15ème législature

Question N° 42897
de M. Sacha Houlié (La République en Marche - Vienne )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > bioéthique

Titre > Difficultés de reconnaissance anticipée pour une PMA à l'étranger

Question publiée au JO le : 07/12/2021 page : 8656
Réponse publiée au JO le : 15/02/2022 page : 1019

Texte de la question

M. Sacha Houlié alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences des dispositions règlementaires de la circulaire du 21 septembre 2021 de présentation des dispositions en matière d'assistance médicale à la procréation issues de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique. Il apparaît que l'application de ces prescriptions nouvelles engendre d'importantes difficultés pour les couples de femmes qui tentent d'enregistrer auprès d'un notaire une reconnaissance conjointe anticipée de filiation après recours à une procréation médicalement assistée à l'étranger. En effet, la loi et le nouvel article 372 du code civil prévoient que : « Lorsqu'un couple de femmes a eu recours à une assistance médicale à la procréation à l'étranger avant la publication de la présente loi, il peut faire, devant le notaire, une reconnaissance conjointe de l'enfant dont la filiation n'est établie qu'à l'égard de la femme qui a accouché. Cette reconnaissance établit la filiation à l'égard de l'autre femme. La reconnaissance conjointe est inscrite en marge de l'acte de naissance de l'enfant sur instruction du procureur de la République, qui s'assure que les conditions prévues au premier alinéa du présent IV sont réunies. Le présent IV est applicable pour une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi ». Toutefois, la circulaire ajoute que « lors du consentement de l'AMP devant le notaire, les deux reconnaissent l'enfant conjointement et par anticipation (c'est-à-dire avant l'insémination artificielle ou le transfert d'embryon) » (circulaire page 3/3). Une seconde prescription de la circulaire prévue par la fiche n° 2 confirme que : « Les dispositions du IV de l'article 6 de la loi du 2 août 2021 n'interdisent pas que la reconnaissance conjointe par acte notarié soit faite avant la naissance de l'enfant, dès lors que le couple a eu recours à une AMP avant la publication de ladite loi (3 août 2021). C'est ce qui la distingue de la reconnaissance conjointe "anticipée" instituée pour les AMP à venir, à l'article 342-11 du code civil, qui est toujours faite avant la conception de l'enfant » (fiche n° 2 pages 2 et 3). Dès lors, les prescriptions réglementaires de la circulaire du 21 septembre 2021 instaurent une nouvelle condition encadrant dans la procédure de reconnaissance conjointe anticipée en exigeant que l'acte notarié soit réalisé avant même l'insémination ou le transfert de l'embryon. Cela a d'importantes conséquences et notamment l'impossibilité, pour un couple de femmes ayant eu recours à une procréation médicalement assistée à l'étranger et pour lequel l'insémination ou le transfert de l'embryon a eu lieu après le 3 août 2021 (quand bien même les tentatives de fécondation précédentes et issues de la même démarche avaient démarré avant cette date) de former une demande de reconnaissance anticipée. En définitive, ces mères se voient privées du bénéfice de cette procédure simplifiée et doivent donc emprunter le long et complexe chemin de l'adoption. Selon les informations qui ont été portées à sa connaissance, les centres de recherches, d'information et de documentation notariales (CRIDON) ont recensé de nombreuses situations. Dans ces circonstances, il le sollicite afin d'envisager une modification de ces dispositions réglementaires de la circulaire du 21 septembre 2021 afin garantir le droit à la reconnaissance anticipée pour l'enfant à naître au profit des mamans concernées.

Texte de la réponse

L'article 342-11 du code civil, introduit par la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, dispose que lors du recueil du consentement prévu à l'article 342-10, le couple de femmes reconnaît conjointement l'enfant. La filiation est établie, à l'égard de la femme qui accouche, par sa simple désignation dans l'acte de naissance, conformément à l'article 311-25 du code civil. Elle est établie, à l'égard de l'autre femme, par la reconnaissance conjointe prévue au premier alinéa de l'article 342-11 du code civil. L'article 342-10 du code civil rappelle que les couples ou la femme non mariée qui recourent à une assistance médicale nécessitant l'intervention d'un tiers donneur doivent donner préalablement leur consentement à un notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation ainsi que des conditions dans lesquelles l'enfant pourra, s'il le souhaite, accéder à sa majorité aux données non identifiantes et à l'identité de ce tiers donneur. Les dispositions introduites par la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique valent pour les assistances médicales à la procréation réalisées après l'entrée en vigueur de la loi. La circulaire du 21 septembre 2021 de présentation des dispositions en matière d'assistance médicale à la procréation issues de la loi précitée, précise que pour déterminer si l'assistance médicale à la procréation a été réalisée avant ou après l'entrée en vigueur de la loi, il convient d'examiner si l'insémination artificielle ou le transfert d'embryon réalisé avec succès est intervenu avant le 4 août 2021 ou à compter de cette date. La loi a entendu exiger le recueil du consentement à l'assistance médicale à la procréation et l'établissement de la reconnaissance conjointe anticipée avant tout processus d'assistance médicale à la procréation. C'est ce que rappellent expressément les articles 342-10 et 342-12 du code civil. Le législateur a, en effet, souhaité que les couples consentent librement à l'assistance médicale à la procréation et soient informés des conséquences de leur acte au regard de la filiation avant de recourir à cette technique. La possibilité d'établir une reconnaissance conjointe anticipée après l'engagement du processus d'assistance médicale à la procréation irait à l'encontre de l'esprit du texte. En outre, permettre aux femmes qui ont engagé un processus d'assistance médicale à la procréation avant la loi de faire une reconnaissance conjointe anticipée a posteriori reviendrait à privilégier les assistances médicales faites à l'étranger avant la loi alors que la loi relative à la bioéthique a souhaité instaurer un cadre juridique sécurisant pour les couples de femmes ayant recours à cette technique, notamment pour la femme qui n'a pas accouché et pour l'enfant qui en est issu. Pour bénéficier, au contraire, du dispositif transitoire prévu au IV de l'article 6 de la loi précitée, permettant l'apposition d'une reconnaissance conjointe en marge de l'acte de naissance d'un enfant né d'un processus d'assistance médicale à la procréation à l'étranger, il convient que l'insémination ou le transfert d'embryon réalisé par ces couples de femmes à l'étranger l'ait été avant l'entrée en vigueur de la loi. A défaut, ces couples de femmes se retrouvent dans une situation non prévue par les textes, et l'adoption reste le seul mode d'établissement de la filiation possible entre l'enfant et la femme qui n'a pas accouché. Bien que sensible à la situation de ces couples et de ces familles, la circulaire du 21 septembre 2021 ne fait que rappeler les dispositions législatives introduites par la loi relative à la bioéthique.