Lutte contre le harcèlement scolaire
Question de :
Mme Lamia El Aaraje
Paris (15e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 27 octobre 2021
LUTTE CONTRE LE HARCÈLEMENT SCOLAIRE
M. le président. La parole est à Mme Lamia El Aaraje.
Mme Lamia El Aaraje. Quatorze ans, c'est l'âge de l'adolescence, des premières amours, des premiers pas dans la vie de cet autre que soi, pas encore adulte, pas encore assez grand, mais d'ores et déjà plus assez petit, plus assez enfant. C'est aussi l'âge des premières interrogations sur la vie : qui suis-je ? que suis-je ? dois-je réellement être cela ? dois-je réellement faire comme ça ? Quatorze ans, c'est l'âge où tout commence et sûrement pas celui où tout s'arrête. Vous l'aurez compris, mes chers collègues, je voudrais que nous nous attardions sur le drame de la jeune Dinah. Mes premières pensées vont à sa famille, à ses parents à ses frères à ses amis, à ses proches, à tous ceux pour qui elle ne sera plus là.
En tant que femme, en tant que maman, en tant que citoyenne, en tant que députée, je ne peux me résoudre à ce que le harcèlement tue, car oui, Dinah a été tuée par le harcèlement dont elle a été victime. Dinah a été tuée par le harcèlement dans lequel on l'a laissée s'enfermer.
Je porte un héritage politique qui croit en la jeunesse, qui croit qu'on ne peut imputer à un enfant la pleine responsabilité de certains actes, la pleine responsabilité d'un suicide, qui croit que notre responsabilité d'adultes est de les protéger et de veiller à ce que les institutions protègent nos enfants. C'est ça la République pour toutes et tous. C'est ça la République dans laquelle l'école doit être le berceau de l'égalité réelle.
Deux ans de harcèlement, deux ans de signalements. Que n'a-t-on pas fait pour protéger cet enfant, ces enfants ? Aujourd'hui le harcèlement ne se limite plus à l'école ou aux activités périscolaires. Il est présent partout, tout le temps : en ligne, en classe, pendant les pauses, le matin, le midi, le soir, la nuit. C'est un continuum qui peut s'avérer mortel pour 700 000 enfants chaque année.
L'échec des dispositifs en place est flagrant car, pour faire écho au slogan de votre campagne, monsieur le ministre, le harcèlement, pour l'arrêter, il ne faut pas seulement en parler. Chaque souffrance subie doit appeler une réponse immédiate et efficace, bien loin des deux ans d'attente que Dinah et sa maman ont subis face à une institution scolaire malheureusement sourde et muette. Un procès va s'ouvrir, c'est bien, mais cela ne ramènera pas Dinah. Monsieur le Ministre vous devez prendre ce problème à bras-le-corps.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Je redis l'émotion qui est la mienne face au suicide de Dinah comme au suicide de tout adolescent. De tels suicides, il y en a malheureusement chaque année, et nous devons faire en sorte qu'il y en ait de moins en moins.
Je vous invite à ne pas commenter excessivement une affaire qui fait l'objet d'une enquête. Par définition, un suicide est quelque chose de complexe où se mêlent plusieurs causes. Nous en reparlerons le moment venu. Ce qui est important aujourd'hui, c'est de faire preuve de dignité et de compassion mais aussi d'analyser parce que, si de tels drames surviennent, c'est qu'il existe des failles et des échecs que nous devons regarder en face.
Il faut évidemment une politique sur ce sujet-là, et je vous invite à ne pas porter de jugements trop définitifs sur les politiques en place. Nous pouvons les examiner ensemble et si vous avez des propositions d'amélioration, j'y serai bien sûr ouvert.
Les politiques que nous menons, je l'ai dit tout à l'heure, sont inspirées des pratiques internationales considérées comme les meilleures, notamment celles des pays scandinaves. Le programme PHARE de lutte contre le harcèlement à l'école a déjà été expérimenté avec succès dans plusieurs endroits. Il permet d'appréhender le phénomène à la racine en mettant l'accent sur la formation des personnels et la mobilisation des élèves.
Il existe, vous avez eu raison de le souligner, un continuum du harcèlement. En dehors du harcèlement qui s'exerce en milieu scolaire, que nous avons réussi à faire reculer sur certains sites, il y a un cyberharcèlement, qui constitue un défi encore plus grand, malheureusement en cause dans cette affaire aussi, je crois.
C'est pourquoi j'ai convoqué récemment les responsables des plateformes. Ce n'est pas la première fois bien sûr que nous avons un dialogue avec eux, mais nous avons voulu les responsabiliser davantage. Ils doivent mieux faire respecter l'interdiction aux moins de 13 ans pour l'accès aux réseaux sociaux, mieux travailler sur les algorithmes et les enjeux liés à l'addiction.
Tout cela met en jeu les politiques publiques, et je suis ouvert à de nouveaux progrès en ce domaine, mais aussi la mobilisation de la société française. Je le disais tout à l'heure et je voudrais le répéter : les familles, la société, nous tous sommes responsables des améliorations indispensables qu'il y a à apporter. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Auteur : Mme Lamia El Aaraje
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Harcèlement
Ministère interrogé : Éducation nationale, jeunesse et sports
Ministère répondant : Éducation nationale, jeunesse et sports
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 octobre 2021