15ème législature

Question N° 41
de M. Stéphane Demilly (Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants - Somme )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > transports par eau

Titre > canal Seine-Nord

Question publiée au JO le : 20/07/2017
Réponse publiée au JO le : 20/07/2017 page : 1687

Texte de la question

Texte de la réponse

CANAL SEINE-NORD


M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants.

M. Stéphane Demilly. Monsieur le Premier ministre, le 27 janvier 2015, le ministre de l'économie de l'époque définissait le canal Seine-Nord…

M. Laurent Furst. Ah ! Bonne question !

M. Stéphane Demilly. …comme un projet à l'importance stratégique reconnue unanimement et comme une chance pour le développement économique des territoires du nord de la France.

Le 3 novembre 2015, je l'interpellais ici même quant au respect des délais et il me répondait alors : « Monsieur le député […] on a trop tardé. […] La feuille de route est claire, avec un début des travaux en 2017 et une mise en service à partir de 2023 ».

Le 3 mars dernier, sur RTL, le même, devenu candidat à la présidence de la République, déclarait encore : « Je confirme : le canal Seine-Nord… Un grand projet d'infrastructure ! ».

Pourtant, depuis, le ciel s'est assombri sur ce grand projet prioritaire de l'Union européenne, qui injecte 2 milliards pour doubler le trafic fluvial français et doper ainsi la compétitivité du fret. Le ciel s'est assombri sur l'unique projet d'infrastructure donnant de la perspective économique à une région en grande souffrance. Oui, subitement, nous passons du rêve au cauchemar.

Les élus de mon groupe, et notamment bien sûr ceux des Hauts-de-France, vous le disent avec le cœur et avec des mots simples. Si vous renoncez à ce projet, même avec une élégante rhétorique, évoquant une « pause » qui ne trompe personne, non seulement vous éteindrez la seule petite lueur d'espoir qui brillait encore dans les yeux des habitants des Hauts-de-France,…

M. Christian Hutin. Très bien !

M. Stéphane Demilly. …non seulement vous anéantirez des années de travail d'élus locaux qui ont organisé l'avenir de leur territoire autour de ce canal, mais en plus, et c'est peut-être là le plus grave, vous dégoûterez à jamais de la politique les habitants de ma région, qui n'y croient déjà plus beaucoup, les cris de désespoir électoral dans les Hauts-de-France l'attestent régulièrement.

M. Christian Hutin. C'est un boulevard pour le Front national !

M. Stéphane Demilly. Monsieur le Premier ministre, je vous conjure de donner une chance à ma région. Je vous conjure de démontrer que la parole de l'État a encore du sens dans notre pays.

M. Christian Hutin. Très bien !

M. Stéphane Demilly. Je vous conjure de démontrer aux 6 millions d'habitants des Hauts-de-France qu'on peut encore croire à la politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LC et LR et quelques bancs du groupe REM.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Demilly, je connais l'intérêt du canal Seine-Nord pour la région et je connais celui que vous lui portez. Cette attention extrême que vous venez d'exprimer l'a été aussi par d'autres députés sur d'autres bancs, et j'ai déjà eu l'occasion de répondre à cette question la semaine dernière. Un certain nombre de membres du Gouvernement, qui sont attachés à ce projet et qui le connaissent parfaitement, ont également témoigné de leur intérêt. Ils viennent parfois des Hauts-de-France et je n'ai pas besoin de les citer pour que vous les identifiiez…

Monsieur le président Demilly, la question n'est pas celle de l'opportunité de ce canal.

M. Laurent Furst. Le projet a été voté !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Ce n'est pas de trancher entre le rêve et le cauchemar. La question est de voir la réalité en face.

En l'occurrence, et je ne parle pas seulement du canal Seine-Nord, notre pays s'est fait une spécialité de s'engager sur un certain nombre d'infrastructures nouvelles de transport, toutes opportunes…

M. Christian Hutin et M. Jean-Louis Bricout . Non !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. …toutes intelligentes, toutes extrêmement attendues par ceux qui, localement ou plus généralement, auront besoin de les utiliser, mais assez peu financées, je dois le dire, monsieur le président. C'est un fait. Ce n'est pas seulement le Premier ministre qui vous le dit,…

M. Laurent Furst. C'est le Président Macron !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. …c'est confirmé par toute une série de rapports et d'analyses parfaitement objectives.

Mais je tiens à vous répondre précisément, monsieur le président. La construction de ce canal est évaluée à 4,9 milliards. L’Union européenne s'est engagée à hauteur de 40 % – 2 milliards environ. Parce qu'elles croient au projet, les collectivités territoriales…

M. Christian Hutin. Xavier Bertrand !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . …se sont quant à elles engagées à participer au financement, et c'est très bien ainsi. L'État, enfin, s'est engagé à hauteur de 1 milliard.

Vous le savez parfaitement, monsieur le président : pour boucler le financement, il reste un emprunt de 700 millions dont, jusqu'à présent, nul n'a proposé de prendre la garantie et nul n'a identifié la recette affectée permettant d'en rembourser le capital.

Qu'est-ce que cela signifie, monsieur le président ? Cela signifie, regardons la réalité en face, que ce projet dont, encore une fois, je ne discute pas l'utilité, n'est pas totalement bouclé.

À sa demande, et parce qu'il me semblait nécessaire de le faire, j'ai rencontré le président du conseil régional des Hauts-de-France Xavier Bertrand qui, dans le souci d'avancer, a formulé une proposition : les premières années de financement des travaux pourraient être assurées par les collectivités territoriales et la fin des travaux prise en charge par l'État. Il s'agit donc d'une solution de trésorerie, de décaissement, mais qui n'est pas encore totalement satisfaisante. Je salue certes le geste et la proposition car, sans elle, nous aurions probablement du mal à trouver une solution globale. Elle n'est pas néanmoins encore complètement satisfaisante car la question de la garantie des 700 millions demeure, de même que celle de leur remboursement.

C'est pourquoi nous avons dit – loin de vouloir rester dans le rêve ou basculer dans le cauchemar – vouloir regarder dans le détail, précisément, comment procéder. Vous m'indiquez d'un geste explicite qu'il faut aller vite. Je l'entends bien. Les financements de l’Union européenne ont été promis à l'unique condition que les marchés aient été signés en 2020 au plus tard. Nous avons donc un peu de temps pour nous mettre autour de la table et regarder comment traiter dans le détail cette question.

Je sais l'intérêt des parlementaires pour ce dossier, sur tous les bancs, et j'ai demandé à Mme Borne, la ministre chargée des transports, de travailler avec vous pour examiner les conditions dans lesquelles nous pourrons apporter des solutions.

Encore une fois, monsieur le président Demilly, je ne veux pas m'inscrire dans la lignée de ceux dont les déclarations sont souvent extrêmement agréables : je veux trouver des solutions. Je ne veux pas continuer à pousser la boule qui grossit, qui grossit et qui, à la fin, alourdit considérablement les dettes et creuse les déficits sans aucune perspective.

Nous allons donc faire le travail sérieusement, monsieur le président, et je suis heureux de savoir que vous y participerez. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM et sur les bancs du groupe LC.)