Conditions préalables à la création d'une SEMOP par des collectivités
Question de :
M. Sacha Houlié
Vienne (2e circonscription) - La République en Marche
M. Sacha Houlié attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur les conditions dans lesquelles plusieurs collectivités territoriales peuvent créer ensemble une société d'économie mixte à opération unique (SEMOP). L'article L. 1541-1 du CGCT prévoit qu'une SEMOP peut être créée par « une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales », un tel « groupement » devant semble-t-il être entendu au sens de l'article L. 5111-1 du CGCT (c'est-à-dire principalement les EPCI et les syndicats mixtes). L'article L. 32-10-1 du code de l'urbanisme prévoit pour sa part expressément la possibilité pour l'État de créer une SEMOP « avec une ou plusieurs collectivités territoriales ou un groupement de collectivités territoriales ». Dans le silence de l'article L. 1541-1 du CGCT sur ce point, une incertitude demeure ainsi quant à la possibilité pour plusieurs collectivités territoriales, non préalablement regroupées entre elles au sens de l'article L. 5111-1 du CGCT, d'être actionnaires publics d'une même SEMOP. La possibilité d'une telle mutualisation de l'actionnariat et de la commande publique apparaît pourtant nécessaire en particulier pour des opérations d'aménagement complexes, mobilisant le foncier et les compétences (aménagement, voirie, équipements commerciaux, équipements de loisirs, logement') de plusieurs collectivités et EPCI. À défaut, ces collectivités et leurs groupements seraient contraints de se regrouper préalablement sous forme de syndicat mixte, ce qui alourdirait et allongerait considérablement la mise en place de cet outil de coopération publique. En conséquence, il souhaiterait que soit confirmée la possibilité pour plusieurs collectivités territoriales ou EPCI de constituer ensemble une SEMOP et le cas échéant les modalités de cette mutualisation de l'actionnariat et de la commande publics (nécessité ou non de créer un groupement de commande).
Réponse publiée le 17 mai 2022
L'article L. 1541-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) relatif aux sociétés d'économie mixte à opération unique (SEMOP), en disposant que « dans le cadre de ses compétences autres que l'exercice de missions de souveraineté, une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales peut créer, avec au moins un actionnaire opérateur économique (…) une société d'économie mixte à opération unique », prévoit bien qu'une unique collectivité territoriale ou qu'un unique groupement puisse constituer une telle société, alors que plusieurs opérateurs économiques peuvent figurer à son capital. Le champ d'activité des SEMOP est, en effet, limité à l'exécution d'un contrat unique, qui constitue l'objet de la société et en conditionne la durée de vie. Il permet en particulier la « gestion d'un service public », qui ne relève a priori que d'une collectivité unique. Les documents préparatoires, ainsi que les débats au Parlement qui ont conduit à l'adoption de la loi n° 2014-744 du 1er juillet 2014 permettant la création de SEMOP confirment ce point, qui n'a pas été remis en cause. En outre, l'article susvisé prévoit que la collectivité actionnaire détient au moins 34 % du capital. Cette disposition se justifie afin de lui assurer une minorité de blocage à l'assemblée générale de la société, conformément à l'article L. 225-96 du code de commerce. Cette exigence ne peut se comprendre qu'en cas d'actionnaire public unique. Dans le cas contraire, les collectivités pourraient ne pas disposer individuellement de cette minorité de blocage. Dans son avis du 1er décembre 2009 sur le partenariat public privé institutionnalisé, dont les SEMOP sont une déclinaison, le Conseil d'État a précisé la nature des risques existants en cas de recours à un tel dispositif par plusieurs pouvoirs adjudicateurs. Celui-ci a ainsi constaté que « le montage juridique permettant à l'opérateur d'apporter effectivement son savoir-faire à l'entité, réduisant en conséquence les pouvoirs de décision des partenaires publics et reportant certaines clauses du contrat initial sur des conventions conclues entre la société conjointe et l'opérateur, est encore plus problématique en présence de deux ou plusieurs institutions poursuivant par le contrat des objectifs opérationnels différents sur la base de compétences distinctes ». Ce montage « pourrait présenter un faible niveau de protection des intérêts contractuels des collectivités associées, en raison notamment des risques de divergences d'intérêts entre elles dont le règlement ne pourrait être trouvé au sein d'une société commune où chacune n'aurait qu'un pouvoir limité et où toutes dépendraient de la position de leur opérateur commun ». Les sociétés d'économie mixte d'aménagement à opération unique (SEMAOP) évoquées répondent, quant à elles, à un besoin spécifique, sur le champ limité de l'aménagement, pour des opérations complexes nécessitant potentiellement la coopération de plusieurs collectivités ou groupements avec l'État, comme le souligne l'exposé de l'amendement gouvernemental à l'origine de l'insertion de la disposition dans le code de l'urbanisme, déposé à l'occasion de la discussion sur la loi NOTRé du 7 août 2015. Aussi, il n'est pas envisagé de remettre en question la constitution des SEMOP par une unique collectivité territoriale ou un unique groupement. Les collectivités qui souhaitent recourir collectivement à une telle société, parce que le projet le justifie, peuvent se regrouper sous l'une des formes de groupement définies par l'article L. 5111-1 du CGCT, c'est à dire les établissements publics de coopération intercommunale, les syndicats mixtes prévus par les articles L. 5711-1 et L. 5721-8 du CGCT, les pôles métropolitains, les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux, les agences départementales, les institutions ou organismes interdépartementaux et les ententes interrégionales. Dans la mesure où la SEMOP est constituée à titre exclusif pour l'exécution d'un contrat avec la collectivité ou le groupement actionnaire, le recours à un groupement de commande entre cette collectivité ou groupement et d'autres personnes intéressées par la prestation qui ne seraient pas présentes au capital n'est pas envisageable. En effet, dans un groupement de commandes, tous les membres sont liés contractuellement avec l'opérateur économique, qui serait ici la SEMOP, même s'ils sont représentés par le coordonnateur qui agit en leur nom et pour leur compte, et qui sera, le cas échéant, le seul à signer le contrat de la commande publique du côté des pouvoirs adjudicateurs. Par ailleurs, la collectivité ou le groupement actionnaire doit créer la SEMOP dans le cadre de ses compétences, en vertu des dispositions de l'article L. 1541-1 du CGCT, et non dans celui des compétences d'autres collectivités ou groupements, même s'il les représente en sa qualité de coordonnateur du groupement de commandes. Enfin, un groupement de commande n'ayant pas la personnalité morale, il ne peut pas davantage être actionnaire de la SEMOP.
Auteur : M. Sacha Houlié
Type de question : Question écrite
Rubrique : Collectivités territoriales
Ministère interrogé : Économie, finances et relance
Ministère répondant : Comptes publics
Dates :
Question publiée le 14 décembre 2021
Réponse publiée le 17 mai 2022