Soutien militaire de la France aux Émirats arabes unis dans la guerre au Yémen
Question de :
M. Sébastien Nadot
Haute-Garonne (10e circonscription) - Libertés et Territoires
M. Sébastien Nadot attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les implications juridiques de la décision française, annoncée le 4 février 2022 par Mme la ministre des armées, d'apporter un soutien militaire aux Émirats arabes unis (EAU), notamment à travers l'engagement des Rafale français présents aux EAU dans la défense de l'espace aérien de ce pays. Le Yémen est le théâtre d'un conflit particulièrement meurtrier depuis mars 2015, marqué notamment par l'implication massive d'une coalition militaire menée par l'Arabie saoudite. Les frappes aériennes menées par la coalition dirigée par l'Arabie saoudite ont causé d'innombrables destructions et de très nombreuses victimes civiles et se poursuivent quotidiennement. M. le député alerte M. le ministre sur la nécessité impérative de prendre en considération le risque juridique que fait peser sur la France la décision annoncée par Mme la ministre des armées. Ce risque est double. Il concerne d'une part les conditions du recours à la force en droit international (le jus ad bellum) et d'autre part, les règles relatives à la conduite des hostilités (le jus in bello). C'est tout d'abord le risque pour la France de voir sa responsabilité internationale engagée comme s'associant, par la fourniture de moyens militaires, à la poursuite d'une situation susceptible d'être qualifiée d'acte internationalement illicite au sens du droit international. Au regard du droit international, il est douteux que cette intervention ait pu s'appuyer sur le concept de légitime défense, ni se justifier par l'invitation du gouvernement légitime. L'intervention de la coalition menée par l'Arabie saoudite au Yémen est donc d'une légalité douteuse et semble pouvoir constituer un cas d'usage illicite de la force en violation de l'article 2(4) de la Charte des Nations unies. Cette situation engendre donc un risque qu'une future détermination par une cour ou un tribunal international de l'illégalité de l'intervention militaire de la coalition, conduise par implication à la détermination que la France s'est rendue complice de la commission de cet acte internationalement illicite. C'est ensuite le risque pour la France de se rendre complice, même indirectement, des violations graves du droit international humanitaire commises par la coalition menée par l'Arabie saoudite dans la conduite des hostilités, en particulier à travers les bombardements contre les populations civiles. Ces violations ont été documentées notamment dans le troisiéme rapport du Groupe d'éminents experts sur le Yémen, constitué sous l'égide du Conseil des droits de l'homme des Nations unies (UN Doc. A/HRC/45/6, 28 septembre 2020, notamment § 26-31 et 103) et il convient de rappeler que le sujet de la responsabilité des exportateurs d'armes au profit de la coalition menée par l'Arabie saoudite a été l'objet de demandes d'investigation soumises au procureur de la Cour pénale internationale (CPI), qui sont toujours en cours d'examen. Il souhaiterait qu'il lui indique les moyens mis en œuvre par la France pour se prémunir contre ces risques et pour se conformer à ses obligations au regard du droit international (et en particulier au regard du droit international humanitaire).
Auteur : M. Sébastien Nadot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Date :
Question publiée le 22 février 2022
Date de cloture :
21 juin 2022
Fin de mandat