Stages et apprentissage pour les mineurs de moins de 16 ans
Question de :
M. Jean Terlier
Tarn (3e circonscription) - La République en Marche
M. Jean Terlier attire l'attention de Mme la ministre du travail sur les stages et les apprentissages dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie. La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a assoupli le cadre juridique applicable aux mineurs salariés âgés d'au moins 16 et de moins de 18 ans qui sont embauchés soit sous contrat d'apprentissage, soit sous contrat de professionnalisation. Désormais donc, tout exploitant d'un établissement qui comporte un débit de boissons à consommer sur place, qui souhaite accueillir un mineur de plus de 16 ans, sous réserve qu'il s'agisse d'un élève d'un lycée professionnel, d'un apprenti ou d'un salarié titulaire d'un contrat de professionnalisation, doit obtenir au préalable un agrément préfectoral. Cette interdiction-dérogation vise ainsi tous les chefs d'établissement titulaire de la licence III ou IV ou de la « petite licence restaurant » ou de la « licence restaurant » (cafés, bars, brasseries, restaurants, discothèques). In fine, tous les établissements relevant de l'industrie hôtelière ou de la restauration. Pour autant, si aujourd'hui un mineur de plus de 16 ans révolus peut, dans un établissement relevant de l'industrie hôtelière ou de la restauration, être affecté en salle, à la réception ou au ménage des chambres, sans qu'un agrément ne soit nécessaire et en service de bar sous condition d'agrément, il n'en demeure pas moins que ce nouveau dispositif exclut tout jeune atteignant l'âge de 15 ans entre la rentrée scolaire et le 31 décembre de l'année civile même si l'établissement formateur a reçu l'agrément et même si ce jeune s'inscrit dans un parcours personnalisé de formation appliqué à l'élève sortant de troisième ou se forme dans le cadre de la conclusion d'un contrat d'apprentissage. Cette interdiction est non seulement absolue, mais elle s'entend pour tous les établissements de débit de boisson ainsi que pour tout établissement ayant ce caractère, peu importe qu'il n'ait pas pour activité exclusive ou principale la vente de boissons alcoolisées. À cette première exclusion aujourd'hui insurmontable, se cumule celle relative aux conditions d'emplois des jeunes mineurs. Le jeune ne peut pas travailler de manière ininterrompue plus de 4 heures et demie, le travail de nuit est totalement interdit entre 22 heures et 6 heures pour les jeunes âgés de moins de 18 ans, même si à titre exceptionnel, une dérogation à l'interdiction du travail de nuit pour une durée maximale d'une année peut être accordée de 22 heures à 23 heures 30. Ces contraintes sont en général parfaitement incompatibles avec une répartition effective du temps de travail, et notamment avec les heures dédiées à la réception de la clientèle dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie. Il est évident qu'il faut s'assurer que les conditions d'accueil et d'emploi du jeune travailleur soient de nature à assurer sa santé, sa sécurité et son intégrité physique ou morale avant d'agréer. Le cadre juridique poursuit cet objectif, et cela est très bien. Mais l'absence totale de souplesse laisse un pan de jeunes adolescents qui se voient, pour être nés en fin d'année, entre la rentrée scolaire et le 31 décembre de l'année civile, écartés du dispositif et bien souvent en souffrance de devoir faire une année scolaire en cursus classique supplémentaire. Aussi, il souhaiterait savoir si le Gouvernement entend réfléchir à définir la condition dérogatoire de l'âge à l'année civile plutôt que scolaire, et à défaut, ce qu'il envisage de proposer comme alternative à tous ces jeunes gens qui, bien que motivés, se trouvent empêchés par leur jeune âge, pour quelques semaines ou seulement quelques jours.
Réponse en séance, et publiée le 12 décembre 2018
APPRENTISSAGE DES MINEURS DANS L'HÔTELLERIE ET LA RESTAURATION
M. le président. La parole est à M. Jean Terlier, pour exposer sa question, n° 437, relative à l'apprentissage des mineurs dans l'hôtellerie et la restauration.
M. Jean Terlier. Madame la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a assoupli les conditions d'accueil en milieu professionnel des jeunes mineurs âgés d'au moins 16 ans sous contrat d'apprentissage et sous contrat de professionnalisation. Désormais, ces jeunes peuvent être affectés dans un établissement hôtelier ou de restauration en salle, à la réception ou au ménage des chambres.
Le cadre juridique doit garantir que les conditions d'accueil et d'emploi du jeune mineur sont de nature à assurer sa santé, sa sécurité et son intégrité physique ou morale.
C'est à la lumière de cet objectif important que nous comprenons l'exigence de l'agrément préfectoral préalable pour tous les établissements formateurs titulaires de la licence III ou IV ou de la petite licence restaurant, que la vente de boissons alcoolisées soit ou non leur activité principale. De même, nous admettons la nécessité d'encadrer l'activité salariée des mineurs. Le jeune ne peut pas travailler de manière ininterrompue plus de quatre heures et demie ; le travail de nuit est totalement interdit entre vingt-deux heures et six heures pour les jeunes âgés de moins de 18 ans, même si à titre exceptionnel, une dérogation à l'interdiction du travail de nuit pour une durée maximale d'une année peut être accordée de vingt-deux heures à vingt-trois heures trente.
Pourtant, il nous faut le reconnaître, l'absence totale de souplesse limite le vivier des entreprises formatrices dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie dans lequel les contraintes d'emploi des mineurs sont parfaitement incompatibles avec une répartition effective du temps de travail, notamment avec les heures dédiées à la réception de la clientèle.
L'obligation d'être âgé de 16 ans révolus au minimum en début d'année scolaire écarte de nombreux jeunes nés en fin d'année, qui bien souvent souffrent de devoir faire une année scolaire supplémentaire en suivant le cursus classique, qu'ils assimilent à une perte de temps.
Aussi, madame la secrétaire d'État, le Gouvernement envisage-t-il une dérogation permettant de considérer l'âge au regard de l'année civile et non scolaire ? À défaut, quelles solutions compte-t-il proposer à tous ces jeunes gens motivés qui se trouvent empêchés par leur jeune âge, pour quelques semaines ou seulement quelques jours ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées. Veuillez excuser l'absence de Muriel Pénicaud. Le Gouvernement est particulièrement sensible aux conditions de travail et d'emploi des jeunes de moins de 18 ans et à la prévention des risques auxquels ils peuvent être exposés dans le cadre de leur milieu professionnel.
Selon votre interprétation, les nouvelles dispositions issues de l'article 15 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel seraient inadaptées aux jeunes âgés de moins de 16 ans qui souhaitent être recrutés en apprentissage ou effectuer un stage dans le secteur des hôtels, cafés, restaurants.
Or, tel n'est pas le cas, bien au contraire. En effet, les nouvelles dispositions ont justement mis fin au principe général d'interdiction d'emploi ou d'accueil en stage de tout mineur de moins de 16 ans dans un établissement relevant de la catégorie des débits de boissons. Désormais, si l'article L. 4153-6 du code du travail pose le principe d'interdiction d'emploi ou d'accueil en stage des mineurs affectés au service au bar dans un établissement relevant de la catégorie des débits de boissons à consommer sur place, il aménage des dérogations pour les mineurs âgés de 16 à 18 ans, qui peuvent être employés dans un établissement de débits de boissons au service du bar pour les besoins de leur formation professionnelle, sous réserve que l'établissement qui les accueille se soit vu délivrer un agrément préfectoral.
Par ailleurs, s'agissant précisément des mineurs âgés de moins de 16 ans, ils peuvent aujourd'hui, en application des nouvelles dispositions issues de la loi précitée, conclure un contrat d'apprentissage pour effectuer une période de formation pratique au sein d'un établissement, à la seule condition de ne pas être affectés au service du bar dans le cadre de leur formation.
Ainsi un jeune âgé de 15 ans au moins peut désormais conclure un contrat d'apprentissage dans le secteur des hôtels, cafés, restaurants et effectuer par exemple son stage pratique en entreprise à la réception d'un hôtel. Cependant, les règles en matière de durée du travail applicables aux jeunes de moins de 18 ans, et notamment celles relatives au travail de nuit, devront être respectées.
Ainsi, la nouvelle réglementation relative aux conditions d'accueil des jeunes dans un établissement relevant de la catégorie des débits de boissons à consommer sur place répond à votre préoccupation d'instaurer une certaine souplesse dans le dispositif, tout en garantissant un niveau d'exigence quant aux conditions de travail des jeunes.
M. le président. La parole est à M. Jean Terlier.
M. Jean Terlier. Je vous remercie pour cet éclairage, madame la secrétaire d'État. J'ai pris note de la petite subtilité que je n'avais pas perçue dans l'application de la loi que nous avons votée.
Auteur : M. Jean Terlier
Type de question : Question orale
Rubrique : Formation professionnelle et apprentissage
Ministère interrogé : Travail
Ministère répondant : Travail
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 décembre 2018