Question écrite n° 4313 :
Pôles d'excellence rurale - Obtention du label PER - Aube

15e Législature

Question de : M. Grégory Besson-Moreau
Aube (1re circonscription) - La République en Marche

M. Grégory Besson-Moreau attire l'attention de M. le ministre de la cohésion des territoires sur le bilan et les perspectives des pôles d'excellence rurale notamment ceux situés dans le département de l'Aube. Lancée en 2006, la politique des pôles d'excellence rurale (PER) constitue une des réponses du Gouvernement à la relance de l'activité économique française dans les territoires ruraux. Menée sous forme d'appels à projet nationaux permettant l'obtention du label PER, cette politique vise, grâce à une aide financière conjointe de l'État et de l'Union européenne, à soutenir des projets de développement économique situés, soit en zone de revitalisation rurale (ZRR), soit en dehors des aires urbaines de plus de 30 000 habitants. Déposés par des structures intercommunales réunissant des partenariats entre maîtres d'ouvrage publics et privés, les projets ont vocation à conforter le développement économique des territoires ruraux tout en permettant d'améliorer la vie quotidienne des populations. Ce dispositif a donc été mis en place pour soutenir et accompagner la ruralité. Néanmoins, la ruralité souffre aujourd'hui. Ces territoires se sentent souvent délaissés par l'État, alors qu'ils sont de véritables réservoirs de croissance et qu'ils contribuent au développement de l'attractivité. Certes, ce dispositif participe à la politique d'aménagement du territoire mais il y a un manque de visibilité aujourd'hui. Il semble important de dresser un bilan de ce dispositif afin d'envisager l'avenir. Les projets dans la ruralité souffrent d'un défaut de financement de la part de l'État mais aussi des collectivités alors même que les grands projets urbains n'ont jamais été autant accompagnés. Aussi il lui demande de bien vouloir apporter un certain nombre de conclusions quant à ce dispositif depuis son existence et de préciser quelles orientations le Gouvernement souhaite prendre en la matière.

Réponse publiée le 15 janvier 2019

La seconde génération de pôles d'excellence rurale (PER), initiée en novembre 2009 et pilotée alors par la délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR), a eu pour vocation de faire émerger des projets générateurs d'activités économiques, d'emplois directs et indirects, de valeur ajoutée et de développement local en favorisant de nouvelles dynamiques territoriales. 114 projets ont été sélectionnés en juillet 2010 puis 149 autres en avril 2011. Ces 263 projets labellisés au titre de la seconde génération, en deux vagues successives, représentent un investissement total de 870 millions d'euros répartis sur 1 548 opérations et susceptibles de générer la création de près de 1 400 emplois. Ces projets se répartissent en huit thématiques :Agriculture 23 %Bois 6 %Culture 5 %Entreprises 13 %Mobilité 2 %Santé 7 %Service au public 20 %Tourisme 24 % Ces PER étaient répartis dans toute la France, à l'exception de 5 départements (hors Île-de France) : Aisne, Alpes-Maritimes, Finistère, Nord et Seine-Maritime. Le financement par l'État des 263 PER était apporté par un fonds mutualisé ministériel (FMM) dont l'opérateur est l'agence de services et de paiement (ASP). Ce fonds participait à hauteur de 151,6 millions d'euros au financement des PER, sur une enveloppe totale de cofinancements de 235 millions d'euros comprenant les subventions nationales, déconcentrées ou communautaires. Le cahier des charges de l'appel à projets précisait que la date limite d'achèvement des opérations était fixée au 31 décembre 2014 pour les PER de la première vague et au 30 juin 2015 pour ceux de la seconde vague. Pour tenir compte des difficultés rencontrées par certains maîtres d'ouvrages et responsables de PER, il a été décidé, par lettre circulaire du 12 juin 2014, de permettre aux préfets de département d'octroyer un délai supplémentaire d'un an maximum pour l'achèvement des travaux s'ils estimaient les demandes justifiées. Ainsi, les dates limites d'achèvement ont pu être reportées au 31 décembre 2015 pour les PER de la première vague et au 30 juin 2016 pour ceux de la seconde vague. 32 PER ont bénéficié d'une telle décision. Au 31 décembre 2017, compte tenu de l'abandon de 3 PER et de réalisations partielles des plans d'actions qui génèrent des désengagements comptables, le montant de crédits du FMM engagé et payé par l'ASP est de 114,8M€. À l'issue du dispositif, le suivi des indicateurs relatifs à l'emploi et à la création d'entreprises fait apparaitre des réalisations proches des prévisions initiales.


POUR LES OP SOLDEES

PREVU

REALISE

Emplois créés (ETP)

1 385

1 116

Emplois maintenus (ETP)

12 236

12 016

Entreprises créées

288

193

Entreprises maintenues

1 236

1 191
Il apparait donc que, par rapport au montant initial prévu de 150 M€ de subventions au titre du FMM, le taux de réalisation s'élève à 80 %. Ce taux peut être considéré comme globalement satisfaisant si l'on prend en compte l'abandon de 3 PER (soit 3 % des montants financiers prévus). Le fait que, dès le dépôt du projet de PER, les investissements devaient être définis et figés, y compris financièrement, n'a pas permis de procéder à la prise en compte des modifications des projets qui, pour certains étaient insuffisamment finalisés. Cet écart entre le projet initial et le projet réalisé a donc généré des sous-réalisations. Concernant plus spécifiquement les PER du département de l'Aube, il y en avait un seul en seconde génération. Il s'agissait du projet porté par le syndicat mixte d'aménagement rural du bassin de l'Armance intitulé « Fromage de Chaource, renforcer le lien au territoire du produit ». L'investissement annoncé était de 2 820 506 € et l'aide globale sollicitée au titre du PER était de 875 243 € se répartissant en 513 052 € de fonds européens (FEADER) et 362 191 € d'aide au titre national. Sur ce dernier montant, seulement 178 357 € (soit 49 %) ont été engagés et payés. Cette sous-réalisation est liée à une réduction des investissements par réduction du nombre d'entreprises engagées dans le pôle d'excellence. Pour mémoire, lors de la première génération des PER (de 2005 à 2008) il y avait 3 projets dans l'Aube :

Intitulé du pôle

Porteur de projet

L'homme oiseau des Grands Lacs de Champagne

Syndicat mixte du PNR de la forêt d'Orient

Projet culturel et touristique autour des Renoir à Essoyes

Association de développement du Barséquanais

Templier

Parc naturel régional de la forêt d'Orient
Au-delà de ce bilan financier et donc des réalisations concrètes liées aux investissements, les principaux enseignements qui peuvent être tirés des PER concernent les dynamiques territoriales et les procédures. Concernant les dynamiques territoriales, la démarche d'appels à projet avec un cahier des charges strict et un calendrier contraint a généré, de facto, des difficultés pour les porteurs de projet. Si dans certains cas, l'existence de délais très contraints, qui faisaient des PER une opération « coup de poing », a favorisé une mobilisation des acteurs et une synergie entre eux dans de nombreux cas, les porteurs de projet n'ont pas pu déployer l'intégralité de leur projet. Par contre, les projets portés par des opérateurs privés ont été plus facilement pris en compte car moins nombreux. Ce plus faible nombre est à relier au fait que l'exigence de réalisation rapide des investissements imposée par le cahier des charges nécessitait une implication financière du porteur de l'opération ferme, le PER agissant alors comme un accélérateur d'action. Symétriquement, les délais courts ont pénalisé les territoires ne disposant pas de capacités d'ingénierie suffisante. Pour ces territoires en déficit d'ingénierie, il n'a pas été possible de présenter de projet de PER. La solution, un temps envisagée, de procéder à un appel à manifestation d'intérêt qui aurait permis de soutenir certains territoires dans l'élaboration d'un projet, aurait permis de répondre à ce déficit. Cependant, elle générait des délais supplémentaires dans la mise en place de la sélection des PER et a de ce fait été écartée à l'époque. La démarche des PER, en imposant aux porteurs de projet de clarifier leurs choix dans les axes définis par l'appel à projet, a contribué au renforcement du rôle de porteur d'un projet de territoire. Alors que certains établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) venaient de se créer ou de connaitre une modification de leurs périmètres, les PER ont été une (et parfois la première) opportunité de faire connaitre et reconnaitre leur « valeur ajoutée », contribuant ainsi à asseoir leur légitimité. La démarche PER a également été un motif d'accélération et de finalisation d'un projet de territoire, qui était, dans certains cas, en débat depuis longtemps. La nécessité d'inscrire les opérations du PER dans une vision stratégique pour le territoire, imposée par le cahier des charges de l'appel à projets (AAP), s'est révélée particulièrement incitative. Concernant les procédures, les PER ont permis de mettre en place des outils pertinents mais n'ont pas pallié certaines faiblesses structurelles, qu'elles soient inhérentes à l'administration ou spécifiques au dispositif des PER. La procédure de sélection des projets de PER a permis une réelle transparence. L'analyse des dossiers était assurée au niveau départemental (volet technique, faisabilité…) et l'échelon régional permettait d'assurer une homogénéisation des analyses locales. Au niveau national, outre les services, des experts fournissaient des avis de concordance entre les projets et les objectifs du cahier des charges de l'AAP. La décision finale revenait aux ministres, après avis d'une commission multi-partenariale (administration, associations d'élus, parlementaires, professionnels) qui examinait l'ensemble des dossiers déposés. Cette transparence, et le fait que chaque décision de non sélection d'un projet était motivée et notifiée au porteur de projet, a été un élément important pour l'acceptation des décisions. L'identification d'un référent unique dans chaque département assurant l'interface entre les porteurs de projet et l'administration centrale, mais aussi la coordination interministérielle au niveau local a été un gage d'efficacité. Ce référent, souvent un sous-préfet, a permis une réactivité forte et contribué au respect des délais de l'AAP. Les porteurs de PER savaient à qui s'adresser et l'ont fait très largement, permettant ainsi une co-construction du projet de PER. Ces référents ont constitué un apport en conseil aux porteurs de PER et ont été une composante importante du volet indispensable de simplification des démarches (avec un dossier normalisé, déposé une seule fois et dématérialisé). Cette démarche, instituée dès la première génération des PER en 2005, a ainsi directement inspiré la mise en place, en 2016, des sous-préfets « référents ruralité » auprès des préfets. Cependant, cette dynamique départementale des services de l'État, avec un véritable chef de projet, n'a pas permis de pleinement associer les conseils régionaux et conseils départementaux. Au-delà des dimensions politiques, l'imposition d'un cadre défini nationalement, sans concertation avec les acteurs de l'aménagement du territoire que sont les conseils régionaux et les conseils départementaux, et la contrainte des délais n'ont pas permis d'établir une réelle synergie entre l'État et les collectivités. Trop souvent, ils n'ont été appréhendés que sous l'angle de co-financeurs, et non comme de véritables partenaires. Ceci a eu des conséquences sur l'élaboration des plans de financement des investissements des PER, le conseil régional et le conseil départemental n'intervenant que par le biais de leurs politiques préexistantes. La procédure des PER fixait des dates impératives, notamment d'achèvement des travaux. Cette contrainte avait été imposée pour ne pas générer des projets différés ou ne s'achevant que difficilement. Si cette contrainte a été un facteur de succès des PER (cf. supra), elle s'est toutefois révélé difficile à appliquer strictement : 12 % des PER ont nécessité une année supplémentaire pour être achevés. Si la politique des PER a incontestablement renforcé les dynamismes des territoires ruraux et contribué à fédérer les acteurs, le dispositif a révélé des écueils lors de sa mise en œuvre et notamment, sa trop grande rigidité et le manque de souplesse pour les porteurs de projet et une association insuffisante de l'ensemble des acteurs. En outre, le caractère d'appels à projet a contribué à favoriser les territoires qui étaient déjà les mieux structurés et disposant d'une meilleure ingénierie. Ce dispositif n'a donc pas pleinement profité aux territoires ruraux les plus fragiles et n'a pas permis d'inscrire suffisamment les dynamiques amorcées sur un temps long. Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement n'entend pas réactiver les PER. Dans ce domaine, il soutient les contrats de ruralité qui se déploient sur le territoire depuis 2016. En effet, les contrats de ruralité, s'ils s'inspirent de la démarche des PER, permettent de combler les écueils identifiés dans la mise en œuvre des PER. Alors que ce sont près de 500 contrats de ruralité qui ont été conclus depuis le lancement de la démarche et qui ont bénéficié en 2017 d'un soutien financier de l'État de 425 millions d'euros, ce dispositif favorise une démarche plus transversale, plus globale et basée sur des engagements réciproques formalisés dans un contrat. Pour les élus locaux porteurs de projet dans les territoires ruraux, il s'agit d'un dispositif plus souple et qui permet de mieux prendre en compte les besoins du territoire. Il permet de sortir d'une approche uniforme décidée au niveau national pour y substituer une logique d'action « sur-mesure » dans les territoires ruraux et dans laquelle l'État n'est plus prescripteur mais facilitateur et accompagnateur.

Données clés

Auteur : M. Grégory Besson-Moreau

Type de question : Question écrite

Rubrique : Aménagement du territoire

Ministère interrogé : Cohésion des territoires

Ministère répondant : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

Dates :
Question publiée le 2 janvier 2018
Réponse publiée le 15 janvier 2019

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