Question orale n°451 : Modalités de la fin du changement d'heure

15ème Législature

Question de : M. Marc Le Fur (Bretagne - Les Républicains)

M. Marc Le Fur attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur le changement d'heure. Le changement d'heure est un sujet récurrent dans l'opinion, au moins deux fois par an. Deux fois par an, chacun s'interroge l'espace d'un instant pour savoir si l'on perd ou on gagne une heure. À chaque fois, c'est l'occasion d'un débat : faut-il garder ou abandonner le changement d'heure ? Voilà qu'à l'approche du changement d'heure le plus désagréable, celui qui fait entrer dans l'hiver, l'Union européenne évoque la suppression de ce changement au profit de l'heure d'été. Tout le monde oublie au passage que le changement d'heure fut un temps justifié par les économies d'énergie qu'elle était censée générer. Serait-ce un échec ou l'Union européenne a-t-elle un tel désir de marquer la vie quotidienne des citoyens des pays d'Europe qu'elle en oublie cet argument ? Qu'importe. Chacun sait l'importance des rythmes dans la vie, leur impact sur le sommeil, si fragile dans le monde contemporain, leur impact sur la santé. Personne n'oublie le débat récent sur les rythmes scolaires. On y justifiait le retour à cinq jours de classe dans la semaine par l'importance d'un rythme scolaire régulier tout au long de la semaine. Chacun se souvient d'une personne âgée à qui on sert le dîner dans une maison de retraite alors qu'il est 15 heures au soleil. Et que dire des bêtes, singulièrement celles qui font l'objet d'élevage et dont le rythme dépend de celui des hommes ? Il s'agit là également d'un enjeu de bien-être animal. Il faut donc en convenir, l'abandon du changement d'heure sera bénéfique. Mais faut-il choisir l'heure d'été, en décalage de deux heures avec l'heure solaire, plutôt que l'heure d'hiver, qui ne se décale que d'une heure avec l'heure solaire ? Si l'argument pour supprimer le changement d'heure est bien celui des rythmes de vie, de la santé, de la chronobiologie, du bien-être animal, d'un plus grand respect des cadences naturels, il faut se rendre à l'évidence : il ne faut pas plus d'une heure de décalage avec le soleil. Les États vont devoir choisir dans un avenir proche et il lui demande dans cette perspective de préciser les intentions du Gouvernement à ce sujet.

Réponse en séance, et publiée le 12 décembre 2018

CHANGEMENT D'HEURE
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour exposer sa question, n°  451, relative au changement d'heure.

M. Marc Le Fur. Le changement d'heure est un sujet de débat récurrent dans l'opinion ; on en parle au moins deux fois par an pour se demander s'il faut ou non conserver ce rythme bisannuel.

L'Union européenne s'est récemment positionnée sur cette question, préconisant l'abandon du changement bisannuel, au profit, semble-t-il, de l'heure d'été. On ne voit pas très bien pourquoi l'Union européenne fixerait une seule heure pour les différentes nations européennes : le continent européen est suffisamment vaste, d'Est en Ouest, pour admettre plusieurs fuseaux horaires. En outre, chacun connaît l'importance du rythme de vie sur le sommeil, sur la santé : nos compatriotes y sont très sensibles.

La question est donc de savoir quelle heure choisir : l'heure d'hiver, qui présente une heure d'avance par rapport au soleil, ou l'heure d'été, qui est en avance de deux heures par rapport soleil ? L'heure d'hiver a contre elle son nom, mais deux heures d'avance par rapport au soleil pour l'heure d'été, c'est beaucoup. Pour la France, adopter cette solution reviendrait à se caler toute l'année sur le rythme solaire de Berlin.

On peut s'interroger, sachant qu'il faut respecter les cadences naturelles, le rythme de vie, la chronobiologie. Ces cadences sont particulièrement importantes pour les enfants et pour tous ceux qui, travaillant à l'extérieur, adaptent leur rythme à celui du soleil – je pense notamment aux agriculteurs et aux professionnels du bâtiment et travaux publics, deux classes de la population très bien représentées parmi ceux qui manifestaient, vêtus d'un gilet jaune, sur nos carrefours. Il faut les respecter. On peut et on doit vivre au rythme du soleil, qui est le rythme naturel.

Si l'on généralisait l'heure d'été, cela ferait deux heures d'avance pour tout le monde. Nous risquerions ainsi d'être confrontés à des absurdités. Je rappelle qu'entre Strasbourg et Brest, il y a plus d'une heure de décalage au regard de la course solaire. Si l'heure d'été, avec deux heures d'avance, était généralisée, le 22 décembre, à Brest, le soleil se lèverait à 10 h 11. Vous imaginez l'impact de ce décalage, en particulier dans l'ouest de notre pays !

Madame la secrétaire d'État, je souhaite connaître la position du Gouvernement sur cette question essentielle pour la vie quotidienne de nos compatriotes.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le député, le 12 septembre dernier, à l'occasion de son discours annuel sur l'état de l'Union, le président de la Commission européenne a proposé, comme vous l'avez rappelé, l'abolition du régime de changement d'heure bisannuel. Une proposition législative a été publiée dans la foulée, indiquant notamment que le dernier changement d'heure pourrait intervenir en avril 2019, l'objectif étant que chaque État membre choisisse définitivement à quel fuseau horaire il souhaite se rattacher.

Cette proposition ne prévoyait pas de coordination préalable des choix nationaux et faisait suite à une consultation publique lancée cet été par la Commission européenne, qui a rencontré un large écho : près de 5 millions d'Européens y ont contribué, en premier lieu des Allemands. La présidence autrichienne de l'Union européenne était initialement désireuse de faire adopter rapidement cette proposition législative, si possible d'ici à la fin de l'année. Toutefois, nombre d'États membres n'ont pas arrêté leur position : ils mettent en avant la nécessité de consulter davantage leurs citoyens, mais aussi de mieux se coordonner avec les États membres frontaliers.

La présidence autrichienne, prenant acte de cette situation, s'est contentée d'un rapport de progrès, adopté lors du conseil des ministres européens des transports le 3 décembre. Elle propose, à ce stade, de reporter au plus tôt à 2021 l'arrêt du changement d'heure, charge aux États membres de se coordonner afin de définir, à terme, leur heure légale.

Le Gouvernement n'a, pour l'instant, pas pris position sur cette question. Sur le plan environnemental, la justification du changement d'heure paraît s'amenuiser, compte tenu des progrès technologiques accomplis depuis la mise en place de ce système, ce qui pourrait conduire à un renoncement au changement d'heure. Toutefois d'autres facteurs doivent être pris en compte au niveau national : l'étendue géographique de notre pays, ses nombreuses frontières et les habitudes socioculturelles actuelles des Français ne rendent pas aisé un choix permanent entre les heures d'été et d'hiver actuelles.

De plus, il convient de bien mesurer les effets de la proposition sur le bon fonctionnement du marché intérieur. À l'échelle de l'Union européenne, le système actuel permet à 60 % des États membres, représentant 75 % de la population, de vivre à la même heure, malgré l'étendue en longitude du continent, que vous avez rappelée. Aujourd'hui, le franchissement des frontières terrestres françaises n'implique aucun changement de fuseau horaire.

Le Gouvernement juge donc qu'avant de prendre une telle décision, il faut comparer l'ensemble des effets du maintien du changement d'heure, d'une part, et du choix définitif de l'heure d'hiver ou d'été, d'autre part. Le Gouvernement, sur cette question, est attentif à l'avis des citoyens : les Français ont peu participé à la consultation, mais toutes les enquêtes d'opinion confirment une volonté largement partagée de remettre en cause le changement d'heure.

Dans ces conditions, le Gouvernement prendra prochainement deux initiatives. En premier lieu, il sollicitera la Commission nationale du débat public afin qu'elle conduise une consultation citoyenne en bonne et due forme sur le changement d'heure. En second lieu, il confiera à un ou une parlementaire une mission visant à analyser la dimension économique du problème au niveau local, en allant au contact des territoires qui seraient les plus affectés par le changement d'heure d'hiver – le Sud-Est – ou d'été, ou par une désynchronisation – les zones frontalières.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, pour votre réponse. Je voudrais que l'on n'oublie pas les enfants, pour qui il est essentiel de suivre le rythme naturel, non plus que ceux qui travaillent à l'extérieur, qui suivent le rythme du soleil. Si le décalage entre l'heure solaire et l'heure légale était trop grand, ces derniers seraient eux-mêmes décalés du rythme de la société. Je voudrais, en outre, que l'on n'oublie pas l'Ouest français, en particulier la Bretagne : parce que le soleil s'y lève et s'y couche plus tard, cette partie de notre territoire risquerait d'être décalée. Il faut y faire attention, madame la secrétaire d'État !

Je retiens malgré tout de votre intervention qu'il n'y aura pas d'évolution avant 2021 : il n'y aura donc pas de changement au printemps prochain. Il vaut mieux, en effet, se donner le temps de la réflexion.

Données clés

Auteur : M. Marc Le Fur (Bretagne - Les Républicains)

Type de question : Question orale

Rubrique : Heure légale

Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire

Ministère répondant : Transition écologique et solidaire

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 décembre 2018

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