Question écrite n° 42204 :
Actes notariés solennels de clients résidant à l'étranger

15e Législature

Question de : M. Stéphane Viry
Vosges (1re circonscription) - Les Républicains

M. Stéphane Viry alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés qu'éprouvent les notaires à faire signer les actes notariés solennels de clients résidant à l'étranger. En effet, il vient d'être interpellé par un notaire relevant que les dispositions des articles 8 et 9 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971 relatif aux créations, transferts et suppressions d'office de notaire, à la compétence d'instrumentation et à la résidence des notaires prévoit, pour l'un, que les notaires exercent leurs fonctions sur l'ensemble du territoire national et, pour l'autre, que tout acte reçu en dehors du territoire ne vaut que comme écrit sous seing privé. La problématique réside en ce qui concerne les actes notariés solennels, où seule la forme authentique est recevable, sous peine de nullité. Or, aujourd'hui, nombre de clients sont installés à l'étranger et se pose alors une difficulté lorsque certains d'entre eux ne peuvent se déplacer pour signer un acte où la forme authentique est requise. Un notaire, contraint par les articles 8 et 9 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971, ne peut non plus se déplacer à l'étranger pour faire signer un tel acte, qui ne vaudrait que comme acte sous seing privé. Dès lors, il lui demande si le Gouvernement entend aménager ces dispositions afin de permettre aux notaires un déplacement à l'étranger pour faire signer un acte, notamment solennel, tout en conservant le caractère authentique de ce dernier.

Réponse publiée le 29 mars 2022

Aux termes de l'article 8 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971, le ressort territorial dans lequel les notaires exercent leurs compétences couvre l'ensemble du territoire national, exception faite de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles Wallis et Futuna. Ce ressort comprend également le territoire des ambassades, puisque la fiction de l'extraterritorialité a été abandonnée en droit international public français, l'acte juridique accompli en France à l'intérieur d'une ambassade étrangère étant réputé être accompli sur le territoire national, et non en territoire étranger. (Crim. 13 octobre 1865, D.P. 1866, 1, 233, Crim. 16 mai 1934 D.H. 1934-367). En revanche, en vertu de l'article 9 de ce décret, un acte reçu par notaire à l'étranger n'a pas davantage de valeur qu'un acte sous seing privé. Les attributions notariales des agents diplomatiques et consulaires prévues par décret n° 91 152 du 7 février 1991 sont aujourd'hui en voie de disparition. En vertu de l'arrêté du 17 décembre 2018, seuls les agents des consulats français de Dakar et d'Abidjan exercent à ce jour ces attributions. Toutefois, les ressortissants français à l'étranger disposent tout d'abord de la possibilité de s'adresser aux notaires locaux, étant observé que des accords de coopération entre les instances notariales françaises et étrangères peuvent venir faciliter la coopération avec le notaire habituel du ressortissant français, à l'image de la convention de coopération conclue le 15 mars 2019 entre le Conseil supérieur du notariat et la Chambre des notaires du Québec. Par ailleurs, l'extinction progressive du notariat consulaire coïncide avec une nouveauté majeure, introduite par le décret n° 2020-1422 du 20 novembre 2020 instaurant la procuration notariée à distance, et qui prévient en pratique la plupart des difficultés. Contrairement au décret n° 2020 395 du 3 avril 2020 qui, en pleine période de crise sanitaire, avait permis l'établissement de l'acte notarié électronique à distance, le décret du 20 novembre 2020 est limité aux procurations. Toutefois, cette possibilité ouvre de larges perspectives puisque de nombreux actes notariés peuvent être conclus sur procuration, qu'ils soient prévus sous forme notariée à peine de nullité ou non. Après échange des informations nécessaires à l'établissement de l'acte et le recueil du consentement des parties par le notaire, celui-ci recueille la signature électronique des parties au moyen d'un procédé de signature électronique qualifiée conforme au décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017. La procuration est conclue lorsque le notaire instrumentaire y appose sa propre signature. Le notaire peut alors représenter son mandant pour l'établissement de l'acte envisagé, qui peut être un acte solennel. Ainsi, et dans ce contexte, autoriser les notaires français à instrumenter à l'étranger est une option qui semble poser davantage de difficultés qu'elle n'en résoudrait. Au plan des principes du droit international, le f) de l'article 5 de la convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires prévoit que les fonctions consulaires consistent notamment à agir en qualité de notaire. Ces stipulations semblent donc réserver l'exercice des fonctions notariales à l'étranger aux autorités consulaires, sous réserve des conventions bilatérales qui trouveraient à s'appliquer. Par ailleurs, et en vertu du principe de réciprocité, permettre aux notaires français d'instrumenter à l'étranger impliquerait pour les autorités françaises de permettre aux notaires étrangers d'instrumenter en France. À tout le moins, la France s'exposerait à des demandes en ce sens. Enfin, cette mesure poserait d'immanquables difficultés juridiques et pratiques sur l'exercice à l'étranger des missions de notaire, difficultés qui résulteraient tant de leur qualité d'officier public et ministériel que de l'organisation et du fonctionnement de la profession en termes de rémunération, de modes d'exercice ou d'organes de contrôle. C'est pourquoi le Gouvernement n'entend pas, à ce jour, permettre aux notaires français d'instrumenter hors du territoire national. En revanche, la mise en place de la comparution à distance pour les procurations authentiques a été conçue comme la première étape d'une réflexion globale sur la mise en place de procédures à distance pour l'établissement des actes notariés. Les premiers retours de la profession et des usagers sur cette nouveauté devront permettre de faire le bilan des bénéfices et des risques observés afin, s'il y a lieu, d'en envisager le déploiement plus large. https://legal.un.org/ilc/texts/instruments/french/conventions/9_2_1963.pdf

Données clés

Auteur : M. Stéphane Viry

Type de question : Question écrite

Rubrique : Professions judiciaires et juridiques

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 26 octobre 2021
Réponse publiée le 29 mars 2022

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