Médecins intérimaires
Question de :
M. Jean Lassalle
Pyrénées-Atlantiques (4e circonscription) - Libertés et Territoires
Question posée en séance, et publiée le 27 octobre 2021
MÉDECINS INTÉRIMAIRES
M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.
M. Jean Lassalle. Monsieur le Premier ministre, sur fond de vieillissement prévisible de la population et après plus de trente ans d'absence de politique de santé, nous voici arrivés au temps des médecins et des personnels intérimaires.
Nous avons en effet subi les conséquences du numerus clausus, des groupements hospitaliers de territoires (GHT), de la désorganisation des plateaux de soin, de la fermeture violente de centaines de maternités – comme à Saint-Claude –, de la baisse des effectifs ou encore de la limitation du temps de travail. Le recours aux médecins et aux soignants intérimaires s'est imposé comme un palliatif de masse.
M. Ugo Bernalicis. Et sans masques !
M. Jean Lassalle. Il a tout mis par terre. Après le Ségur de la santé, au cours duquel les professionnels ont eu le sentiment de ne pas être écoutés, la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, a tenté de limiter le nombre et le coût prohibitif de l'emploi intérimaire. Mais le plafonnement des salaires ne passe pas. En attendant, les plateaux médicaux se désertifient. À Oloron-Sainte-Marie et Mauléon, les internes ne sont pas autorisés dans les établissements jugés isolés : ils risqueraient d'y être traumatisés ! Les secours d'urgence, les structures mobiles d'urgence et de réanimation et autres sont à l'arrêt, faute d'effectifs.
C'est pourquoi, comme le soulignent Action praticiens hôpital et Jeunes médecins, ainsi que l'immense majorité des professionnels, il faudrait, pour mieux accompagner les établissements, reconnaître la pénibilité et l'ancienneté, penser à l'avenir des personnels soignants – santé au travail, formation continue – et augmenter les salaires. Les intérimaires sont aujourd'hui des médecins épuisés, désabusés et déçus depuis des années. En menant une politique de bon sens au service de l'homme, n'aurions-nous pas pu éviter la terrible fracture du passe sanitaire ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'industrie. Oh là là !
M. Jean Lassalle. C'est pourquoi je souhaiterais savoir, monsieur le Premier ministre, ce que vous proposez en la matière. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LT.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie, monsieur le député, de votre question qui me donne l'occasion de compléter ma réponse précédente.
Premièrement, pour faire face à la désertification médicale à l'hôpital, nous avons, dans le cadre du Ségur de la santé, renforcé le volet attractivité, en instaurant de vraies mesures incitatives pour les médecins : une revalorisation importante de l'indemnité d'exercice de service public exclusif (IESPE), un système de majorations, la création de trois échelons supplémentaires en fin de parcours ou, encore, la suppression des trois premiers échelons afin qu'un jeune médecin bénéficie à son entrée à l'hôpital d'un plus haut niveau de salaire.
La deuxième étape concerne la régulation. Les hôpitaux ne peuvent plus dépendre totalement d'agences d'intérim qui réclament pour des médecins mercenaires 3 000 euros par vingt-quatre heures effectuées à l'hôpital : cela ne doit plus exister. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, UDI-I et LT.) Tant que nous ne traiterons pas le mal à la racine, nous ferons face à une hémorragie hospitalière et il ne faudra pas s'étonner, dans quelques années, que la situation empire. C'est l'auteur d'un rapport parlementaire sur les dérives du marché de l'emploi médical temporaire à l'hôpital public, publié en 2013 – j'étais alors assis sur un autre banc –, qui vous le dit dix ans plus tard. J'ai été le premier à aborder le sujet. Aucune décision n'a été prise par la suite et la situation s'est aggravée.
M. Pierre Cordier. C'est bien de le reconnaître !
M. Fabien Di Filippo. Cela fait quatre ans que vous êtes à la manœuvre !
M. Olivier Véran, ministre. Par ailleurs, nous avons mis à la main des hôpitaux de nouveaux outils, tels que la prime de solidarité territoriale ou la refonte des statuts de praticiens contractuels. Je me suis engagé à ce que ces dispositifs soient opérationnels au cours du mois de décembre, afin de renforcer l'attractivité de la permanence des soins : par exemple un médecin déjà sous contrat hospitalier, qui assure des gardes dans un autre établissement à vingt ou trente kilomètres, bénéficiera d'une majoration de sa participation à la permanence des soins. Toutes les solutions d'attractivité et d'organisation sont envisageables pour parer une pénurie médicale due à quarante-cinq années d'incurie…
M. Pierre Cordier. Du temps de Marisol Touraine aussi !
M. Olivier Véran, ministre . …en matière de pilotage de la médecine, dans la mesure où le numerus clausus a été une formidable machine à empêcher de jeunes étudiants d'apprendre la médecine en France. Il ne faut pas s'étonner, quarante-cinq ans plus tard, de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous avons supprimé le numerus clausus, cela ira donc mieux demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Auteur : M. Jean Lassalle
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 octobre 2021