15ème législature

Question N° 4562
de M. Bertrand Pancher (Libertés et Territoires - Meuse )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Transition écologique
Ministère attributaire > Transition écologique

Rubrique > étrangers

Titre > Naufrage de migrants dans la Manche

Question publiée au JO le : 01/12/2021
Réponse publiée au JO le : 01/12/2021 page : 10965

Texte de la question

Texte de la réponse

NAUFRAGE DE MIGRANTS DANS LA MANCHE


M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. « Il faisait encore nuit, et nous avons vu que l'eau entrait dans le canot par l'arrière. Un groupe s'est mis à écoper. […] Nous avons ensuite appelé la police française […] mais ils nous ont dit : "Vous êtes en territoire britannique, nous ne pouvons rien faire." Nous avons ensuite appelé les Britanniques, mais ils ont dit : "Non, appelez les Français" […] C'est à ce moment-là que les gens ont commencé à tomber à l'eau. Donc, pour les sauver, nous nous sommes tenus par la main. […] Le soleil s'était levé, mais nous ne pouvions plus tenir. Les gens ont juste arrêté de se tenir la main, et ils sont tous tombés à l'eau. Ils sont morts. »

Ces mots sont ceux de Mohammed Ibrahimzadeh. Ce Kurde de 21 ans est l'un des rares survivants de la tragédie qui a fait au moins vingt-sept morts, mercredi dernier, dans la Manche. Je veux parler ici de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants qui aspiraient à une vie meilleure, et qui sont morts d'avoir voulu réaliser ce rêve.

Nous ne pouvons accepter que tant de vies fassent l'objet de ces postures politiciennes et de ces calculs cyniques qui forment pourtant la base de certaines candidatures à l'élection présidentielle.

Je ne peux, pour ma part, accepter que la fraternité soit devenue un délit. Oui, il faut lutter contre les réseaux, les passeurs. Oui, il faut renforcer Frontex. Mais où sont les véritables solutions communes, durables, pour que la Méditerranée, la Manche ou la forêt biélorusse cessent d'être des cimetières ?

Sortons des débats tronqués, des polémiques instrumentalisées, des discours de haine. La France est belle quand elle fait rayonner ses valeurs humanistes. Elle doit être à l'avant-garde, en Europe notamment, et remettre à plat le funeste règlement de Dublin.

Seule compte la vision d'ensemble. Quels moyens supplémentaires prévoyez-vous pour permettre un accueil enfin digne des migrants dans notre pays ? Quand allons-nous cesser ces parties de ping-pong si inhumaines ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, SOC, FI et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Dem.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique. Je précise que Mme Barbara Pompili représente cet après-midi le Premier ministre qui, je vous le rappelle, a été déclaré positif à la covid-19. Son temps de parole lorsqu'elle s'exprime à ce titre n'est donc pas limité. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Au nom du Gouvernement, je voudrais d'abord avoir une pensée pour les hommes, les femmes et les enfants qui ont perdu la vie en tentant de rejoindre le Royaume-Uni depuis le nord de la France. On ne peut qu'être profondément touché par ces drames humains, et nous agissons pour qu'ils ne se reproduisent pas.

Nous luttons contre les réseaux de passeurs, qui se nourrissent de la misère humaine. Le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé le renforcement de la surveillance aérienne de la Côte d'Opale, ce qui se traduira notamment, dès cette semaine, par l'engagement d'un avion Frontex et de deux hélicoptères supplémentaires du ministère de l'intérieur. Afin de démanteler ces réseaux, il a aussi été décidé d'accroître le recours à des mécanismes d'enquête européens bilatéraux spécifiques avec certains pays.

En outre, ces drames posent la question de la coopération avec notre voisin britannique. Quels que soient nos désaccords, nous ne changerons pas la géographie : il est dans notre intérêt commun de travailler ensemble pour résoudre ce problème. Mais il faut être deux pour coopérer. De bonnes intentions sont affichées en privé et des invectives lancées en public : il faut sortir du double discours et s'engager dans un travail sérieux. Le Gouvernement français y est disposé.

En matière d'immigration irrégulière, ce ne sont pas les accords du Touquet qui prévalent, mais le traité de Sandhurst. C'est sur cette base que nous coordonnons notre action opérationnelle. Je vous rappelle que le Premier ministre écrira dans les tout prochains jours à son homologue britannique Boris Johnson afin de rappeler que chaque pays doit assumer ses responsabilités, et que la France ne saurait à elle seule être tenue pour responsable de la question migratoire dans la Manche. Nous sommes prêts à poursuivre la coopération opérationnelle avec le Royaume-Uni dès lors qu'elle s'inscrit dans un cadre de confiance et de bonne foi.

Je veux notamment dire ici que nous n'accepterons jamais la pratique des refoulements en mer. Le droit de la mer est clair : le premier devoir de n'importe quel marin est de porter secours. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Lorsque l'on voit la piètre qualité des embarcations sur lesquelles s'amassent des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants, peut-on croire un instant qu'il serait sans danger de les forcer à faire demi-tour ?

Enfin, le Gouvernement assume de mener une politique humaine et raisonnée en matière d'asile et d'intégration : nous avons renforcé la capacité du parc d'hébergement dédié aux demandeurs d'asile, en créant près de 4 700 places en 2021, ce qui porte notre capacité à environ 103 000 places. Nous avons aussi lancé cette année le plan Vulnérabilités, qui a vocation à répondre aux besoins de prise en charge des demandeurs d'asile et des réfugiés souffrant de traumatismes, victimes de violences, ou encore de demandeurs vulnérables en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Nous avons également augmenté les moyens de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) afin d'apporter une réponse plus rapide aux demandes d'asile. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

Nous n'oublions pas l'intégration. Je rappellerai simplement que nous avons doublé le volume horaire de la formation linguistique et civique des étrangers qui obtiennent un titre de séjour.

Monsieur Pancher, soyez assuré de notre volonté de ne pas laisser la Manche se transformer en cimetière maritime, comme de notre volonté d'assurer dans des conditions dignes l'exercice du droit d'asile sur notre sol. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

M. Pierre Cordier. Blanquer, la semaine dernière, était meilleur…

M. Erwan Balanant. Voilà bien une réflexion misogyne !