Question au Gouvernement n° 4478 :
Violences sexuelles faites aux enfants

15e Législature

Question de : M. Julien Dive
Aisne (2e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 3 novembre 2021


VIOLENCES SEXUELLES FAITES AUX ENFANTS

M. le président. La parole est à M. Julien Dive.

M. Julien Dive. Monsieur le Premier ministre, 22 000 : c'est le nombre d'enfants victimes chaque année de violences sexuelles commises par leur père, selon l'estimation faite par la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, la CIIVISE. Mais seules 1 700 poursuites pour viols ont été engagées en 2020. Cela ne signifie pas que les 20 300 autres faits sont faux, mais qu'ils ont abouti à un classement sans suite ou que la procédure n'est pas allée à son terme.

Pire, des mères sont elles-mêmes condamnées par la justice pour non-présentation de leur enfant alors qu'elles cherchent seulement à le protéger. Il y a dix jours, je tenais une permanence dans un village de ma circonscription quand une maman dans cette situation s'est présentée à moi, et a fondu en larmes, me racontant l'angoisse qu'elle traverse, l'impuissance qu'elle éprouve pour protéger ses enfants et la condamnation qu'elle encourt si elle ne les présente pas au père. Malgré les plaintes et les appels, faute de contenu jugé probant, le dossier a été classé. Que dois-je répondre à cette maman ? Qu'elle n'a plus le choix, que la procédure judiciaire est ainsi faite, inamovible, mécanique, inhumaine, ou au contraire lui donner de l'espoir en lui expliquant que le législateur est là pour faire évoluer la procédure en question ?

Le sujet que j'aborde ici aujourd'hui n'a pas de couleur politique ; il transcende nos clivages et requiert une mobilisation forte. Le 27 octobre dernier, la CIIVISE, après avoir mené un travail de fond, a formulé ses premières préconisations dont voici les principales : suspension de l'autorité parentale et des droits de visite du parent poursuivi pour viol ou agression, suspension des poursuites pénales contre le parent pour non-présentation d'un enfant si une enquête est en cours, retrait de l'autorité parentale quand le parent est condamné pour violence sexuelle incestueuse. Voilà des propositions concrètes, monsieur le Premier ministre. Ces situations ne peuvent plus durer. Face à la détresse des familles et des enfants, pouvez-vous nous indiquer quelles suites vous comptez leur donner ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Dem, UDI-I, FI et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Les travaux de la commission sur les violences sexuelles et l'inceste que vous avez mentionnée viennent de débuter et ne doivent s'achever que dans deux ans. Voilà la réalité. La chancellerie sera bien sûr attentive à toutes les recommandations et c'est ainsi que les éventuels mécanismes automatiques de déchéance de l'autorité parentale seront examinés en temps voulu, à l'aune des grands principes constitutionnels, au rang desquels figure évidemment le respect de la présomption d'innocence. La chancellerie veillera bien sûr à ce que les préconisations de cette commission soient examinées. Je ne peux rien vous répondre d'autre sur ce point.

Vous avez raison de rappeler que c'est un sujet qui ne peut pas être partisan. À ce titre et pour vous rassurer, je tiens à vous préciser que dès que la commission Sauvé – qui a beaucoup travaillé sur les infractions sexuelles commises par des hommes d'Église sur des mineurs – a rendu son rapport, la chancellerie a pris des initiatives : j'ai ainsi adressé une circulaire à tous les procureurs pour que l'on établisse des protocoles au sujet des relations entre le parquet et les évêchés, afin de favoriser la transmission des signalements ; j'ai rappelé que le secret de la confession n'obéissait qu'aux lois de la République.

C'est vous dire que les préconisations que vous évoquez seront prises en considération le moment voulu et que la chancellerie en tirera les conclusions qui s'imposent. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

Données clés

Auteur : M. Julien Dive

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Enfants

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 novembre 2021

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