15ème législature

Question N° 43157
de Mme Emmanuelle Anthoine (Les Républicains - Drôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > agriculture

Titre > Huiles essentielles de lavande et réglementation européenne

Question publiée au JO le : 21/12/2021 page : 8956
Réponse publiée au JO le : 08/02/2022 page : 814

Texte de la question

Mme Emmanuelle Anthoine appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la réglementation à l'étude dans le cadre du Pacte vert européen, qui classifierait les huiles essentielles de lavande comme substances chimiques. La stratégie lancée en décembre 2019 par la Commission européenne pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques « vers un environnement exempt de substances toxiques » vise « à interdire les substances chimiques les plus nocives présentes dans des produits de consommation ». C'est dans ce cadre qu'est envisagée la classification, sans distinction, de l'huile essentielle de lavande comme produit industriel, au prétexte que la fleur subit une transformation. Pour autant, la fabrication des huiles essentielles de lavande n'a rien de chimique et les plantes naturelles ne font l'objet d'aucune manipulation. La transformation des plantes en huiles essentielles est obtenue par le simple procédé de la distillation. La réglementation proposée par la Commission européenne ne se justifie donc pas pour les produits naturels comme les huiles essentielles de lavande et lavandin françaises. Il faut éviter tout amalgame avec les composés chimiques de synthèse. La lavande naturelle est concurrencée par le recours au linalol de synthèse, qui s'oxyde vite et devient allergène. À l'inverse, le linalol extrait de la lavande naturelle ne s'oxyde pas car il est protégé par les 600 autres molécules de la plante. La lavande naturelle pâtirait ainsi de tout amalgame avec les produits de synthèse dont elle se différencie nettement en matière de qualité. Cette réglementation pourrait donc avoir un impact fortement préjudiciable pour les producteurs de lavande et de lavandin français qui cultivent 25 000 hectares dans le pays. Avec eux, c'est tout un pan de l'économie locale des départements de la Drôme, de Vaucluse, des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence et de l'Ardèche qui est menacé. Cette filière est effectivement implantée dans des zones qui offrent peu d'alternatives agricoles. La culture de la lavande se pratique en effet dans des massifs montagneux secs où aucune autre culture n'est possible en remplacement de la lavande. Une telle évolution laisserait donc les territoires concernés économiquement sinistrés. Cette nouvelle réglementation apparaît en outre inopportune alors que les producteurs ont dû s'adapter à la réglementation de l'Union européenne REACH, entre 2014 et 2016, sur la traçabilité et les tests de toxicité des produits sur l'environnement et la santé. Un long travail avait été mené avec la Commission européenne et l'Agence européenne des produits chimiques pour élaborer des lignes directrices spécifiques pour les huiles essentielles. Les producteurs ont dû financer dans ce cadre des études qui leur ont coûté près de 10 000 euros en moyenne. Cette nouvelle réglementation arrive seulement 3 ans après l'enregistrement des derniers dossiers REACH, qui a nécessité des investissements importants. Le risque de voir les huiles essentielles figurer sur la liste noire des produits étiquetés de pictogrammes dissuasifs et anxiogènes est réel pour les producteurs français qui ont eu accès aux documents de travail de la commission. Il est donc vital d'obtenir la reconnaissance des huiles essentielles de lavande et lavandin comme des produits singuliers qui se différencient des produits industriels. Aussi, elle lui demande si le Gouvernement entend intervenir auprès de la Commission européenne pour veiller à ce que les huiles essentielles de lavande ne soient pas considérées comme des substances chimiques et fassent l'objet d'une classification spécifique respectueuse de leur caractère naturel.

Texte de la réponse

Le règlement REACH (Registration, Evaluation, Authorization and restriction of Chemicals) vise à recenser, évaluer et contrôler les substances chimiques fabriquées, importées, mises sur le marché européen. Il oblige ainsi le distributeur et l'utilisateur de substances chimiques à déposer, par le biais de l'enregistrement, un dossier par substance évaluant les risques et les dangers d'un tel produit. Dans ce cadre, cette réglementation concerne dès à présent les huiles essentielles. Toute révision de celle-ci impacte la filière des huiles essentielles de lavande et lavandin. Dans sa stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques, la Commission européenne a annoncé la nécessité de réviser la réglementation REACH. Pour ce faire, elle a publié une feuille de route le 4 mai 2021 qui a fait l'objet de premières discussions fin juin 2021 au sein du CARACAL, comité réunissant les autorités compétentes de tous les États membres. Ce premier stade de discussions est toujours en cours, et la Commission n'a pas encore publié de proposition législative. Dans ces conditions, l'adoption d'une réglementation révisée n'interviendra pas avant le 4e trimestre 2022 au plus tôt. De plus, différentes consultations publiques seront organisées courant 2022 par la Commission sur ces évolutions du règlement REACH et pourront être l'opportunité pour les acteurs de la filière de faire valoir leur positionnement et de présenter leurs propositions. Le Gouvernement sera aux côtés de la filière pour la défendre et assurer sa pérennité. Cette filière fait partie du patrimoine français. La révision de cette réglementation peut susciter des inquiétudes auprès des producteurs de lavande et de lavandin. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation travaille sur ce sujet en lien étroit avec les autres ministères concernés, en particulier le ministère de la transition écologique et le ministère des solidarités et de la santé. Les acteurs de la filière seront régulièrement informés et consultés tout au long du processus législatif européen qui s'annonce, comme cela avait été le cas lors de la précédente révision de la réglementation REACH, afin que les enjeux de la filière soient dûment pris en compte dans l'établissement des positions françaises de négociation dans les enceintes européennes. Une réunion avec les membres de la filière et les ministères concernés s'est tenue le jeudi 9 septembre 2021 et a permis de définir les actions à entreprendre pour défendre la production de lavande. La création d'un comité interministériel, présidé par Patrice de Laurens, directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de Provence-Alpes-Côte d'Azur, a été annoncée lors de cette réunion. Ce comité s'est réuni une première fois le 8 décembre 2021 et associe les ministères concernés et l'ensemble des représentants de la filière.