15ème législature

Question N° 42895
de Mme Bérengère Poletti (Les Républicains - Ardennes )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, finances et relance
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > bâtiment et travaux publics

Titre > Soutien au secteur du bâtiment face à la hausse des prix des matériaux

Question publiée au JO le : 07/12/2021 page : 8644
Réponse publiée au JO le : 31/05/2022 page : 3287
Date de changement d'attribution: 21/05/2022

Texte de la question

Mme Bérengère Poletti attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la situation des entreprises du bâtiment face à la hausse exponentielle du coût des matériaux. Depuis plusieurs mois, les entreprises du BTP doivent faire face à une pénurie de matières premières, corrélée à une hausse importante des prix des matériaux. Ce secteur explique que cette augmentation n'est toujours pas maîtrisée et qu'elle ne le sera pas dans les mois à venir. Cette situation menace l'existence d'un grand nombre d'entreprises. En effet, certaines finiront des marchés à perte et accuseront d'un déficit pour l'exercice de l'année 2021. Les représentants de ce secteur confient que cette crise est bien plus alarmante que celle du premier confinement, au mois de mars 2020. C'est pourquoi ces entreprises demandent de nouvelles mesures d'accompagnement, notamment celle du « carry-back ». Ce dispositif fiscal du « report en arrière des déficits » vise à imputer les déficits de l'exercice en cours sur les bénéfices de l'année précédente afin d'obtenir une créance d'impôt. Ce mécanisme permettrait de soulager les trésoreries durant la période conjoncturelle de crise et ainsi d'éviter la faillite prévisible de nombreuses entreprises. Cette opération n'aurait pas de véritables conséquences pour les finances publiques puisqu'il s'agit d'un lissage d'impôt sur plusieurs années. Si cette mesure doit demeurer exceptionnelle et sur une période courte, cette option semble être la seule pour accompagner les entreprises en difficulté face à cette hausse du coût des matériaux. C'est pourquoi le secteur du BTP demande à ce que ce dispositif fiscal soit introduit dans le projet de loi de finances pour 2022. Les entreprises du bâtiment sollicitent aussi la prorogation d'une année du crédit d'impôt en faveur de la rénovation énergétique des locaux des TPE/PME inscrit dans le projet de loi de finances pour 2021. Cette situation exceptionnelle demande des réponses exceptionnelles. La pérennité de nombreuses entreprises est aujourd'hui menacée. C'est pourquoi elle l’interpelle et lui demande comment il entend répondre au cri d'alarme lancé par le secteur du BTP.

Texte de la réponse

En application des dispositions de l'article 220 quinquies du code général des impôts (CGI), le déficit constaté par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés peut, sur option et dans la limite d'un montant d'un million d'euros, être imputé sur la fraction du bénéfice de l'exercice précédent, qui n'a pas été distribuée, qui n'a pas fait l'objet d'une exonération et qui n'a pas donné lieu à un impôt payé au moyen de crédits ou de réductions d'impôt. Afin d'accompagner les entreprises dans le contexte de la crise sanitaire, le Gouvernement a d'ores et déjà mis en place plusieurs assouplissements des règles encadrant le dispositif de report en arrière des déficits. Dès 2020, le Gouvernement a proposé une mesure de soutien d'urgence afin que les entreprises puissent mobiliser leurs créances de report en arrière pour améliorer leur trésorerie. L'article 5 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 a ainsi instauré un dispositif temporaire de remboursement immédiat des créances nées du report en arrière des déficits. Ce dispositif a permis aux entreprises de demander, au plus tard à la date limite de dépôt de la déclaration de résultats de l'exercice clos au 31 décembre 2020, le remboursement immédiat du solde des créances constatées au titre des exercices 2015 à 2019 ainsi que des créances nées du report en arrière des déficits constatés au titre d'exercices clos en 2020. De plus, l'article 19 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a étendu aux entreprises soumises à une procédure de conciliation ouverte en application de l'article L.611-4 et suivants du code de commerce le mécanisme de remboursement immédiat des créances de report en arrière des déficits qu'elles détiennent sur l'État, jusque là réservé aux entreprises faisant l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires. Cette mesure, pérenne, permet aux entreprises en difficulté de mobiliser immédiatement leurs stocks de créances de report en arrière. En outre, afin d'accompagner la reprise de nos entreprises et de leur permettre de renforcer leurs fonds propres, l'article 1er de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative de 2021 a temporairement renforcé le dispositif de report en arrière des déficits en autorisant l'imputation, sans limitation de montant, du déficit constaté au titre du premier exercice déficitaire clos à compter du 30 juin 2020 et jusqu'au 30 juin 2021 sur la fraction, déterminée dans les conditions de droit commun, des bénéfices constatés au titre des trois exercices précédents. Ce dernier dispositif ne constitue pas une mesure de trésorerie. En effet, les dispositions de l'article 5 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 relatives au remboursement immédiat des créances de report en arrière ne s'appliquent pas à la créance constatée en application de l'article 1er de la première loi de finances rectificative pour 2021. Cette créance n'est donc utilisable que dans les conditions de droit commun. Le dispositif adopté dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2021 vise à accélérer la reprise en permettant aux entreprises de renforcer significativement leurs fonds propres, en accélérant la constatation de l'effet fiscal de leurs pertes, et en contribuant ainsi à assainir rapidement leur situation financière. Enfin, outre les mesures déjà évoquées d'assouplissement du dispositif de report en arrière des déficits, les entreprises du secteur du BTP ont, comme d'autres, pu bénéficier des autres mécanismes d'aides tels que les dispositifs de prêts garantis par l'État ou de prêts bonifiés et avances remboursables. Dans ce contexte, le Gouvernement n'est pas favorable à l'adoption d'un nouveau dispositif de remboursement immédiat des créances de report en arrière des déficits, qui comporterait un coût particulièrement significatif pour le budget de l'État. En effet, un tel dispositif permettrait aux entreprises de demander le remboursement anticipé de la créance constatée en application de l'article 1er de la LFR pour 2021 qui a conduit à déplafonner temporairement mais substantiellement le dispositif de report en arrière. D'une manière plus générale, les entreprises qui connaissent des difficultés de trésorerie ont la possibilité de mobiliser leur créance de report en arrière de déficits, et dont le montant a été significativement augmenté par l'effet de l'article 1er de la loi de finances rectificative pour 2021, pour obtenir des crédits bancaires. En tout état de cause, le bénéfice d'un tel dispositif de remboursement anticipé ne pourrait, en droit comme en équité, être accordé qu'aux seules entreprises du secteur du BTP. Une telle mesure, qui présenterait un caractère sélectif, conduirait à une différence de traitement injustifiée de nature à mettre en cause sa robustesse tant sur le plan constitutionnel qu'au regard de la réglementation européenne des aides d'État. Ainsi, le Gouvernement, qui a donc déjà très largement assoupli les conditions d'application du mécanisme de report en arrière des déficits afin de permettre aux entreprises touchées par les conséquences de la crise sanitaire de bénéficier de ce dispositif, n'est pas favorable à l'adoption d'un nouvel assouplissement du dispositif. Par ailleurs, l'article 27 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a créé un dispositif de crédit d'impôt en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) qui engagent des dépenses entre le 1er octobre 2020 et le 31 décembre 2021 pour la rénovation énergétique des bâtiments ou parties de bâtiments à usage tertiaire dont elles sont propriétaires ou locataires et qu'elles affectent à l'exercice de leur activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole. Cette mesure, s'inscrivait dans les objectifs de la loi n° 2018 1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, en matière de réduction de la consommation d'énergie finale des bâtiments à usage tertiaire. Elle a consisté en la mise en place d'un dispositif incitatif temporaire, visant à encourager les très petites entreprises (TPE) et les PME à engager sans attendre des travaux de rénovation permettant de limiter la consommation énergétique. Il est souligné que le crédit d'impôt en faveur de la rénovation des bâtiments à usage tertiaire a avant tout poursuivi un objectif écologique, et a subsidiairement constitué une mesure de soutien en faveur du BTP en favorisant la redynamisation de ce secteur d'activité. Sa reconduction ne saurait donc être justifiée par le seul motif que les entreprises du BTP subissent une forte hausse des coûts des matériaux. En outre, il est rappelé que le Gouvernement a également mis en place, dans le cadre du plan de relance, des mesures complémentaires pour accompagner les PME dans leur transition écologique et pour favoriser la rénovation énergétique. Ces mesures de soutien consistent notamment en des diagnostics gratuits aux PME, des aides forfaitaires pour les actions et investissements réalisés par les PME dans l'éco-conception, des aides à l'accompagnement des entreprises engagées pour la transition écologique (EETE) ou encore le prêt éco-énergie (PEE). Dans la durée, ces mécanismes d'aide directe, simples et rapidement mobilisables par les entreprises ont été privilégiés, étant considéré qu'ils constituent des outils particulièrement efficaces pour la relance de notre économie. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le Gouvernement s'est montré défavorable à la prorogation de ce mécanisme de crédit d'impôt.