15ème législature

Question N° 43687
de M. Pierre Dharréville (Gauche démocrate et républicaine - Bouches-du-Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Transformation et fonction publiques
Ministère attributaire > Transformation et fonction publiques

Rubrique > services publics

Titre > Dématérialisation de l'administration et difficultés d'accès au service public

Question publiée au JO le : 18/01/2022 page : 301
Réponse publiée au JO le : 03/05/2022 page : 3073

Texte de la question

M. Pierre Dharréville attire l'attention de Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques sur les effets de la politique de dématérialisation de l'administration sur les usagers des services publics. En effet, le choix du tout-numérique qui a été fait depuis plusieurs années montre ses limites. Il y a tout d'abord un problème d'accès au numérique, soit par défaut d'accès à internet, soit par méconnaissance des outils numériques. Selon l'INSEE, 17 % de la population (soit 13 millions de personnes) n'auraient pas d'accès à internet ou ne sauraient pas utiliser ces outils. Cela touche principalement les plus fragiles, que ce soient les personnes âgées, les non-diplômés ou encore les plus modestes en matière de revenus. Ces facteurs sont d'autant plus importants dans les outre-mer. Toujours selon l'INSEE, « une personne de plus de 75 ans sur deux n'a pas d'accès à internet depuis son domicile (53 %), alors que seuls 2 % des 15-29 ans ne sont pas équipés. C'est également le cas de 34 % des personnes peu ou pas diplômées (contre 3 % des diplômés du supérieur) et de 16 % des ménages les plus modestes (contre 4 % des ménages les plus aisés) ». On peut aussi noter que seulement 13 % des démarches administratives en ligne étaient, en avril 2020, réellement accessibles aux personnes en situation de handicap. Cela revient pour de nombreux usagers à être privés d'accès aux services publics, dont la présence physique se réduit comme peau de chagrin sur tout le territoire, avec des agences qui ferment, des horaires d'ouverture au public rognés, des personnels de moins en moins nombreux. Ce Gouvernement a mis en place une « stratégie nationale pour l'inclusion numérique ». Certes, il est utile de favoriser l'accès à internet et de lutter contre l'illettrisme électronique. Mais cela ne peut pas constituer la seule réponse. Il y a nécessité de repenser cette course en avant vers le tout-numérique, d'autant que même des personnes familières de ces usages se heurtent à des difficultés : situation particulière qui nécessite une explication particulière, besoin d'accompagnement dans une démarche, sans parler des dysfonctionnements techniques qui peuvent survenir. Nombreux sont les concitoyens se retrouvant seuls face à des écrans, seuls face à des standards automatisés. Ils se heurtent en réalité à des murs. Cela peut vite devenir autant d'entraves dans l'accès aux droits et avoir des conséquences très graves sur la vie des personnes, avec des aides suspendues etc. Ce n'est pas acceptable. Aujourd'hui, la nécessité d'une présence humaine pour répondre aux usagers, les conseiller, les aider dans leurs démarches, apparaît clairement. Aussi, il lui demande si des mesures sont prises en ce sens afin de réhumaniser les administrations pour garantir à tous les usagers l'accès aux services publics, avec des services qui regagneraient en qualité.

Texte de la réponse

Le déploiement des services publics numériques de qualité pour les démarches administratives courantes des Français est une priorité du gouvernement. Développer l'accès aux démarches administratives de manière dématérialisée permet d'augmenter la qualité des services, de développer la transversalité dans l'administration, et de réduire les coûts économiques et environnementaux induits par les procédures sous papier. Réussir la transition numérique de l'Etat implique néanmoins de lutter résolument contre l'illettrisme numérique qui touche près de 17% des Français d'après l'INSEE, et proposer systématiquement des alternatives au numérique pour nos concitoyens qui souhaitent faire une démarche au guichet ou bien au téléphone.  1/ Renforcer les compétences numériques et le réseau de la médiation numérique Il s'agit tout d'abord d'accompagner spécifiquement les Français qui ne sont pas à l'aise avec les usages numériques, et notamment, mais non exclusivement, les personnes âgées. La stratégie nationale d'orientation de l'action publique annexée au projet de loi pour un Etat au service d'une société de confiance affirme que « l'administration doit assurer, notamment aux personnes vulnérables ou n'utilisant pas l'outil numérique, des possibilités de communication et de médiation adaptées à leurs besoins et à leur situation ». C'est dans ce cadre que s'inscrit la « Stratégie nationale pour un numérique inclusif ». Elle est exposée dans un rapport largement concerté (rapport-inclusion.societenumerique.gouv.fr). Plusieurs actions ont été mises en œuvre pour lutter contre la fracture numérique : le déploiement national du Pass numérique. Ce dispositif, qui se matérialise par des carnets de plusieurs chèques, donne aux bénéficiaires le droit d'accéder – dans des lieux préalablement qualifiés comme les Caisses d'allocations familiales ou Pôle emploi – à des services d'accompagnement numérique, avec une prise en charge totale ou partielle par un tiers-payeur. Une enveloppe de 22M€ a été mobilisée en 2019 et 2020 afin de former et accompagner 400 000 personnes en difficulté. L'appel à projets Pass numérique vise à soutenir l'achat par les collectivités territoriales de Pass numériques. L'État co-finance jusqu'à 50% des coûts liés à l'achat et au déploiement des Pass numériques sur un territoire. un programme gratuit en ligne (PIX) a été créé afin que les usagers puissent mesurer et développer leurs compétences numériques. https://pix.fr/ La création d'un réseau d'aidants et leur professionnalisation est un enjeu essentiel de la politique d'inclusion numérique. Plusieurs dispositifs ont déjà été mis en place dans ce sens : Un kit à destination des aidants pour accompagner les individus en difficulté a été développé : https://kit-inclusion.societenumerique.gouv.fr/. Il fournit par exemple aux aidants des ressources pour former les usagers aux « 6 indispensables » : créer un courriel, naviguer sur le web, accéder aux services en ligne, se renseigner et connaitre ses droits, réaliser une démarche, et écrire un document. Trois niveaux d'accompagnement ont été définis : urgences numériques (pour ne pas perdre un droit ou une allocation, ou ne pas encourir une pénalité), inclusion numérique (pour gagner en autonomie) et montée en compétences numériques. Une coopérative (Med Num) a été créée pour structurer les acteurs de la médiation numérique et garantir un service de qualité et accessible sur tout le territoire. https://lamednum.coop/ Aidants Connect : Déployé à travers une start-up d'Etat, ce dispositif permet à un aidant numérique de réaliser des démarches administratives en ligne à la place d'une personne ne parvenant pas à les faire seule et de sécuriser la réalisation par un tiers-aidant. https://beta.gouv.fr/startups/aidantsconnect.html Dans le cadre de France relance, 4 000 conseillers numériques accompagneront les Français pour leurs usages numériques, partout sur le territoire. Enfin, dans le cadre de l'initiative Carte Blanche, a été créé Administration +, une plateforme qui met en relation des aidants (comme des travailleurs sociaux) avec des agents d'organismes publics afin de régler les blocages administratifs pour le compte d'usagers. https://beta.gouv.fr/startups/aplus.html Réussir la formation des usagers et des aidants nécessite enfin de renforcer l'information sur les dispositifs existants et de mettre en cohérence l'ensemble des initiatives lancées : Une plateforme a été développée (https://societenumerique.gouv.fr/fr/) pour agréger les ressources. Un espace éditorial a été créé (Le Labo https://societenumerique.gouv.fr/le-labo/) proposant des données et savoirs précis afin de renforcer l'information et la compréhension des usages numériques et orienter les politiques publiques. Un incubateur a été créé pour regrouper l'ensemble des initiatives sur l'inclusion numérique (MedNum, APTIC, Aidants Connect). 2/ Accompagner les usagers dans des lieux de proximité, en laissant le choix aux Français sur leur modalité d'accès au service public La politique de numérisation des échanges entre les usagers et l'administration s'accompagne également de l'ouverture de points d'accueil physique pour les usagers, afin de laisser à tous les Français le choix de leur canal d'échange avec l'administration. Actuellement, plus de 2000 espaces France services sont ouverts regroupant 4000 agents. Ces espaces ont vocation à être des interfaces privilégiées entre les usagers et l'administration en délivrant, en un lieu unique, une offre d'accompagnement personnalisé dans les démarches de la vie quotidienne (aides et prestations sociales, emploi, insertion, retraite, énergie, prévention santé, accès aux droits, mobilité, vie associative etc.). Chaque structure France Services offrira « un accès libre et gratuit à un point numérique, ou à tout outil informatique permettant de réaliser des démarches administratives dématérialisées (imprimante et scanner). Pour les personnes ayant des difficultés avec l'outil informatique, un accompagnement adapté à leurs besoins sera proposé par des « aidants numériques de proximité ». Les Hubs territoriaux : pour accélérer la consolidation de l'offre de médiation numérique sur l'ensemble du territoire et mettre en cohérence les politiques publiques en matière d'inclusion numérique, la Banque des Territoires de la Caisse des Dépôts et la Mission Société Numérique se sont associées pour faire émerger des hubs territoriaux. Ces hubs ont vocation à incarner des têtes de réseau des acteurs de la médiation numérique. https://societenumerique.gouv.fr/fr/dispositif/hubs-numerique/ Par ailleurs, l'accueil téléphonique est disponible aujourd'hui pour plus de 80% des démarches les plus utilisées par les Français. L'objectif du gouvernement est de garantir aux usagers, d'ici fin 2022, que toutes les démarches numériques les plus utilisées par les Français puissent être systématiquement doublées d'un accueil de proximité, dans les espaces France services, et d'un soutien par téléphone. En outre, les préfets ont dû organiser, dans les espaces France services, des réunions entre les associations qui accompagnent les plus vulnérables et les agents France services, pour qu'ils se connaissent et puissent ainsi travailler ensemble. Enfin le programme « Administration proactive » annoncé en CITP par le Premier ministre Jean Castex le 23 juillet 2021. L'objectif de ce programme est d'aller vers une administration qui va au-devant des usagers, pour leur simplifier la vie, mais aussi pour lutter contre le non-recours aux droits et les inégalités d'accès au service public. Plusieurs chantiers sont en cours de déploiement à travers le territoire (par exemple : l'attribution automatique de la complémentaire santé solidaire (C2S) aux bénéficiaires du RSA et aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées). La loi « 3DS », récemment adoptée par le Parlement, donne les outils à l'État pour aller encore plus loin dans cette démarche, en autorisant l'échange d'informations entre les différentes administrations. 3/ Accompagner les administrations centrales et locales dans la numérisation de leurs démarches tout en veillant à l'accessibilité des démarches proposées en ligne La DINUM accompagne quotidiennement les ministères dans la dématérialisation de leurs démarches en priorisant celles qui sont le plus utilisées par les citoyens. Une attention particulière est portée sur l'expérience utilisateur et le parcours des usagers. Un tableau de bord de ces démarches est tenu à jour, l'Observatoire de la qualité des démarches en ligne. La DINUM est également à l'origine de cadres de références à destination des administrations pour les aider à assurer la qualité de leur démarche dématérialisée. On compte par exemple les « 10 principes d'une démarche en ligne exemplaire » ou encore le Référentiel général d'amélioration de l'accessibilité. Dans le cadre du plan France Relance, une enveloppe de 32M€ a été allouée à la dématérialisation des démarches administratives de l'État. En s'inspirant des dispositifs mis en place par le ministère de la Transformation et de la Fonction Publique (EIG et Startups d'Etat), des experts en mode commando (développeurs, designers, data-scientists, juristes, etc) sont déployés au sein des administrations porteuses des démarches de l'observatoire pour améliorer leur expérience et atteindre les objectifs fixés à 2022. Un guichet a été ouvert pour orienter les administrations vers les dispositifs les plus pertinents et leur proposer un cofinancement égal à 75% du coût du projet. Il s'effectuera soit via la mise à disposition de prestations (designers, développeurs, juristes, chercheurs usagers, rédacteurs UX, mentors en management produit), soit via la mise à disposition de ressources financières. Trente-six projets bénéficient actuellement de ce financement. Afin de lutter durablement contre l'illectronisme, la DINUM s'est aussi engagée dans une politique d'amélioration de « l'expérience utilisateur » visant à faire progresser la qualité des démarches administratives. Pour cela, elle a : Développé un bouton « Je donne mon avis » à la fin de chaque démarche, qui permet aux utilisateurs d'exprimer leur avis sur une démarche dématérialisée. Le déploiement commence et va s'intensifier dans les mois à venir pour couvrir les 250 démarches phares de l'État. En utilisant l'agrégateur d'identités numériques FranceConnect, l'usager bénéficie d'échanges automatiques de données entre administrations, avec par exemple le préremplissage des formulaires. la création de la plateforme Services Publics + où l'on peut raconter son expérience de démarche administrative et obtenir une réponse ; Une amélioration constante de l'accessibilité numérique En octobre 2020, l'observatoire de la qualité des démarches en ligne montrait que seules 11% des 250 démarches en ligne les plus utilisées par les Français étaient accessibles aux publics porteurs de handicaps, contre 20% en octobre 2021, et 37% en janvier 2022. Parmi ces démarches figurent : « gérer mon prélèvement à la source » ou encore « déclaration de loyer pour l'aide au logement ».  L'accompagnement proposé par la DINUM aux ministères et opérateurs de l'État porte ses fruits : (i) le recrutement et déploiement au sein des ministères d'experts en design, développement, accessibilité et recherche utilisateur apporte des résultats concrets et (ii) la sensibilisation et les formations gratuites au design et à l'accessibilité numérique proposées aux ministères.