Taxonomie et la labellisation verte du gaz comme énergie de transition
Question de :
M. André Chassaigne
Puy-de-Dôme (5e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. André Chassaigne interroge M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes, sur la taxonomie et la « labellisation verte » du gaz comme « énergie de transition ». En intégrant le gaz à la taxonomie européenne, l'Union européenne encourage les investissements dans ce secteur fortement émetteur de gaz à effet de serre. Ce compromis fait à de nombreux États va contribuer à prolonger des systèmes électriques fortement émetteurs de CO2, même si la substitution du charbon par le gaz va mécaniquement faire baisser les émissions de ces pays. De plus, inclure le gaz dans la taxonomie, ce n'est pas seulement accroître la dépendance de la France à une énergie carbonée dans la production d'électricité, mais c'est aussi devenir de plus en plus dépendant du gaz russe, principal fournisseur et exposer le pays à des risques géopolitiques aux conséquences importantes pour l'Union européenne. Au regard de ces arguments, il souhaite savoir quelle est la position défendue par la France et connaître son appréciation sur les effets géopolitiques et climatiques de cette décision.
Réponse publiée le 26 avril 2022
La Commission européenne a communiqué à l'ensemble des Etats membres un projet d'acte délégué complémentaire concernant la taxonomie européenne, pour lequel un règlement existe depuis juin 2020. La Commission européenne a ensuite communiqué le 2 février 2022 un projet final d'acte délégué complémentaire prenant en considération les observations des Etats membres. La période de non-objection a commencé début mars et durera entre 4 et 6 mois. Ce projet permet l'inclusion de l'énergie nucléaire dans la taxonomie en tant qu'énergie bas carbone – et du gaz en tant qu'énergie de transition. Deux régimes distincts existent : un régime propre aux énergies renouvelables, excluant de facto ces deux énergies ; un régime relatif uniquement aux énergies de transition, qui concerne désormais l'énergie nucléaire et le gaz naturel. Concernant l'énergie nucléaire, cette décision est cohérente avec le principe de neutralité technologique et la liberté des Etats membres de déterminer leur bouquet énergétique ; liberté expressément prévue par les traités européens. La décision de la Commission européenne répond à une logique et à un raisonnement que la France, en s'appuyant sur des faits et éléments scientifiques, porte depuis le début des discussions : l'énergie nucléaire a une très faible intensité carbone et elle a fait l'objet au niveau européen d'un examen scientifique tout à fait transparent. De nombreuses études conduites par des experts indépendants – y compris ceux de la Commission européenne – ont conclu que le nucléaire n'est pas une énergie plus risquée que celles déjà incluses dans la taxonomie. Son rôle d'énergie « bas carbone » est donc désormais reconnu ainsi que sa contribution à la lutte contre les changements climatiques. L'inclusion de l'énergie nucléaire dans la taxonomie verte a toujours été soutenue au plus haut niveau politique français, le Président de la République s'étant à plusieurs reprises exprimé sur ce sujet, y compris au sein du Conseil européen. En revanche, l'inclusion du gaz naturel n'a été ni une priorité, ni une demande des autorités françaises, qui considèrent unanimement cette énergie comme une énergie fortement émettrice. Son inclusion a ainsi été demandée par de nombreux Etats membres, la Commission décidant finalement de proposer un compromis permettant son inclusion, en tant qu'énergie de transition et sous réserve du respect de plusieurs critères. La France a exprimé à plusieurs reprises ses réserves quant à l'inclusion du gaz dans la taxonomie. A court terme cependant, elle constitue un moyen pour plusieurs Etats membres de réduire rapidement et efficacement leurs émissions de gaz à effet de serre – par exemple en réduisant la part d'énergie produite grâce au charbon – avant le développement de sources d'énergies décarbonées (nucléaire, hydrogène) et renouvelables. Elle devient donc une énergie de transition dans la classification européenne, ce qui est un choix pragmatique et de bon sens eu égard à la composition des mix énergétiques de nombre de nos partenaires européens, qui ne pourront se passer du gaz à très court terme. Surtout, cette inclusion est conditionnée à des critères environnementaux rigoureux, avec notamment un seuil maximum d'émissions. La Commission européenne a été chargée par l'ensemble des Etats membres de présenter des plans et des stratégies à plusieurs horizons pour réduire dès à présent la dépendance de l'Union européenne à l'égard du gaz russe. Ces initiatives prennent différentes formes : diversification de nos approvisionnements, développement plus massif et plus rapide des énergies renouvelables et décarbonées dont l'énergie nucléaire, constitution de stocks plus robustes en amont de l'hiver, négociations et achats groupés. La France, en cohérence avec ses objectifs climatiques ainsi que sa volonté de renforcer l'indépendance et la souveraineté énergétiques de l'UE, soutient pleinement l'ensemble des initiatives allant dans cette direction.
Auteur : M. André Chassaigne
Type de question : Question écrite
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Affaires européennes
Ministère répondant : Affaires européennes
Dates :
Question publiée le 1er février 2022
Réponse publiée le 26 avril 2022