Question orale n°434 : Prise en charge du patient détenu à Lannemezan

15ème Législature

Question de : M. Jean-Bernard Sempastous (Occitanie - La République en Marche)

M. Jean-Bernard Sempastous attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés rencontrées dans la prise en charge du patient détenu, et plus particulièrement sur la situation des hôpitaux spécialisés de Lannemezan. Au cours de l'année 2017, 11 détenus ont été admis en soins psychiatriques sur décision d'un représentant de l'État (SDRE), pour un total de 82 jours de soins. L'exécution de cette mission exige une mobilisation considérable des ressources humaines de l'hôpital. En effet, la prise en charge des patients détenus a nécessité la réouverture d'une chambre sécurisée et la présence de quatre agents journaliers qui bénéficient du renfort de quatre agents supplémentaires à chaque étape des soins. Cette mobilisation du personnel hospitalier s'accompagne paradoxalement de la fermeture de lits, qui a conduit à la perte de dix-sept agents en 2017. Une rencontre, qui s'est tenue le 1er février 2018 entre la préfecture, l'ARS et les représentants du centre hospitalier de Lannemezan a permis de rendre compte du déséquilibre que la prise en charge des patients détenus cause dans le fonctionnement d'un centre hospitalier en sous-effectif. Cette pénurie humaine a aussi des répercussions considérables sur le plan sécuritaire. En effet, lors de l'admission d'un patient détenu en SDRE, il n'y a ni protection, ni surveillance de la part des forces de l'ordre. Cette situation oblige le personnel paramédical à endosser un rôle de surveillant pénitentiaire pour lequel il n'est pas formé. Poursuivie dans les conditions humaines et financières actuelles, la mission de prise en charge du patient détenu menace l'accomplissement de la mission primaire de l'hôpital qui peine à prendre en charge la santé mentale pour tout le département du 65 et le sud de la Haute-Garonne. Aussi, il lui demande quelle est la position du Gouvernement en ce qui concerne la problématique de la prise en charge du patient détenu.

Réponse en séance, et publiée le 12 décembre 2018

PRISE EN CHARGE DES PATIENTS DÉTENUS
M. le président. La parole est à M. Jean-Bernard Sempastous, pour exposer sa question, n°  434, relative à la prise en charge des patients détenus.

M. Jean-Bernard Sempastous. Madame la ministre de la justice, ma question porte sur les difficultés rencontrées dans la prise en charge des patients détenus au centre hospitalier de Lannemezan, dans ma circonscription – un établissement que vous connaissez bien. Au cours de l'année 2017, les hôpitaux spécialisés de Lannemezan ont admis onze détenus en soins psychiatriques sur décision d'un représentant de l'État –SDRE –, pour un total de quatre-vingt-deux jours de soins. L'exécution de cette mission exige une mobilisation considérable des ressources humaines de l'hôpital : réouverture d'une chambre sécurisée, présence de quatre agents journaliers et renfort de quatre agents supplémentaires à chaque étape des soins. Or cette mobilisation du personnel hospitalier s'accompagne paradoxalement de la fermeture de lits et de la diminution du nombre d'agents : dix-sept agents en moins en 2017.

Les répercussions sont considérables sur le plan sécuritaire. Lors de l'admission d'un patient détenu en SDRE, il n'y a ni protection ni surveillance de la part des forces de l'ordre. La poursuite dans les conditions actuelles de l'accueil des patients détenus menace l'accomplissement de la mission première de l'hôpital, qui peine déjà à prendre en charge la santé mentale dans tout le département des Hautes-Pyrénées et le sud de la Haute-Garonne. Je souhaiterais donc connaître votre position sur ce problème.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, les soins psychiatriques aux personnes détenues relèvent du ministère des solidarités et de la santé. La loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale a, en effet, transféré au service public hospitalier l'organisation et la gestion de la prise en charge sanitaire des personnes détenues. Dans un contexte de forte prévalence des troubles mentaux en détention, dont témoigne le nombre d'hospitalisations psychiatriques de personnes détenues, qui, entre 2009 et 2016, a augmenté proportionnellement plus vite que la population pénale sur la même période – plus 15,3 % contre plus 11 % –, la prise en charge du patient détenu représente un problème réel.

Les personnes détenues souffrant de troubles mentaux peuvent être hospitalisées sans consentement dans trois types de structures : en unité hospitalière spécialement aménagée, UHSA – il en existe neuf sur le territoire, pour un total de 440 places d'hospitalisation ; en unité pour malades difficiles, UMD, lorsque que ces personnes « présentent pour autrui un danger tel que les soins, la surveillance et les mesures de sûreté nécessaires ne peuvent être mis en œuvre que dans une unité spécifique » ; en chambre sécurisée au sein de l'hôpital spécialisé en psychiatrie de secteur. L'hospitalisation en chambre sécurisée des personnes détenues peut toutefois résulter d'un choix par défaut, faute de places en UHSA. Ces dernières présentent une sécurisation renforcée, avec la présence quotidienne de personnel de surveillance pénitentiaire, mais certains établissements pénitentiaires sont éloignés de ces structures, ce qui les oblige à trouver d'autres solutions.

Dans ce contexte, le ministère de la justice et le ministère des solidarités et de la santé ont demandé à l'Inspection générale de la justice et à l'Inspection générale des affaires sociales de réaliser un audit conjoint de ces situations, dont les résultats seront connus dans quelques semaines. De fait, la question de la garde de ces détenus malades – ou de ces malades détenus – ne se pose pas pour les placements en UHSA ou en unité hospitalière sécurisée interrégionale, UHSI, puisque le personnel pénitentiaire assure naturellement ce rôle dans ces établissements. Il en va de même pour les extractions médicales de courte durée, pour lesquelles le cadre normatif confie la fonction de surveillance aux forces de sécurité intérieure. Votre question porte donc essentiellement sur les hospitalisations sur demande d'un représentant de l'État, qui concernent les détenus présentant une certaine dangerosité mais ne pouvant pas faire l'objet d'une affectation en UMD.

Cette question – qui, aux termes de la loi, relève du ministère de la santé – soulève un véritable problème, tout comme celle de la continuité des soins d'une personne détenue qui revient en détention après une hospitalisation. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes récemment rencontrées avec ma collègue Christelle Dubos afin de réfléchir aux meilleures manières de traiter ces différents enjeux difficiles.

Au-delà du rapport sur les UHSA que nous attendons dans quelques semaines, et de l'engagement 21 de la feuille de route pour la santé mentale, qui sera consacré aux personnes détenues, nous allons envisager toutes les solutions pour améliorer la prise en charge psychiatrique des personnes détenues, qui représente un véritable sujet. Cela passe en premier lieu par une plus grande connaissance de la prévalence de ces troubles dans la population carcérale. C'est pourquoi, dès le début de l'année prochaine, nous allons initier une étude scientifique sur cette question pour déterminer combien de personnes relèvent de cette problématique. Dès que cette étude sera réalisée, voire en parallèle, nous allons réfléchir aux solutions concrètes à apporter.

Données clés

Auteur : M. Jean-Bernard Sempastous (Occitanie - La République en Marche)

Type de question : Question orale

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 décembre 2018

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