Question au Gouvernement n° 452 :
devoir de mémoire relatif à l'esclavage

15e Législature

Question de : M. Jean-Hugues Ratenon
Réunion (5e circonscription) - La France insoumise

Question posée en séance, et publiée le 21 décembre 2017


DEVOIR DE MÉMOIRE RELATIF À L'ESCLAVAGE

M. le président. La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour le groupe La France insoumise.

M. Jean-Hugues Ratenon. Aujourd'hui, 20 décembre, est un jour férié, La Fêt Kaf not fierté, vive la liberté ! Oui, ce jour est, à La Réunion, celui où l'on commémore l'abolition de l'esclavage – qui a été reconnu, dans cette même assemblée, comme crime contre l'humanité – et de la traite des noirs.

Je suis fils d'engagé et d'esclave. Je suis Réunionnais et fier de l'être. Je ne suis pas mendiant mais je suis un nègre, un résistant, un insoumis. J'ai la responsabilité de me souvenir et d'agir pour le respect de la mémoire de mes ancêtres.

Les esclaves révoltés étaient, comme toutes les personnes en résistance, insoumises, jetés en prison pour éviter la propagation de leur rébellion et leur insoumission aux autres esclaves. Oui, mes chers collègues, je me dois de rendre hommage à mes ancêtres qui ont été déracinés, arrachés à leur terre natale. Ils ont été rabaissés, martyrisés, assassinés par les coups de fouets et la guillotine dans les murs de l'ancienne prison Juliette Dodu. Or ce bâtiment, qui date de plus de trois cents ans, qui est le témoin des crimes atroces et des actes barbares qui ont eu lieu durant toute la période esclavagiste, est aujourd'hui menacé par un projet immobilier.

Madame la ministre de la culture, la réparation, n'est-ce pas stopper tout acte consistant à effacer les traces de l'esclavage de notre histoire ? Ce bâtiment, fondé en 1718, ne doit-il pas être plutôt transformé totalement en lieu de mémoire, de recueillement et de respect ?

Pour finir, laissez-moi, mes chers amis, vous dire : bonne Fêt Kaf, et bonne fête de la liberté ! (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, à entendre les applaudissements nourris, votre question, posée avec émotion et réalisme, a touché l'ensemble de celles et ceux qui siègent sur ces bancs. Nous devons, en effet, le respect à celles et ceux qui ont été victimes de cet outrage à la vie qu'est la privation de liberté inhérente à l'esclavage.

Il s'agit de faire acte, non pas de repentance, mais de reconnaissance de nos fautes. Nous avons contribué, en particulier sur l'île de La Réunion, à commettre ce qui relève effectivement d'un crime contre l'humanité.

Sur ces sujets, il nous faut regarder le passé et en conserver les traces. Monsieur le député, je ne connais pas, et la ministre de la culture non plus, le lieu dont vous avez parlé. Mais votre seule question justifie notre totale mobilisation : Mme la ministre de la culture, sous l'autorité du Premier ministre, va étudier ce dossier très rapidement. Vous pourrez en parler ensemble dans quelques instants.

Conserver toutes les traces de la mémoire, c'est éclairer notre passé pour préparer notre avenir ; c'est assumer nos responsabilités – nos fautes, quand nous en avons commis – et à empêcher ce qui parfois paraît impossible et qui pourtant a bien lieu. Nous l'avons vu, encore récemment, en Libye, et nous le voyons même dans nos sociétés contemporaines : certains comportements, agissements ou oublis pourraient nous faire négliger l'essentiel.

L'essentiel est de garantir à chacun, car telle est notre responsabilité politique, l'émancipation mais surtout la liberté, qui est la quête absolue. Nous devons donc regarder notre passé et conserver notre mémoire : votre question nous aide à éclairer ce sujet, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM, FI et GDR.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Hugues Ratenon

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Cérémonies publiques et fêtes légales

Ministère interrogé : Relations avec le Parlement

Ministère répondant : Relations avec le Parlement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 décembre 2017

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