Réforme institutionnelle
Question de :
M. Gabriel Serville
Guyane (1re circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Gabriel Serville interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le calendrier de la réforme constitutionnelle et sur le projet d'évolution statutaire de la Guyane.
Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2018
RÉFORME CONSTITUTIONNELLE ET STATUT DE LA GUYANE
Mme la présidente. La parole est à M. Gabriel Serville, pour exposer sa question, n° 467, relative à la réforme constitutionnelle et au statut de la Guyane.
M. Gabriel Serville. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. En mars-avril 2017, la Guyane était précurseur d'un vaste mouvement qui a précédé les dynamiques sociales observées depuis quelques semaines sur le territoire de France hexagonale. Ce mouvement de protestation se cristallisait autour de revendications liées au non-développement de notre territoire. Il a par ailleurs abouti à la signature, le 21 avril 2017, d'un accord dit « accord de Guyane », dont l'un des points forts est la mise en œuvre d'un processus d'évolution du statut de la Guyane.
Cette question est récurrente, car elle a été posée par tous les présidents de la Ve République, du général De Gaulle au dernier président, François Hollande. Le président Emmanuel Macron a du reste évoqué lui aussi cette éventualité lors de son passage en Guyane. Elle a également été reprise par toute la classe politique de Guyane, mais elle n'a toujours pas abouti à ce jour.
Nous sommes cependant à un tournant de notre histoire car, en vertu des compétences qui lui ont été attribuées par la loi du 27 juillet 2011, le congrès des élus de Guyane s'est récemment prononcé, dans une résolution, pour demander que le Premier ministre soit saisi afin que le processus de consultation populaire qui doit précéder l'évolution du statut soit mis en œuvre le plus rapidement possible. Toutefois, comme cela s'est produit après l'affaire Benalla, les mouvements sociaux qui ont secoué la France hexagonale ont conduit à différer la reprise des travaux relatifs à la révision de la Constitution.
Madame la ministre, l'attente d'une réponse gouvernementale à la hauteur des enjeux est très forte en Guyane. Je voudrais donc savoir si, à ce stade, vous seriez en mesure de nous dire solennellement quelle réponse peut être apportée à cette demande émanant de la classe politique de la Guyane, sachant que, comme j'ai toujours dit, la question n'est pas d'ordre idéologique – il s'agit simplement d'une question de bon sens, d'une question pragmatique. Nous avons en effet relevé qu'à chaque fois que nous votons les lois dans cet hémicycle, l'exposé des motifs traite de questions, de caractéristiques et de vérités qui se rapprochent de la situation qui prévaut en France hexagonale, mais qui sont aux antipodes des vérités que nous connaissons sur le territoire de la Guyane. La population de ce territoire et la classe politique sont donc en droit d'attendre une réponse favorable de votre part.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Monsieur le député, vous interrogez le Gouvernement sur les évolutions institutionnelles envisagées pour la Guyane dans le cadre de la révision constitutionnelle. Pour ce qui est tout d'abord du calendrier de cette dernière, l'examen du projet de loi, comme vous le savez, ne reprendra pas au mois de janvier – ce point est en train d'être acté, en cet instant même, en conférence des présidents. Cette décision fait suite à la volonté exprimée par le Président de la République d'organiser un grand débat sur l'ensemble du territoire national, qui doit notamment porter sur la démocratie et la citoyenneté, car c'est ce que nos concitoyens nous demandent. Le Premier ministre l'a annoncé ici même jeudi dernier. Il est donc logique d'attendre le résultat de ce grand débat avant de reprendre l'examen de la révision constitutionnelle.
Pour ce qui concerne plus spécifiquement la Guyane, l'organisation, en 2018, des états généraux, clôturés par le congrès des élus du 27 novembre dernier, a démontré toute l'importance de la question institutionnelle pour les élus du territoire, comme vous venez de le rappeler. L'État n'a pas été associé à ces réflexions mais, comme la ministre des outre-mer, Annick Girardin, a déjà eu l'occasion de le dire, le Gouvernement ne s'opposera pas aux projets des territoires, pourvu qu'ils soient portés par l'ensemble – c'est-à-dire une très grande majorité – des parlementaires, qu'ils aient pu faire l'objet d'une large concertation et qu'ils soient pleinement partagés par tous les Guyanais. C'est à cela que le Gouvernement sera attentif.
Mme la présidente. La parole est à M. Gabriel Serville.
M. Gabriel Serville. Merci, madame la ministre. J'ai été très attentif à la réponse que vous nous avez apportée. Je reconnais avec vous les contraintes qui pèsent aujourd'hui sur le calendrier. Toutefois, comme vous l'avez dit et comme je tiens à le rappeler, nos territoires ont déjà fait l'objet à plusieurs reprises d'états généraux. Nous avons été, en quelque sorte, précurseurs de ce qui se passera prochainement sur le territoire de France hexagonale. Les assises des outre-mer nous ont permis de réfléchir à diverses modalités susceptibles de faire évoluer le cadre économique de nos territoires. Il est vrai que la question récurrente du cadre institutionnel n'a pas encore abouti. Dans tous les cas, je tiens à rappeler que, comme je l'ai dit précédemment, nous sommes déjà engagés dans ce processus.
Je souhaiterais qu'une fois que nous serons parvenus à l'étape ultime, le Gouvernement entende que nous sommes dans une démocratie et que, pour fonctionner correctement, la démocratie n'a pas besoin de s'appuyer sur une très large majorité, comme vous l'avez dit dans votre réponse, mais tout simplement sur une majorité. Dans le passé, en effet, les Guyanais s'étaient déjà prononcés et on nous avait fait entendre que la majorité qui s'était dégagée n'était pas suffisante pour que le résultat soit pris en considération. Je tiens donc à dire aujourd'hui, afin que cela soit noté pour la suite des travaux que nous allons entreprendre, qu'il suffit que la majorité des élus s'oriente dans une direction pour obliger – je dis bien : obliger – le Gouvernement à prendre en considération la décision majoritaire, même si cette majorité n'est pas écrasante ni très large. Il suffit en effet qu'il y ait la majorité pour que les choses avancent.
Nous sommes donc en attente de la réponse que nous fera le Premier ministre, tout en sachant que nous pouvons parfaitement décorréler les travaux qui seront menés sur le territoire de la Guyane de ceux qui seront menés sur celui de la France hexagonale.
Auteur : M. Gabriel Serville
Type de question : Question orale
Rubrique : État
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 décembre 2018