou de chlordécone. Imaginez une seule seconde vos enfants manquer un mois et demi de cours par an parce qu'il n'y aurait plus d'eau à l'école, ou devoir vous lever à trois heures du matin pour espérer recueillir un filet d'eau au robinet. Imaginez une seule seconde la plus grande pandémie du siècle dans un territoire dépourvu d'eau pour se laver les mains.
Monsieur le Premier ministre, délocalisez l'Élysée au Gosier, à Saint-François, à Goyave ou aux Abymes, pour voir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Voilà à quoi ressemble le quotidien insupportable de nos compatriotes en Guadeloupe. Des familles reçoivent des factures d'eau de 5 000 euros tout en subissant des coupures d'eau incessantes, qui leur pourrissent la vie. Certaines vivent sans eau depuis six années ; des familles se ruinent, investissent jusqu'à 8 000 euros sans aucune aide et doivent acheter une citerne afin de recueillir de l'eau de pluie pour vivre.
Mais vous, vous n'en dites pas un mot ! Pas un mot sur les ravages de la Générale des eaux de Véolia, qui a laissé les canalisations à l'abandon ; pas un mot sur les millions d'euros liés à l'eau, détournés sur le dos des usagers ; pas un mot en faveur d'une gestion publique de l'eau, dont la population a tant besoin : 400 000 Français et Françaises sont en détresse ! Faut-il que le malheur des Guadeloupéens et de tant d'autres de nos compatriotes arrive jusqu'à vous pour que vous vous en souciiez ? Il est de la responsabilité de l'État de garantir le droit humain à l'eau et à l'assainissement. (Mêmes mouvements.) En Guadeloupe, une catastrophe sanitaire et écologique est en cours ; nous n'avons plus le temps, alors sortez l'argent !
Monsieur le Premier ministre, la Guadeloupe se meurt. Quand allez-vous rendre aux Guadeloupéens leur dignité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports. Je tiens d'abord à excuser Sébastien Lecornu qui, ne pouvant être présent, m'a chargé de vous répondre. Vous me faites part de la situation de l'eau en Guadeloupe, que vous avez étudiée de près dans le cadre de la commission d'enquête dont vous assurez la présidence. Je salue l'énergie que vous y mettez mais je tiens à préciser que le Gouvernement n'a pas attendu pour agir et ne souscrit évidemment pas à la manière dont vous présentez les choses.
Rappelons les faits : le quart de la population guadeloupéenne, soit environ 100 000 habitants, subit des coupures d'eau régulières ; cette situation est évidemment inadmissible. Mais l'enjeu est bien trop essentiel pour les usagers de l'eau vivant en Guadeloupe pour que nous nous contentions de renvoyer démagogiquement les responsabilités à l'État ou à une entreprise privée.
Vous n'êtes pas sans savoir que l'eau potable et l'assainissement sont des compétences décentralisées depuis le XIXe siècle. Vous n'êtes pas sans savoir que l'État – par l'intermédiaire de ses opérateurs et de ses banques – investit 100 millions d'euros par an en soutien aux collectivités ultramarines dans ce domaine, qu'il a apporté 90 millions d'euros de subventions à la seule Guadeloupe entre 2014 et 2020, et qu'investir davantage de moyens ne serait pas forcément plus efficace, dans la mesure où les crédits disponibles sont largement sous-consommés par les collectivités.
Cependant, nous n'en sommes pas restés là, madame la députée. Nous avons poursuivi le plan « Eau DOM » de 2016, qui vise à améliorer les capacités d'ingénierie technique et financière des collectivités ; en 2020, en pleine crise sanitaire, l'État a réquisitionné les opérateurs d'eau en Guadeloupe en se substituant aux collectivités, ce qui a permis d'investir 6 millions d'euros pour réparer plus de 4 000 fuites et ainsi économiser près de 20 000 mètres cubes d'eau par jour. Par la voix de mon collègue Sébastien Lecornu, très investi sur le sujet, le Gouvernement a soutenu la proposition de loi rénovant la gouvernance du service public d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe, défendue par la députée Justine Benin et le sénateur Dominique Théophile et promulguée le 29 avril 2021 ; cette loi a réglé la difficulté, ancienne et majeure, liée à la gouvernance de l'eau. Je regrette que votre groupe ne l'ait pas votée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme Mathilde Panot. Nous savons maintenant que notre pays ne sait plus organiser une élection et vous venez nous expliquer qu'on ne peut pas distribuer de l'eau à 400 000 personnes. Vous vous moquez de nous ! (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Il faut mettre 2 milliards d'euros sur la table ! La dignité humaine n'a pas de prix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Auteur : Mme Mathilde Panot
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Transports
Ministère répondant : Transports
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 juin 2021