Fonctionnement du théâtre public
Question de :
Mme Emmanuelle Ménard
Hérault (6e circonscription) - Non inscrit
Mme Emmanuelle Ménard attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur le fonctionnement du théâtre public et sur les conditions d'attribution des subventions pour le théâtre public, affectées aux auteurs dramatiques. Il s'agit, ici, de défendre l'indépendance, la liberté des auteurs et la diversité de la création. La mission du ministère de la culture est d'assurer la promotion de la pluralité des opinions et des expressions artistiques et ce, pour garantir le plus vaste éclectisme possible et un élargissement significatif de l'accès à la culture pour le public. Pourtant, aujourd'hui, sur le terrain, cette diversité des expressions n'est pas visible et nuit au dynamisme d'un théâtre qui tend à l'uniformité. Il faut ajouter que, depuis les années 1980, le metteur en scène occupe une place prééminente par rapport à celle de l'auteur. Dès lors, le commentaire ou l'adaptation de n'importe quel texte prime sur une réelle création et l'auteur est relégué à la seconde place. Les quelques auteurs joués dans le théâtre public, peu ou prou idéologiquement et artistiquement formatés dans le même moule et l'esprit CIRCA, regroupés au sein de deux ou trois maisons d'édition officielles, produisent une création uniforme, le plus souvent inaccessible à un autre public que celui des « initiés » comme on peut le voir au festival In d'Avignon, qui n'a plus de populaire que le nom, les autres en étant exclus. Les conditions d'attribution des aides et subventions doivent être modifiées pour permettre à un plus grand nombre d'auteurs d'exercer leur métier librement et d'en vivre. À ce sujet, la création d'une indemnité de chômage doit être rapidement envisagée. Les méthodes et le fonctionnement des DRAC, du CNL, d'Artcena et, bien sûr, des scènes dites nationales doivent être modifiés. D'autre part, la prééminence des directeurs, des metteurs en scène et de lecteurs de comités et commissions trop formatés - car très souvent issus des mêmes milieux - dans le choix des œuvres produites et des programmations limite l'accès du public à une pluralité de créations, notamment de répertoires. La France est pourtant le pays de Molière, de Racine, de Feydeau, de Rostand, de Cocteau, de Beckett et tant d'autres. Les auteurs français doivent continuer à exister et à produire librement en France. Cela passe notamment par la garantie de la liberté artistique de ces auteurs, de la prise en compte du succès des œuvres auprès d'un large public et de la possibilité, par exemple, de s'exprimer sur la programmation et sur la production des œuvres. Par ailleurs, la décentralisation culturelle opérée par les centres dramatiques nationaux (CDN) reproduit davantage un même type de création sur l'ensemble du territoire plutôt que de favoriser la pluralité des répertoires. Les compagnies indépendantes où la création dramatique pourrait s'épanouir avec une plus grande liberté sont les premières victimes de cette situation, en raison du contrôle exercé par les DRAC. Si régionalisation et décentralisation véritable du théâtre public il doit y avoir, un des moyens d'y arriver est le subventionnement direct et équitable des compagnies indépendantes et des auteurs, de manière à garantir une réelle liberté de création. Enfin, la pluralité des opinions et des sensibilités des lecteurs des comités et commissions n'est pas assurée dans les territoires comme à l'échelon national, ce qui nuit à une créativité diverse et variée. Elle lui demande donc si une grande réforme du fonctionnement du théâtre public est envisagée pour permettre à davantage d'auteurs d'être reconnus et de vivre de leur art, ce qui permettrait aussi à ce théâtre de gagner en qualité artistique, en invention et de reconquérir un public plus large.
Réponse publiée le 4 janvier 2022
La liberté de création et la liberté de programmation sont inscrites dans la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine. Pour le ministère de la culture, leur respect implique que l'État ne s'immisce pas dans les programmations des lieux de spectacle vivant. En revanche, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), comme les services centraux, veillent à ce que la diversité d'esthétiques et la pluralité d'écritures soient présentées sur les scènes françaises, conformément aux termes des conventions pluriannuelles d'objectifs. Concernant plus spécifiquement les auteurs dramatiques, plusieurs mesures ont été prises durant la crise sanitaire, en lien notamment avec la société des auteurs et compositeurs dramatiques, afin de soutenir un secteur particulièrement fragilisé. Ces mesures exceptionnelles se sont ajoutées aux soutiens structurants que sont la commission nationale d'aide à la création organisée par le centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre (Artcena) – qui d'ailleurs fonde son jugement sur le seul critère de la qualité de textes lus sans aucune mention d'auteur ou de titre puisqu'ils sont anonymisés – mais aussi les actions que mène le centre international de recherche, de création et d'animation de Villeneuve Lez Avignon, qui ouvre ses portes largement à des auteurs notamment lauréats de l'aide à la création. La Chartreuse accueille une centaine d'auteurs en résidence (individuelle ou collective) par an, soit 503 entre 2017 et 2021. Pour sa part, entre les aides au montage et les encouragements, la commission nationale d'aide à la création soutient entre 40 et 50 auteurs par an, soit 204 sur les cinq dernières années. Le plus grand nombre d'artistes accompagnés garantit la diversité des expressions soutenues. Plusieurs structures sont subventionnées par le ministère pour le soutien qu'elles apportent aux auteurs, notamment par la mise en partage de leurs œuvres : c'est le cas de Théâtre Ouvert, dont les moyens ont été confortés ces dernières années. Il est également à noter que certains auteurs sont conventionnés en DRAC. C'est par exemple le cas de Valère Novarina, d'Alexandra Badea ou de Marion Aubert. La présence des auteurs vivants dans la programmation des lieux de spectacle subventionnés est indéniable : une récente étude des services de l'inspection de la direction générale de la création artistique montre en effet que 64 % des textes mis en scène dans les centres dramatiques nationaux (CDN), les scènes nationales et les théâtres nationaux ont été écrits après 2001. Les structures dédiées au théâtre veillent ainsi à un équilibre entre textes du répertoire et ceux d'auteurs vivants. Le lien entre les auteurs dramatiques et les CDN a été encore renforcé par la mise en place, sur la saison 2021-22, d'un dispositif de commande d'écriture et de résidence par les CDN qui concerne une quinzaine d'écrivains de théâtre. Enfin, le ministère de la culture a accompagné les États généraux des écrivains et écrivaines de théâtre et la tenue de leurs assises durant le Festival d'Avignon 2019, dans le but d'une meilleure structuration de ce secteur. Par tous ces moyens, le ministère de la culture encourage l'activité des auteurs et notamment de ceux qui, n'étant pas également metteurs en scène, n'ont pas accès à l'intermittence. La question de l'accès à l'assurance chômage se pose en effet pour les auteurs comme pour tous les travailleurs indépendants. Ils peuvent eux-aussi avoir accès à l'allocation pour les travailleurs indépendants, s'ils remplissent les critères pour ouvrir leurs droits.
Auteur : Mme Emmanuelle Ménard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Arts et spectacles
Ministère interrogé : Culture
Ministère répondant : Culture
Dates :
Question publiée le 23 novembre 2021
Réponse publiée le 4 janvier 2022