15ème législature

Question N° 44026
de M. Julien Borowczyk (La République en Marche - Loire )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > droits fondamentaux

Titre > Cadre légal des arrestations lors de manifestations

Question publiée au JO le : 08/02/2022 page : 759
Réponse publiée au JO le : 29/03/2022 page : 2115

Texte de la question

M. Julien Borowczyk interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le cadre légal des arrestations lors de manifestations. Des associations de défense de droits de l'homme remettent en cause les critères sur lesquels se fondent certaines arrestations et gardes à vue. Il n'est pas rare que des interpellations aient lieu lors de manifestations notamment lorsqu'il y a un attroupement, une suspicion de préparation de violences, refus de dispersion, etc. Or ces motifs d'interpellation, laissés à l'appréciation des forces de l'ordre, ne permettent pas toujours de présenter la matérialité des faits. En effet, il est parfois difficile pour les forces de l'ordre de récolter suffisamment d'éléments probants sur le moment, alors qu'ils doivent réagir vite. Il en est de même pour les mis en cause, qui peuvent être en désaccord avec les motifs invoqués, qui sont, de fait, soumis à interprétation. Afin d'assurer une meilleure sécurité juridique, il serait peut-être plus aisé d'inscrire dans la loi un faisceau d'indices permettant de justifier les motifs d'arrestation tels que les attroupements et la suspicion de préparation de violences. Il souhaite donc connaître sa position sur ce sujet.

Texte de la réponse

Les règles permettant une arrestation à l'occasion d'une manifestation s'inscrivent dans le cadre légal plus général de l'enquête de flagrance, fondée sur l'urgence visant à recueillir des indices dès que le crime ou le délit est constaté. L'enquête de flagrance s'articule, en indiquant la nécessité pour les forces de l'ordre en présence de « réagir vite », autour d'une finalité immédiate, la manifestation de la vérité judiciaire. L'article 53 du code de procédure pénale (CPP) définit ainsi le crime et délit flagrant comme celui « qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l'action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique ou est trouvée en possession d'objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu'elle a participé au crime ou au délit ». Compte tenu de l'urgence et des contraintes opérationnelles liées à la situation de flagrance, l'article 73 du CPP confie aux fonctionnaires de police, aux militaires de la gendarmerie, mais également à tout citoyen, la possibilité d'appréhender un suspect, y compris en ayant recours à la coercition, afin de le conduire devant un officier de police judiciaire. Ce dernier sera alors, conformément au droit applicable en enquête de flagrance ou préliminaire, seul compétent pour décider du placement en garde à vue de la personne concernée. Il doit toutefois être souligné que le placement en garde à vue répond à des conditions strictes et ne pourra être décidé, conformément à l'article 62-2 du CPP, qu'à l'encontre d'une personne contre laquelle « il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement ». En outre, cette mesure de garde à vue ne peut être décidée que dans le respect de finalités bien précises. Elle doit ainsi être l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs suivants : - permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ; - garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête ; - empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ; - empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ; - empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices ; - garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit. Si ces conditions ne sont pas remplies, la personne présentée à l'officier de police judiciaire doit être laissée libre. Le placement en garde à vue est donc entouré de strictes garanties lors de sa mise en œuvre. Dans son exécution, cette mesure est par ailleurs placée, conformément aux dispositions de l'article préliminaire du CPP, sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire. A ce titre, et au visa de l'article 62-3 du CPP, le procureur de la République peut mettre fin à la mesure de privation de liberté à tout moment dès lors qu'il estime, au vue des pièces de la procédure, que la mesure n'est plus nécessaire à l'enquête et à la manifestation de la vérité. En tout état de cause, la privation de liberté est également limitée dans le temps et seul le procureur de la République a autorité pour décider d'une prolongation de la mesure, au regard des objectifs précités. Il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments que le droit positif encadre déjà strictement le recours aux mesures privatives de liberté, garantissant ainsi l'équilibre entre le respect des libertés fondamentales d'une part, et la sauvegarde de l'ordre public d'autre part. Dans ces conditions, l'inscription dans la loi d'un faisceau d'indices permettant de justifier les motifs d'arrestation, tels que les attroupements et la suspicion de préparation de violence, ne semble pas nécessaire.