Abandon des quartiers prioritaires de la politique de la ville
Question de :
M. Pierre Dharréville
Bouches-du-Rhône (13e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Pierre Dharréville alerte Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales au sujet des « quartiers politiques de la ville » (notamment celui de Canto-Perdrix à Martigues) qui voient déserter les services publics nationaux, ce qui engendre colère et indignations de la part des habitants. Il lui demande quelle est la position du Gouvernement sur ces questions.
Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2018
ABANDON DES QUARTIERS PRIORITAIRES DE LA POLITIQUE DE LA VILLE
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour exposer sa question, n° 466, relative à l'abandon des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
M. Pierre Dharréville. Le 22 novembre dernier, deux jeunes sont morts assassinés dans le quartier de Canto-Perdrix à Martigues. J'ai une pensée pour les familles, ainsi que pour les habitants de ce quartier et de toute la ville. Tous ont été meurtris par cet événement dramatique. Ils veulent vivre bien, ils veulent vivre ensemble en paix. Voici un an, c'était le message porté par jeunes et moins jeunes dans un spectacle grandiose sur la place principale du quartier.
Mais, dans ce quartier prioritaire de la politique de la ville, 38 % de la population a moins de 25 ans ; plus du tiers des habitants vivent sous le seuil de pauvreté et près d'un quart des ménages bénéficient des minima sociaux. Ces chiffres indiquent clairement une concentration de difficultés économiques et sociales. C'est pourtant un quartier qui ne veut pas être caricaturé, où la solidarité n'est pas un vain mot, où les habitants de toutes les générations aiment à se rassembler pour échanger, participent aux instances de décision locales, où les locataires s'organisent, où l'on se retrouve pour le plaisir d'être ensemble dans le centre social – la maison de quartier Jeanne Pistoun – financé en grande partie par la municipalité et dont les animateurs et éducateurs sont très engagés.
Or, dans le cadre de la fusion présupposée du département et de la métropole, voici qu'il est déjà demandé à la mairie de dresser l'inventaire des centres sociaux dans le but, sans doute, de prendre la main et de revoir le déploiement de ces derniers.
L'État est défaillant dans ses missions régaliennes – l'éducation, la santé, la sécurité, la justice – et la loi ELAN n'encouragera pas les rénovations permettant d'offrir un meilleur cadre de vie. Dans ces quartiers dits sensibles ou populaires, les habitants n'ont pas tout à fait les mêmes droits. Il y a quelques jours, les habitants de Canto-Perdrix ont appris qu'ils n'avaient plus de facteurs titulaires. En d'autres termes, s'il manque des postiers, le courrier ne sera pas distribué. Comment pouvez-vous intervenir pour remédier à ce problème ?
Dans les quartiers populaires – à Port-de-Bouc, au Prépaou, à Canto-Perdrix –, c'est l'état d'urgence sociale et le service public s'effiloche. Certaines colères s'expriment dans la rue, d'autres restent contenues. Tous les quartiers identifiés dans le cadre de la politique de la ville doivent bénéficier de moyens, de services publics, et de présence humaine accrus. Donner un avenir aux jeunes doit être une priorité. Ces derniers ont des idées, des désirs, du talent ; ils ne doivent pas être empêchés, mais encouragés. À Canto-Perdrix, je rêve de quinze enfants par classe, d'une équipe médico-sociale pour les établissements scolaires, de permanences de la caisse d'allocations familiales et de la sécurité sociale, d'un bureau de poste, d'un poste de police nationale, qui est en sous-effectif, et d'un soutien supplémentaire aux centres sociaux.
Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre, et avec quels moyens, pour rétablir l'égalité républicaine et renforcer la présence humaine dans ce quartier meurtri de Canto-Perdrix qui ne veut pas être abandonné par la République ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.
M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Le 14 novembre 2017, à Tourcoing, le Président de la République appelait à une mobilisation nationale pour les quartiers prioritaires. A suivi une longue période de concertation, à l'issue de laquelle a été adoptée une feuille de route comprenant quarante mesures gouvernementales qui seront déclinées par Julien Denormandie, dont je vous prie d'excuser l'absence ce matin.
Les habitants des quartiers prioritaires demandent d'abord à être traités à égalité, notamment en ce qui concerne les services publics. S'agissant de la présence de La Poste, je vais prendre l'attache du cabinet de Julien Denormandie et de Philippe Wahl, président-directeur général de La Poste, pour examiner le point que vous avez soulevé.
Sur les enjeux de sécurité, des réponses sont apportées : 1 300 postes de policiers et gendarmes seront déployés d'ici 2020 dans 60 quartiers de reconquête républicaine. Le cabinet du ministre de l'intérieur est à votre disposition pour examiner les besoins de renfort dont vous faites état.
Le droit de vivre dans un endroit digne et agréable est réaffirmé à travers la relance accélérée du renouvellement urbain dans 450 quartiers, doté de 10 milliards d'euros d'aides publiques, et une stratégie nationale pour le traitement des copropriétés dégradées qui était attendue depuis longtemps. Dans ces matières, il n'est évidemment pas question d'agir seul. Tel est le sens du pacte de Dijon, signé par le Premier ministre le 16 juillet dernier, qui marque la volonté d'associer pleinement les collectivités.
La fusion du département et de la métropole n'est pas encore actée. Le préfet de région a pour mission de remettre au Gouvernement un rapport permettant de l'éclairer sur les choix à venir. Le recensement que vous évoquez s'inscrit dans le cadre de ce rapport et ne préjuge en rien des décisions que le Gouvernement pourrait prendre.
Il faut désormais s'assurer de la traduction de la mobilisation nationale, quartier par quartier, et notamment à Canto-Perdrix à Martigues.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville. Je vous remercie de votre réponse et de ce que vous pourrez faire concrètement pour trouver une solution aux différents problèmes que j'ai soulevés.
La fusion du département et de la métropole est à l'étude, dites-vous. J'en conviens, une évolution institutionnelle est nécessaire afin de tirer les leçons de ce qui n'a pas fonctionné, mais les réformes à venir ne doivent pas être dictées par des objectifs d'économie et d'austérité, sinon leurs résultats seront désastreux.
J'insiste sur le soutien aux centres sociaux, dont la capacité à agir a été affectée par la suppression des emplois aidés – des manifestations répétées ont eu lieu dans le département en ce sens.
Auteur : M. Pierre Dharréville
Type de question : Question orale
Rubrique : Politique sociale
Ministère interrogé : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Ministère répondant : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 décembre 2018