Situation dans les EHPAD à but lucratif
Question de :
Mme Christine Pires Beaune
Puy-de-Dôme (2e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 9 février 2022
SITUATION DANS LES EHPAD À BUT LUCRATIF
M. le président. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.
Mme Christine Pires Beaune. Monsieur le Premier ministre, les réactions à la publication du livre Les Fossoyeurs se multiplient et c'est tant mieux. Personnellement, je suis révoltée, scandalisée, choquée par ces révélations, mais aucunement surprise. En effet, ici même le 9 octobre 2018, j'ai interrogé Mme Buzyn, ministre de la santé, à la suite des révélations de maltraitance dans les EHPAD privés à but lucratif. Je lui ai demandé très clairement de diligenter des enquêtes et de sanctionner si nécessaire. Or c'est tout l'inverse qui s'est passé. Lors de son audition à l'Assemblée nationale, le directeur général d'Orpea nous a indiqué le nombre de contrôles effectués dans ses établissements : 96 en 2016, 75 en 2017, 55 en 2018, 49 en 2019, 18 en 2020, 10 en 2021. Pourquoi avoir diminué les contrôles dès 2017 et avoir continué à le faire alors qu'en 2018, le scandale avait été révélé au grand jour par les chaînes télé ? Quand allez-vous convoquer les vrais responsables de ce scandale (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et GDR), à savoir le fondateur du groupe, le docteur Marian, parti en Belgique après avoir vendu en janvier 2020 toutes ses parts pour 456 millions d'euros ; le numéro 2, Yves Le Masne, limogé après la sortie du livre, mais qui avait vendu ses parts avant ; et le numéro 3, Jean-Claude Brdenk, qui lui a aussi quitté le groupe, mais s'est fait élire vice-président du SYNERPA – le Syndicat national des établissements et résidences privés et services d'aide à domicile pour personnes âgées – avant d'être exfiltré il y a quelques jours pour aller prendre la direction du groupe Bastide ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Vous citez les chiffres de contrôle des EHPAD par les ARS, les agences régionales de santé. Je voudrais que les choses soient claires sur ce point : il n'y a eu, bien évidemment, aucune consigne de réduction des contrôles. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.) En revanche, en 2020 et 2021, la crise sanitaire a eu des répercussions sur le fonctionnement des ARS, ce dont chacun peut convenir. Quels sont les enjeux auxquels nous devons faire face ? Récemment, nous avons débattu dans cet hémicycle d'une mesure visant à la certification des établissements recevant des personnes âgées ; si cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, elle a le mérite de montrer l'intention du Gouvernement et de la majorité – je crois d'ailleurs que vous aviez voté avec nous, et je vous en remercie – de créer des normes de certification pour les EHPAD comme il en existe pour les hôpitaux. La portée des contrôles est toute relative car, selon qu'ils sont effectués le jour ou la nuit, durant le service d'une équipe ou d'une autre, ils n'aboutissent pas forcément aux mêmes conclusions. Cela dit, les contrôles peuvent être informatifs, et certains d'entre eux conduisent à des contre-visites et parfois à des sanctions.
Pour ma part, je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin et ne pas attendre de tomber sur des difficultés pour se dire qu'elles existent. Il faut les anticiper, ce que nous avons fait avec la création de la cinquième branche, le recrutement de dizaines de milliers de postes, l'augmentation des salaires, la modernisation et la reconstruction de 3 000 hôpitaux et EHPAD, toutes mesures résultant du Ségur. (Mêmes mouvements.) Nous devons également aller plus loin en matière de normes, avec une certification pour les EHPAD.
Par ailleurs, plutôt que de nous intéresser aux statuts, intéressons-nous aux missions. Dans le cadre de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE), le Parlement s'est prononcé pour la création et le développement de sociétés à mission. Pourquoi ne pas envisager par exemple – c'est une piste de réflexion que je soumets au débat public – une évolution vers des sociétés à mission afin d'assurer la portée sociale des entreprises à but lucratif ? Je crois qu'il existe de bons et de mauvais EHPAD à but lucratif.
M. Maxime Minot. Comme il y a de bons ministres et de très mauvais ministres !
M. Erwan Balanant. Cela vaut aussi pour les députés, monsieur Minot !
M. Olivier Véran, ministre . Certains comportements peuvent sans doute être qualifiés de voyous – le cas échéant, les enquêtes en cours permettront de le démontrer –, mais vous trouverez aussi dans les EHPAD à but lucratif des femmes et des hommes qui s'investissent au service des personnes âgées et fragiles. Je le répète, il est important de voir ce qui a été voté au cours des deux années précédentes et ce qu'il reste à faire.
M. le président. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.
Mme Christine Pires Beaune. Ce que nous souhaitons, c'est un moratoire pour toute création de place dans les établissements privés à but lucratif ; que les signalements auprès de votre administration fassent systématiquement l'objet d'une saisine de la justice ; un droit de visite inopinée pour tous les parlementaires ; une multiplication des contrôles indépendants ; et surtout des créations de postes de soignants pour atteindre les ratios prévus dans le rapport Libault. Enfin, s'il vous plaît, répondez aux premières questions que je vous ai posées ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.)
Auteur : Mme Christine Pires Beaune
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Dépendance
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 février 2022