Application de l'article 1411-II quater du CGI et communes nouvelles
Question de :
M. Patrice Verchère
Rhône (8e circonscription) - Les Républicains
M. Patrice Verchère attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur la situation créée par les dispositions de l'article 1411-II quater du CGI pour les communes nouvelles et l'EPCI à fiscalité propre dont elles sont obligatoirement membres. En effet, cet article issu du vote de la loi de finances rectificative 2015 et relatif à la suppression des ajustements sur les abattements pratiqués par les départements sur leur ancienne part de la taxe d'habitation pose des difficultés puisqu'en cas de création de commune nouvelle et de l'harmonisation des abattements, car il prévoit l'abrogation pure et simple des abattements existants au niveau communautaire. Appliquées seulement depuis 2017 par l'administration fiscale, ces dispositions remettent pourtant en cause le principe constitutionnel issu de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 d'égalité des citoyens devant l'impôt. Ainsi les redevables de la taxe d'habitation vivant sur la commune nouvelle ne bénéficient pas des mêmes abattements accordés aux contribuables vivant sur les autres communes de l'EPCI à fiscalité propre, ce qui engendre une rupture d'égalité de ces contribuables. Il lui demande si le Gouvernement envisage d'une part, de supprimer cette disposition et d'autre part, au vu de son application sur les impôts locaux 2017 un remboursement aux contribuables lésés.
Réponse en séance, et publiée le 20 décembre 2017
ABATTEMENTS SUR LA TAXE D'HABITATION DES COMMUNES NOUVELLES
M. le président. La parole est à M. Patrice Verchère, pour exposer sa question, n° 41, relative aux abattements sur la taxe d'habitation des communes nouvelles.
M. Patrice Verchère. La loi de finances rectificative pour 2015 a introduit dans le code général des impôts un article 1411-II quater qui crée une situation particulière pour les communes nouvelles membres d'un EPCI à fiscalité propre. En effet, cet article prévoit, en cas de création de commune nouvelle, telle celle de Cours, dans le Rhône, l'abrogation pure et simple pour lesdites communes des abattements existants au niveau communautaire – je rappelle que ces abattements sont issus du transfert par les départements de la taxe d'habitation aux EPCI. Ainsi, les contribuables de la commune nouvelle redevables de la taxe d'habitation ne bénéficient plus des abattements accordés aux contribuables des autres communes du même EPCI à fiscalité propre, ce qui entraîne une rupture d'égalité devant l'impôt.
Appliquée seulement depuis 2017 par l'administration fiscale, cette disposition remet en cause le principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant l'impôt, principe issu de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Une telle disposition est donc à la merci de la première question prioritaire de constitutionnalité qui sera posée à ce sujet.
Dans ce contexte, le Gouvernement envisage-t-il de supprimer cette disposition, qui certes n'est pas le fait du ministre actuel, mais qui fragilise juridiquement la levée de l'impôt sur les communes concernées, et de rembourser les contribuables lésés par le calcul de leur taxe d'habitation pour 2017 ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le député, je vous prie d'excuser Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, qui n'a pas pu être présent de matin.
Vous contestez la suppression des correctifs d'abattements de la taxe d'habitation prévus au II quater de l'article 1411 du code général des impôts en cas de création d'une commune nouvelle. Comme vous le savez, la part départementale de la taxe d'habitation a été transférée aux EPCI en 2010. Afin d'assurer la neutralité de ce transfert pour les contribuables, le II quater de l'article 1411 du code général des impôts a prévu que les abattements appliqués dans les communes ou dans les EPCI fassent l'objet d'un ajustement, ce qu'on appelle les « correctifs d'abattements ». La loi de finances rectificative pour 2015 a complété ce dispositif en prévoyant, en cas de création de commune nouvelle, la suppression de ces correctifs d'abattements à compter de l'année au cours de laquelle les abattements appliqués sur le territoire de cette commune sont harmonisés.
Il n'est pas envisagé de modifier ce dispositif qui est logique, et ce pour quatre raisons. En premier lieu, la création d'une commune nouvelle se faisant à partir de la fusion de plusieurs communes, elle implique que celle-ci mette en place sa propre politique d'abattements et doive donc les harmoniser sur tout son territoire. Garder les correctifs hérités de 2011 et appliqués par les anciennes communes de son territoire n'a alors plus de sens. Ils sont donc supprimés. En deuxième lieu, la suppression des correctifs d'abattements s'applique aussi aux EPCI auxquels appartenaient les anciennes communes aujourd'hui fusionnées lorsqu'ils n'ont pas déjà adopté leur propre politique d'abattements. En effet, dans le cas où un EPCI n'a pas institué sa politique d'abattements, leur correction a été déterminée à partir des données communales issues de 2010. Avec la création de la commune nouvelle, ce maintien n'a pas de sens. La suppression de la correction des abattements s'applique donc à la fois à la part communale et à la part intercommunale. En troisième lieu, revenir sur le principe de la suppression des correctifs conduirait à maintenir, sur le territoire d'une même commune nouvelle, des correctifs différents sur chacun des périmètres correspondant aux territoires des anciennes communes, et ce alors même que les abattements auront été harmonisés. Il s'ensuivrait une différence de traitement entre les redevables, ce qui porterait atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques. En quatrième lieu, la suppression du mécanisme de correction des abattements étant tantôt favorable, tantôt défavorable aux contribuables selon les cas, puisque la variable d'ajustement mise en place en 2011 est susceptible d'augmenter ou de diminuer la cotisation des redevables, si l'EPCI veut en atténuer les effets, il peut tout simplement délibérer en vue de mettre en place sa propre politique d'abattements sur l'ensemble de son territoire.
M. le président. La parole est à M. Patrice Verchère.
M. Patrice Verchère. Madame la secrétaire d'État, une telle situation va poser de vrais problèmes pour la création de communes nouvelles. Il y a bien sûr, vous venez de le dire, une rectification au niveau des abattements pour que ceux-ci soient communs sur tout leur territoire, et cette unification est bien entendu nécessaire. Mais l'exemple de la ville de Cours que j'ai évoqué montre qu'en unifiant ces abattements – ou en les supprimant selon le choix de la commune nouvelle –, on supprime des abattements départementaux transférés aux EPCI dont bénéficiaient éventuellement auparavant les habitants de la commune nouvelle. Le problème ne concerne pas uniquement la commune nouvelle, mais aussi l'EPCI, communauté de communes ou, en l'occurrence, communauté d'agglomération, le contribuable de la commune voisine qui n'a pas fusionné continuant à bénéficier des abattements sur la taxe d'habitation qu'il paye à l'EPCI alors que le contribuable de la commune nouvelle n'en bénéficie plus. Il y a donc bien une rupture d'égalité devant l'impôt entre ceux de la commune nouvelle et ceux des communes voisines membres du même EPCI. Cela pose un vrai problème. L'Association des maires de France est saisie de cette affaire. Si on veut qu'il n'y ait plus de communes nouvelles en France, ne changeons rien. Certes, vous n'y êtes pour rien puisque cela date de 2015, mais il y a là une vraie erreur. Nous allons poser une question prioritaire de constitutionnalité, parce qu'il s'agit d'une vraie rupture devant les charges publiques entre les contribuables de la commune nouvelle, qui payent leur taxe d'habitation à l'EPCI, et ceux des autres communes du même EPCI, qui, eux, continuent à bénéficier des abattements – ceux décidés antérieurement par le département du Rhône en l'occurrence. Je tenais à le dire, madame la secrétaire d'État.
Auteur : M. Patrice Verchère
Type de question : Question orale
Rubrique : Impôts et taxes
Ministère interrogé : Action et comptes publics
Ministère répondant : Action et comptes publics
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 décembre 2017