La réforme de l'OETH
Question de :
M. Yves Daniel
Loire-Atlantique (6e circonscription) - La République en Marche
M. Yves Daniel appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, sur la réforme de l'OETH prévue par la loi du 5 septembre 2018, dite loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Jusqu'alors, les employeurs pouvaient s'acquitter de leur obligation d'emploi des travailleurs handicapés à hauteur de 50 % maximum, par le recours à des contrats de services ou de sous-traitance avec le secteur protégé ou adapté (ESAT-EA). Cette faculté a été abrogée par la réforme de l'Obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) en vue d'avantager l'emploi direct en entreprise. L'employeur n'aura donc plus que deux options pour répondre à son obligation d'emploi : soit de respecter le taux d'emploi des travailleurs handicapés, soit de verser une contribution à l'Agefiph. Cette nouvelle approche risque d'amoindrir les compensations financières d'un certain nombre d'ESAT, de motiver la concurrence d'entreprises, et en conséquence de mettre en danger l'emploi des personnes handicapées. À terme, cette réforme risque a fortiori d'éloigner de l'insertion professionnelle les travailleurs handicapés qui, pour la plupart, n'ont pas les capacités d'accéder au milieu ordinaire. Par ailleurs, malgré la mise en place de nouvelles dispositions en faveur du cadre légal des salariés dans un ESAT, des efforts nécessitent d'être poursuivis. En effet, la réglementation actuelle exclut de nombreux avantages tels que le versement de primes ou le bénéfice de tous les autres droits classiques propres au statut de salarié. Aussi, il souhaiterait savoir d'une part, s'il est envisagé la rédaction d'un décret prenant en compte les efforts des employeurs vis-à-vis des personnes handicapées et, notamment, de leur coopération économique avec les ESAT et EA et, d'autre part, il aimerait connaître la position du Gouvernement en ce qui concerne le cadre légal des travailleurs en situation de handicap dans les ESAT.
Réponse en séance, et publiée le 12 décembre 2018
OBLIGATION D'EMPLOI DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS
M. le président. La parole est à M. Yves Daniel, pour exposer sa question, n° 442, relative à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.
M. Yves Daniel. Je tiens avant tout à saluer les actions fortes du Gouvernement en faveur du handicap. Depuis mai 2017, la France a fait de l'intégration dans l'entreprise ordinaire l'axe de sa politique : « Cap vers l'entreprise inclusive 2018-2022 », dispositif contrat à durée déterminée « tremplin », mesures inscrites dans le Plan d'investissement dans les compétences. À cela s'ajoute la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui prévoit notamment la mise en place de référents handicap dans les centres de formation d'apprentis – CFA –, la majoration des droits à la formation pour tous les bénéficiaires de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés – OETH –, l'abondement à 800 euros du congé de formation professionnelle – CFP – pour les personnes en situation de handicap et les personnels des établissements et services d'aide par le travail – ESAT.
J'appelle néanmoins votre attention sur la réforme de l'OETH prévue par cette loi. Jusqu'à présent, les employeurs pouvaient s'acquitter de leurs obligations à hauteur de 50 % maximum par le recours à des contrats de services ou de sous-traitance avec le secteur protégé ou adapté. Cette faculté a été abrogée par la réforme de l'OETH en vue d'avantager l'emploi direct en entreprise. L'employeur n'aura donc plus que deux options pour répondre à son obligation d'emploi : soit respecter le taux d'emploi des travailleurs handicapés, soit verser une contribution à l'Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés, l'AGEFIPH.
Cette nouvelle approche risque d'amoindrir les compensations financières dont bénéficient certains ESAT et par conséquent de mettre en danger l'emploi des personnes handicapées. La réforme risque donc, a fortiori, d'éloigner de l'insertion professionnelle les personnes en situation de handicap qui, pour la plupart, n'ont pas les capacités d'accéder au milieu ordinaire. Par ailleurs, la réglementation actuelle exclut les salariés des ESAT de nombreux avantages tel que le versement des primes ou encore le bénéfice de tous les autres droits classiques propres aux autres salariés.
Aussi, madame la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, je souhaite savoir si un décret est prévu pour prendre en compte les efforts des employeurs du milieu ordinaire, en particulier leur coopération économique avec les ESAT et avec les entreprises adaptées. Je souhaite en outre connaître la position du Gouvernement sur l'évolution du cadre légal des travailleurs en situation de handicap dans les ESAT afin de le rapprocher de celui des autres salariés.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées. Je vous remercie, monsieur le député, pour cette question car elle me permet de lever des craintes, entendues à plusieurs reprises, et qui sont sans le moindre fondement. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel n'a mis fin ni à la possibilité ni à l'intérêt de recourir à la sous-traitance auprès du secteur adapté ou du secteur protégé, pour les entreprises qui doivent remplir l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés. Les contrats de sous-traitance restent bien pris en compte, comme inscrit au 12° de l'article 67 de la loi que j'invite chacun à consulter. C'est seulement la forme de cette prise en compte qui évolue, pour être tout aussi incitative mais beaucoup plus simple, selon des modalités que nous sommes en train de préciser en concertation avec le secteur du handicap et les partenaires sociaux.
Je répète mon engagement qui n'a pas varié : les nouvelles règles de calcul seront neutres sur le recours à la sous-traitance. Elles ne seront pas moins incitatives. Notre soutien au secteur adapté est sans faille : nous avons signé, avec Muriel Pénicaud, le 12 juillet, un engagement national pour créer 40 000 emplois supplémentaires en entreprises adaptées, avec un effort budgétaire sans précédent qui portera à 500 millions d'euros l'aide publique d'ici à 2022 et qui s'accompagne par ailleurs d'un travail important de ce secteur pour rénover son modèle économique et renforcer son modèle inclusif. C'est un chantier ambitieux que nous avons ouvert ; il est porteur d'espoir. Nous trouverons des solutions concrètes, pragmatiques, réelles, pour ceux qui en ont le plus besoin, grâce à la mobilisation collective, à la libération des énergies et en accompagnant l'innovation, pour peu que nous ayons le courage de la transformation.
Notre objectif est clair : plus de travailleurs handicapés en emploi. Leur taux d'emploi actuel dans le secteur privé est seulement de 3,4 %, pour une cible à 6 %. Cette situation n'est pas acceptable et nous prenons les mesures qui permettront, enfin, d'avancer, en favorisant l'emploi des travailleurs handicapés sous toutes ses formes. Pour ce qui concerne enfin le cadre légal et réglementaire régissant les travailleurs handicapés en ESAT, il est rappelé que ces travailleurs ne sont pas des salariés au sens du code du travail mais des usagers de cet établissement ou service. Ils ne sont pas liés à l'ESAT qui les accueille par un contrat de travail, mais par un contrat de soutien et d'aide par le travail. À ce titre, ils bénéficient d'un ensemble de droits, parmi lesquels celui d'une rémunération garantie, de droits à congé ou à la formation. Les travailleurs handicapés d'ESAT peuvent par ailleurs percevoir des primes d'intéressement selon les résultats de l'ESAT qui les emploie. Les ESAT seront eux aussi mobilisés en 2019 et une nouvelle feuille de route leur sera proposée afin de soutenir leur dynamique et de permettre leur pleine intégration dans un parcours professionnel diversifié, susceptible de conduire à l'exercice d'un travail en milieu ordinaire pour les travailleurs handicapés qui le souhaitent et le peuvent.
J'espère vous avoir tout à fait rassuré, monsieur le député, sur notre ambition d'accompagner tous les travailleurs là où ils sont.
M. le président. La parole est à M. Yves Daniel.
M. Yves Daniel. Vous m'avez en effet rassuré, madame la secrétaire d'État. Vous évoquez un chantier pour l'année 2019. Il serait intéressant que nous y soyons associés parce que nous travaillons sur le terrain avec tous les acteurs du handicap – nous compléterions ainsi utilement vos travaux.
Auteur : M. Yves Daniel
Type de question : Question orale
Rubrique : Personnes handicapées
Ministère interrogé : Personnes handicapées
Ministère répondant : Personnes handicapées
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 décembre 2018