15ème législature

Question N° 432
de M. André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > agriculture

Titre > Les refus systématique de lever la présomption de salariat pour les agriculteurs

Question publiée au JO le : 04/12/2018
Réponse publiée au JO le : 12/12/2018 page : 13483

Texte de la question

M. André Chassaigne interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les refus systématique de lever la présomption de salariat pour les agriculteurs retraités qui sollicitent une affiliation auprès de la MSA en qualité d'entrepreneurs forestiers, notamment pour des travaux d'abattage. Le motif invoqué est « que la condition de capacité ou d'expérience professionnelle n'est pas satisfaite » alors qu'ils ont exercé, en complément de leur exploitation agricole, une activité d'abatteur pendant plusieurs décennies, prouvée par des relevés de facture. Pourquoi leur opposer dans ce cas une capacité professionnelle insuffisante ? En application du décret n° 2013-528, ils étaient affiliés à la MSA en qualité de « prestation de service-travaux forestiers », reconnus avec un numéro SIRET par la direction générale des impôts au titre de l'activité « abattage d'arbres » et ont été soumis aux différentes cotisations, taxes et impositions comme chefs d'entreprise. Après avoir fait valoir leurs droits à la retraite, ils peuvent pourtant garantir une réelle autonomie de fonctionnement par une inscription au registre du commerce ou par une affiliation à un centre de gestion, condition exigée dans l'article L. 722-33 du code rural. Quant à l'exigence d'être titulaire d'un diplôme dans une option travaux forestiers correspondant au moins au niveau IV, elle est une condition de capacité seulement nécessaire si les conditions d'expérience professionnelle et d'autonomie de fonctionnement ne sont pas remplies. Ces rejets sont particulièrement pénalisants pour ces retraités qui disposent d'une retraite très faible et souhaitent la compléter par une activité réduite, souvent à la demande de leur entourage (petites coupes d'éclaircie, bois de chauffage), parfois à la demande d'entreprises forestières ou scieries quand l'abattage mécanique est impossible. Il sollicite des précisions sur l'application de la législation en vigueur et, si nécessaire, sur la possibilité de la faire évoluer pour que les refus ne soient plus systématiques.

Texte de la réponse

PRÉSOMPTION DE SALARIAT POUR LES AGRICULTEURS RETRAITÉS


M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour exposer sa question, n°  432, relative à la présomption de salariat pour les agriculteurs retraités.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, ma question porte sur le refus systématique de lever la présomption de salariat pour les agriculteurs retraités qui sollicitent une affiliation auprès de la Mutualité sociale agricole, la MSA, en qualité d'entrepreneurs forestiers, notamment pour des travaux d'abattage.

Le motif invoqué est que la condition de capacité ou d'expérience professionnelle n'est pas satisfaite. Pourtant, les intéressés ont exercé pendant plusieurs décennies, en complément de leur activité agricole, une activité d'abatteur, prouvée par des relevés de facture. Pourquoi leur opposer dans ce cas une capacité professionnelle insuffisante ? En application du décret no 2013-528, ils étaient affiliés à la MSA dans le cadre de la prestation de service de travaux forestiers, identifiés par un numéro SIRET pour la direction générale des impôts, au titre de l'activité d'abattage d'arbres, et ont été soumis aux différentes cotisations, taxes et impositions en tant que chefs d'entreprise.

En outre, après avoir fait valoir leurs droits à la retraite, ils peuvent se prévaloir d'une véritable autonomie de fonctionnement par l'inscription au registre du commerce ou par l'affiliation à un centre de gestion, condition exigée à l'article L. 722-33 du code rural.

Quant à l'exigence de possession d'un diplôme dans une option relative aux travaux forestiers d'un niveau correspondant au moins au niveau IV, elle n'est une condition de capacité nécessaire que si les conditions d'expérience professionnelle et d'autonomie de fonctionnement ne sont pas satisfaites.

Ces rejets sont particulièrement pénalisants pour des retraités qui disposent d'une pension très faible et souhaitent la compléter par une activité réduite, répondant souvent à la demande de leur entourage – petites coupes d'éclaircie, bois de chauffage –, parfois aussi aux sollicitations d'entreprises forestières ou de scieries quand l'abattage mécanique est impossible – on manque de bûcherons pour ce type de travaux.

Monsieur le ministre, pouvez-vous me donner des précisions sur l'application de la législation en vigueur et, si nécessaire, sur la possibilité de faire évoluer celle-ci pour que les refus ne soient plus systématiques ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation – que je salue.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le président Chassaigne, il faudra en effet – peut-être serez-vous bien placé pour y veiller – que la législation évolue pour résoudre ce problème. Car depuis la loi du 4 décembre 1985 relative à la gestion, la valorisation et la protection de la forêt, toute personne occupée, moyennant rémunération, à la réalisation de travaux forestiers fait l'objet d'une présomption de salariat. En raison du caractère accidentogène des travaux forestiers – un élément important que l'on ne peut pas laisser de côté –, il s'agit de s'assurer que les personnes travaillant en forêt bénéficient d'une couverture sociale relative aux risques professionnels. Ce n'est que pour les personnes présentant certaines garanties en matière de formation, d'expérience et d'autonomie de fonctionnement que la présomption de salariat est levée et qu'est reconnue la qualité d'entrepreneur de travaux forestier.

Le législateur – vous-même, donc – a également considéré que, par exception, ces conditions étaient réputées satisfaites par les agriculteurs qui souhaitaient trouver un complément de revenu dans la réalisation à titre secondaire de travaux forestiers. Toutefois, dès lors qu'un agriculteur a fait valoir ses droits à pension et a cessé son activité, il ne bénéficie plus de cette exception et se voit appliquer les mêmes exigences cumulatives de capacité ou d'expérience professionnelle et d'autonomie de fonctionnement que toute personne souhaitant exercer la profession d'entrepreneur de travaux forestiers. Dès lors, conformément à la réglementation, les agriculteurs retraités qui souhaitent réaliser des travaux d'abattage en tant qu'entrepreneur de travaux forestiers doivent satisfaire ces conditions.

Je veux souligner qu'en 2017, selon les données de la MSA, le nombre d'accidents du travail dans les exploitations de bois a été très élevé – 84 accidents pour 1 000 exploitants – et que, par ailleurs, dans le secteur agricole en général, les accidents sont particulièrement fréquents chez les exploitants de plus de 60 ans – 37 accidents pour 1 000 exploitants. Particulièrement sensible à cet aspect, je considère que le cadre juridique actuel est adapté et que les compléments de formation ou de qualification prévus sont souhaitables et, surtout, protecteurs. Si vous souhaitez les faire évoluer, il faudra y travailler ; peut-être même le Gouvernement pourrait-il être favorable à cette évolution si vous parvenez à encadrer étroitement le dispositif en matière de sécurité et d'assurances.

Quant aux retraites agricoles, concernant lesquelles vous avez, je le sais, déposé à plusieurs reprises une proposition de loi, c'est dans le cadre de la grande loi que le Haut commissaire Jean-Paul Delevoye prépare avec le Gouvernement que nous pourrons œuvrer à leur augmentation, car elles sont beaucoup trop faibles.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Merci, monsieur le ministre, de votre présence et de votre réponse très précise. Deux remarques, cependant.

Premièrement, en ce qui concerne les retraites agricoles, la future loi ne sera pas rétroactive : le financement des pensions des actuels retraités agricoles continuera de poser un problème même après la réforme des retraites. Mes propositions à ce sujet restent donc tout à fait d'actualité.

Deuxièmement, je vous demande d'adresser une note aux MSA et aux directions départementales des territoires – DDT –, car la législation est appliquée avec une rigueur excessive : des personnes qui ont quarante ans d'expérience et sont en mesure de le prouver par des relevés de facture pourraient tout de même être autorisées à effectuer des travaux d'abattage sans devoir, à 60 ans, refaire un stage de six mois ! La sélection par les MSA doit être revue et les DDT doivent pouvoir émettre des avis favorables.