justice du droit d'asile
Question de :
M. Sébastien Nadot
Haute-Garonne (10e circonscription) - Libertés et Territoires
Question posée en séance, et publiée le 6 octobre 2021
JUSTICE DU DROIT D'ASILE
M. le président. La parole est à M. Sébastien Nadot.
M. Sébastien Nadot. Ma question s'adresse au ministre de la justice, garde des sceaux. Les avocats qui défendent les demandeurs d'asile se sont mis en grève depuis hier et protestent devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Je m'y suis rendu ce matin pour les rencontrer et les entendre. Ils dénoncent la dégradation inacceptable de la justice rendue par la CNDA.
La justice du droit d'asile s'industrialise, par manque de moyens et par souci de gérer les stocks de demandes, en perdant de vue le fait qu'il ne s’agit pas d'un contentieux anecdotique, mais de femmes et d'hommes qui ont tout quitté et tout risqué parce qu'il ne leur était plus possible de vivre en sécurité dans leur pays d'origine. Les femmes et les hommes qui se présentent devant le prétoire de la CNDA jouent tout simplement leur vie. La France se doit de leur accorder une justice à la hauteur de cet enjeu.
Or elle ne le fait plus : de plus en plus souvent, la CNDA recourt au rejet des demandes d'asile par ordonnance, sans même auditionner le demandeur d'asile ni lui donner la parole. On demande aux rapporteurs de faire toujours plus bref, pour économiser du temps. Les audiences, lorsqu'elles ont lieu, sont raccourcies, pour économiser du temps. L'analyse de la situation géopolitique du pays d'origine du demandeur d'asile est de plus en plus superficielle, pour économiser du temps.
Mais le temps, c'est la dignité humaine. C'est la mesure de la considération que la France accorde – ou pas – à ces femmes et à ces hommes qui sont venus chercher chez nous l'asile, ce droit infiniment précieux. La crise de la dignité humaine qui se répand en France et touche durement la justice, je l’ai vue partout où je me suis rendu dans le cadre des déplacements de la commission d'enquête sur les migrations que j'ai l'honneur de présider au nom du groupe Libertés et territoires.
Acceptez-vous une telle situation en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT. – Mme Mathilde Panot applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne.
M. Marc Fesneau, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne. Je vous prie d'excuser l'absence du garde des sceaux qui, comme vous le savez, a dû se rendre dans la Sarthe. Je vous répondrai en droit et en chiffres.
En droit, l'article L. 532-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les présidents des chambres de la CNDA peuvent statuer par ordonnance sur certaines demandes. Ils peuvent notamment rejeter « les demandes qui ne présentent aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision d'irrecevabilité ou de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides », l'OFPRA. La procédure de rejet par ordonnance est encadrée : le rapporteur instruit l'affaire et propose au président son rejet par ordonnance. Celle-ci est motivée et susceptible de recours. Le choix de recourir à cette procédure revient à des magistrats indépendants. Il n'appartient pas au garde des sceaux ni à moi-même de commenter des décisions de justice. Contrairement à ce que vous prétendez, les affaires jugées par ordonnance ne sont pas bradées : elles sont jugées par un magistrat professionnel indépendant, après instruction de l'affaire. Quand un magistrat a jugé qu'il n'était pas nécessaire d'appeler l'affaire à une audience compte tenu des éléments du recours, il ne nous appartient pas de commenter une telle décision.
Pour ce qui est des chiffres, la proportion des ordonnances dans l'activité de la Cour reste stable depuis trois ans : celles-ci représentent environ un tiers des affaires jugées par la CNDA. Ce chiffre n'a pas augmenté pendant les huit premiers mois de l'année 2021, alors même que le nombre de recours devant la CNDA connaît une augmentation très sensible. Je signale en outre que, contrairement à ce que vous indiquez, les moyens de la Cour ont été continûment et très fortement renforcés – pas seulement par ce gouvernement, d'ailleurs. Étant donné que c'est moi qui m'occupe de ce dossier, je peux l'affirmer en connaissance de cause.
Enfin, vous évoquez la temporalité des jugements. Permettez-moi de dire ce qui, en la matière, me paraît relever d'un manque d'humanité : c'est le fait de laisser des personnes attendre des mois, voire des années, avant de statuer. Ce n'est pas parce que l'on statue rapidement que l'on ne respecte pas les droits, dès lors que les décisions sont prises avec professionnalisme, comme le font les magistrats de la CNDA. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Sébastien Nadot.
M. Sébastien Nadot. Même si vous n'êtes pas ministre de la justice, votre avis m'intéresse : comment les personnes LGBTI demandeuses d'asile peuvent-elles convaincre un juge de leur orientation sexuelle sans lui parler ?
Auteur : M. Sébastien Nadot
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Réfugiés et apatrides
Ministère interrogé : Relations avec le Parlement et participation citoyenne
Ministère répondant : Relations avec le Parlement et participation citoyenne
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 octobre 2021