15ème législature

Question N° 43701
de M. Pierre Morel-À-L'Huissier (UDI et Indépendants - Lozère )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, finances et relance
Ministère attributaire > Comptes publics

Rubrique > administration

Titre > Évaluations France Domaine et notariat

Question publiée au JO le : 25/01/2022 page : 448
Réponse publiée au JO le : 22/02/2022 page : 1170
Date de changement d'attribution: 01/02/2022

Texte de la question

M. Pierre Morel-À-L'Huissier attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur les délais de réponse exorbitants de « France Domaine » dans les évaluations souhaitées en matière immobilière par les collectivités locales. Ces services qui étaient départementaux sont devenus pour la plupart régionaux. Outre la durée, il apparaît une méconnaissance et donc des évaluations erratiques dans un certain nombre de départements notamment ruraux. Il lui demande de lui préciser si cette situation ne devrait pas conduire à confier au notariat l'évaluation des biens des collectivités locales en matière de mutation ou d'échange en lieu et place de « France Domaine ».

Texte de la réponse

La mission de contrôle des valeurs des opérations immobilières des collectivités publiques, assurée par services de la direction générale des finances publiques (DGFIP) en charge de l'évaluation domaniale, répond à plusieurs objectifs : garantir la transparence des transactions immobilières des collectivités publiques ; garantir la réalisation de ces opérations à un prix conforme au marché immobilier et permettre ainsi la maîtrise de la dépense publique et l'optimisation de la recette publique ; assurer l'égalité des citoyens devant les acquisitions publiques. Ce service qui est gratuit n'est pas une simple prestation de service mais une réelle mission régalienne de contrôle des conditions financières des opérations immobilières des collectivités publiques. Cette mission protège ainsi les intérêts financiers de la puissance publique et des contribuables, tout en éclairant la prise de décision de l'assemblée délibérante. Cette mission ne peut relever que de l'État et ne saurait être assurée par d'autres. La mission d'évaluation immobilière est ainsi assurée par 442 évaluateurs répartis sur 59 pôles d'évaluation domaniale (PED), les brigades régionales IDF et la brigade nationale (pour les biens exceptionnels) de la direction nationale d'intervention domaniale (DNID). Les PED sont regroupés, depuis le 1er septembre 2017, en 59 pôles supra-départementaux (maillage territorial plus dense que le niveau régional) pour remédier à l'émiettement géographique des évaluateurs, préjudiciable à la continuité et l'efficacité, sur l'ensemble du territoire, de cette mission d'expertise. La finalité de cette réorganisation est de disposer ainsi d'un niveau d'expertise accru de ces services désormais dotés de la taille critique nécessaire, en nombre d'agents et de dossiers, pour maîtriser l'ensemble des méthodes d'évaluation immobilière. L'affirmation d'une méconnaissance du territoire n'est donc pas partagée, le service public du Domaine est en capacité d'assurer la mission d'évaluation de façon équitable sur l'ensemble du territoire national. Dans ce cadre, le PED émet un avis sur la valeur, dès lors que le dossier de saisine est complet et que la collectivité a défini son projet immobilier (lorsque la poursuite d'usage n'est pas envisagée ou envisageable), dans le délai d'un mois conformément aux dispositions de l'article L. 1311-12 du code général des collectivités territoriales. L'évaluation aboutit à la détermination d'une valeur vénale ou locative, éventuellement assortie d'une marge d'appréciation et non d'un prix comme pourrait l'établir un expert, agent immobilier ou notaire en fonction de sa connaissance de l'offre et de la demande sur le marché immobilier. Le prix est un montant sur lequel s'accordent deux parties ou qui résulte d'une mise en concurrence alors que la valeur n'est qu'une probabilité de prix fondée sur l'observation des mutations constatées sur le marché immobilier local ou sur l'analyse des données du projet au regard d'opérations similaires. Elle est déterminée de manière objective et impartiale afin de répondre au principe constitutionnel de protection de la propriété publique (cessions) ainsi que des deniers publics (acquisitions/prises à bail). Au cours de ces 3 dernières années, les évaluateurs ont traité en moyenne plus de 80 000 dossiers d'évaluation par an. L'année 2021 a, par ailleurs, été marquée par une forte augmentation de la charge liée au report des projets suite à la crise sanitaire mais aussi aux élections municipales. Malgré tout, le taux de réponse dans le délai d'un mois s'est très peu dégradé. En effet, le respect de ce délai de réponse constitue, à la DGFIP, un indicateur statistique de mesure de la performance. Il s'agit de l'indicateur FD-13 « Taux de respect du délai d'un mois, hors délais négociés, pour la réponse aux demandes d'évaluations réglementaires ». Depuis plusieurs années, la cible nationale proposée aux PED est fixée à 92 %. Les résultats obtenus au titre des années 2019, 2020 et 2021 sont respectivement de 92,55 %, 92 % et 91,67 %. Au regard de ces éléments, l'affirmation de non-respect des délais n'est pas partagée. Néanmoins, il est observé que, dans le cadre de certains projets importants ou complexes, le délai d'un mois peut s'avérer trop court pour permettre une instruction plus approfondie et documentée de l'évaluation demandée. Il est alors recommandé aux PED de prendre contact avec le consultant avant l'expiration du délai réglementaire, afin de convenir, en accord avec lui d'un délai supplémentaire voire d'un calendrier permettant la notification échelonnée des avis lorsque l'opération conduite par la collectivité comprend plusieurs phases. Certaines évaluations complexes sur des biens spécifiques et à enjeux nécessitent parfois la mise en œuvre de plusieurs méthodes d'évaluation. Si la méthode comparative est la plus couramment utilisée, de plus en plus de dossiers nécessitent la mise en œuvre de méthodes plus complexes tels que la méthode par le compte à rebours ou des méthodes financières (cash flow). La mise en œuvre de ces méthodes requiert des compétences spécifiques, compétences que ne détiennent pas les notaires qui recourent essentiellement à la méthode comparative. Néanmoins, le nombre de plus en plus élevé de demandes d'avis conduisent la DNID, direction à compétence nationale chargée du pilotage des PED, à mener des actions et réflexions sur l'allègement de la charge des PED comme sur le rehaussement des seuils de consultation (désormais de 180 K€ en matière d'acquisition depuis 2017). Le recours à l'intelligence artificielle pour certaines évaluations de maisons ou appartements depuis deux ans a également pour objectif de contribuer à réduire la charge des PED qui peuvent davantage se consacrer aux évaluations à enjeux. La qualité des évaluations constitue un enjeu majeur pour la DGFIP et les cas de contestation demeurent rares. Néanmoins, afin de la pérenniser et pour s'assurer que les principaux risques sont bien maîtrisés, la DNID a déployé, au cours de ces 5 dernières années, un certain nombre d'outils pour mieux organiser et documenter les travaux des évaluateurs et ainsi renforcer la qualité de leurs évaluations : création d'ISE (info service évaluation), refonte de la formation professionnelle, enrichissement de la documentation avec la publication du guide de l'évaluateur, de fiches techniques, refonte de l'outillage des évaluations pour un traitement et suivi des dossiers plus efficace et un pilotage de l'activité plus efficient, revue qualité des évaluations (examen a posteriori, à partir d'un échantillon, de la qualité des dossiers d'évaluation domaniale des PED par la DNID dans un but pédagogique). Par ailleurs, afin d'améliorer la relation avec les consultants, un certain nombre d'outils ont été mis en place ces 3 dernières années : la dématérialisation de la procédure de consultation du Domaine via la plateforme « démarches-simplifiées.fr » ; l'expérimentation de l'avis-rapport (avis domanial enrichi d'informations jusque-là non communiqués sauf à la demande du consultant) permettant au consultant de disposer de tous les éléments ayant permis à l'évaluateur de déterminer la valeur ; ou encore, la démarche de confiance instaurant un réel partenariat avec le consultant à travers la mise en place de barème sur des opérations et biens spécifiques. Ces outils s'inscrivent dans une démarche de transparence et de partenariat. Il n'est donc pas envisagé que la DGFIP confie au notariat l'évaluation des biens des collectivités locales en lieu et place des PED. Au contraire, la DGFIP s'attache à développer ses liens et sa transparence auprès des collectivités, ainsi qu'au renforcement de la mission, de son organisation pour garantir le même niveau de qualité de service sur tout le territoire et la cohérence de ses méthodes.