Question au Gouvernement n°463 : limitation de la vitesse autorisée sur les routes secondaires

15ème Législature

Question de : M. Arnaud Viala (Occitanie - Les Républicains), posée en séance, et publiée le 17 janvier 2018


LIMITATION DE LA VITESSE AUTORISÉE SUR LES ROUTES SECONDAIRES

M. le président. La parole est à M. Arnaud Viala, pour le groupe Les Républicains.

M. Arnaud Viala. Monsieur le Premier ministre, en guise de bons vœux pour l'année 2018 aux Français, vous leur avez notamment fait part de votre décision d'abaisser à quatre-vingts kilomètres à l'heure la limitation de vitesse sur tout le réseau secondaire à double voie sans séparateur central. Joli cadeau ! Personne ne conteste aujourd'hui les mesures qui visent à réduire le fléau de la mortalité routière et des séquelles irréversibles ; mais, en l'espèce, les Français ont besoin d'explications.

Qu'est-ce qui prouve que cette mesure aura des effets bénéfiques ? Aucune étude, aucun débat, fût-ce au Parlement où vous déclenchez une épidémie de schizophrénie aiguë chez les membres de votre majorité. Une restriction aussi déphasée avec la modernisation de nos véhicules et de nos routes va engendrer, au contraire, la multiplication des comportements à risque, pour dépasser les poids lourds notamment. Que dites-vous aux Français des territoires ruraux – comme ceux de mon département de l'Aveyron, pour lesquels votre mesure concerne 98 % du réseau routier, puisqu'il n'y a quasiment que des routes secondaires sans séparateur – dont l'attractivité et la compétitivité économique et résidentielle dépendent de la mobilité de ceux qui y vivent ?

Le moins que l'on puisse dire, c'est que vous les gâtez : hausse de la CSG,…

M. Sylvain Maillard. Ça n'a rien à voir !

M. Arnaud Viala. …augmentation du gasoil, et maintenant, coupe sombre sur leurs trajets ! Voulez-vous vider notre monde rural ? Quid du coût exorbitant des remplacements de la signalétique ? Cet argent ne serait-il pas mieux dépensé pour aménager les zones accidentogènes ? Enfin, des tensions vont naître partout entre nos concitoyens et nos forces de l'ordre, lorsque les sanctions pleuvront, alors même que nos policiers et nos gendarmes ont singulièrement besoin d'un soutien massif dans les missions de préservation de la paix qu'ils accomplissent au quotidien.

En 1966, Georges Pompidou, alors Premier ministre du Général de Gaulle, s'exclamait : « Mais arrêtez donc d'emmerder les Français ! ». (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – « Oh ! » sur de nombreux bancs du groupe REM.) Il traduisait parfaitement le sentiment de la France de 2018 face à votre décision incompréhensible. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, chaque année, 3 500 morts sur les routes françaises, 72 000 blessés dont 25 000 gravement, soit la population de Rodez, dans l'Aveyron ! Pour ces blessés graves, les séquelles sont permanentes : des amputés, des gens qui ont des traumatismes ou des lésions si durables que leur vie s'en trouve parfois définitivement transformée.

Mme Valérie Lacroute. Mais ce n'est pas la vitesse !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. On peut dire que cela n'arrive qu'aux autres ou le souhaiter ; mais vous savez comme moi, nous savons tous, mesdames, messieurs les députés, que ce fléau nous frappe tous…

M. Pierre Cordier. Personne n'a dit le contraire !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. …et qu'il est en train de nous frapper de plus en plus. En dépit des améliorations des véhicules que vous mentionnez, monsieur le député, il y a plus de morts cette année que l'année dernière, l'année précédente et celle d'avant. Nous sommes en train de connaître un retour en arrière dans cette politique publique pour la sécurité des Français. Monsieur le député, 92 % des accidents de la route graves sont dus à une erreur de comportement humain ; 4 % à une défaillance des véhicules ; 4 % à l'entretien du réseau routier. Ce sont donc bien les comportements qu'il faut corriger en la matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

Le plan que j'ai présenté comporte des mesures sévères concernant l'usage de l'alcool et celui des stupéfiants, ainsi que la conduite sans permis – vous le savez.

M. Pierre Cordier. Nous sommes d'accord là-dessus !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . De façon systématique – vous le savez aussi – la vitesse est un facteur aggravant. Sur les routes que vous évoquez, elle est à l'origine de près de 60 % des accidents graves. La mesure que nous prenons est impopulaire, comme l'étaient les mesures prises par Jacques Chirac en 2002…

M. Laurent Furst. Elles ont été inutiles !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . …visant à diminuer le nombre d'accidents. Or ces mesures ont porté leurs fruits.

M. Claude Goasguen. C'est vrai !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . De même, la mesure qui a rendu obligatoire le port de la ceinture de sécurité en 1973 a été impopulaire, alors qu'elle a eu des effets positifs.

Nous ne gagnerons pas d'argent supplémentaire avec ces mesures. L'ensemble des recettes supplémentaires sera versé aux centres médico-sociaux qui s'occupent de ceux qui ont eu un accident grave. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.) Ces recettes ne seront pas de l'argent de poche pour l'État : il s'agit de diminuer le nombre de victimes blessées ou tuées sur les routes et d'obtenir collectivement de meilleurs résultats.

Sans vouloir être polémique sur un tel sujet – nous ne devrions pas l'être, je crois, même si je comprends la mauvaise humeur, voire le scepticisme –,…

M. Éric Straumann. C'est de la démagogie !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. …je voudrais simplement vous dire une chose : 3 500 morts par an, sur un quinquennat, cela représente près de 17 000 morts, soit une ville comme Fécamp qui est rasée de la carte ! Quant aux 24 000 accidents graves, c'est, je vous l'ai dit, la population de Rodez, tous les ans. Nous pouvons faire mieux, et la mesure que j'ai proposée nous le permettra.

Si dans deux ans, le 1er juillet 2020, au moment où nous ferons le bilan de l'ensemble des mesures prises dans le plan que j'ai présenté, vous trouvez qu'il y a à redire, je vous propose, monsieur le député – vous serez là ; je ne peux pas dire que j'y serai –, que vous et moi, qui nous connaissons et nous estimons, ayons cette discussion. Et quelque chose me dit, monsieur le député, qu'elle prendra un tour un peu différent. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM et sur quelques bancs du groupe LR.)

Données clés

Auteur : M. Arnaud Viala (Occitanie - Les Républicains)

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Sécurité routière

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 janvier 2018

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