Question au Gouvernement n°477 : projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes

15ème Législature

Question de : M. Marc Fesneau (Centre-Val de Loire - Mouvement Démocrate et apparentés), posée en séance, et publiée le 18 janvier 2018


PROJET D'AÉROPORT À NOTRE-DAME-DES-LANDES

M. le président. La parole est à M. Marc Fesneau, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.

M. Marc Fesneau. Monsieur le Premier ministre, plus de quarante années d'indécision, plus de quarante ans d'atermoiements et des années d'affaiblissement de l'ordre républicain, telle était la situation dont votre gouvernement a hérité en juin dernier, concernant le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

M. Pierre Cordier. Quand François Bayrou était au Gouvernement, il aurait pu décider !

M. Marc Fesneau. Nous avions depuis longtemps exprimé notre scepticisme sur ce projet, peu convaincus que cet équipement puisse répondre encore aux réels besoins d'aménagement de ce territoire. Vous avez initié une méthode permettant un éclairage sur une alternative à ce projet. C'est un choix éclairé par sa méthode.

Vous avez eu le courage de trancher, monsieur le Premier ministre, et nous vous en félicitons. C'est une décision claire, enfin, à tout point de vue.

Dès lors, maintenant que nous savons ce débat empoisonné derrière nous, apparaît une autre certitude. Pour notre part, force doit rester à la loi. Pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, on a laissé s'installer sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes des centaines de personnes niant à l'État sa légitimité et créant une zone de non-droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et REM.)

M. Christian Jacob. La déclaration d'utilité publique date de 2013 !

M. Marc Fesneau. Sous le quinquennat suivant, toutes les tentatives de restauration de l'État de droit ont échoué.

M. Fabien Di Filippo. Qu'a fait Manuel Valls !

M. Marc Fesneau. Le non-droit, nous n'en voulons plus. C'est l'engagement que vous avez pris et nous vous en remercions.

M. Thibault Bazin. Là, vous capitulez !

M. Marc Fesneau. Pour nous, il ne peut y avoir ni perdant ni gagnant dans cette décision. Il y a des déçus, que nous pouvons comprendre et auxquels nous disons aujourd'hui qu'il faut nous tourner résolument vers l'avenir.

Monsieur le Premier ministre, que prévoit votre gouvernement en matière d'aménagement aéroportuaire et ferroviaire pour le Grand Ouest, et au service de quel projet de développement pour cette grande région ? Nous devons ce développement au Grand Ouest. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe REM.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Fesneau, vous avez évoqué dans votre question les déçus, ceux qui ne comprennent pas cette décision. Quant à ceux qui sont en colère, vous ne les avez pas mentionnés, mais ils sont nombreux. Pour avoir rencontré plus d'une centaine d'élus locaux, des maires, qui sont porteurs de l'intérêt de leur territoire et qui, considérant que ce projet était le bon, l'avaient soutenu pendant longtemps, je puis vous dire que je comprends parfaitement leur déception et, à certains égards, leur incompréhension.

Dans la position où je me trouve, celle de Premier ministre, je dois prendre en compte les aspirations formulées par ces maires, par les élus locaux, par les parlementaires qui, bien entendu, s'expriment. Je dois aussi choisir et prendre en compte une série d'éléments qui s'imposent à moi comme à tous ceux qui se trouvent au Gouvernement, et plus encore à celui qui dirige le Gouvernement.

Trois choses essentielles ont motivé la décision que j'ai prise.

La première, je l'ai dit, c'est que les délais considérables, la façon dont les choses se sont passées – je ne veux pas jeter l'opprobre sur tel ou tel – ont été tels – c'est un constat objectif – que rien n'a été fait, que les positions étaient tranchées, souvent violentes de la part de certains, et que plus rien n'avançait.

Nous savons tous – encore une fois, je le dis sans esprit polémique – que, dans les grands projets d'infrastructures comme celui-ci, l'opposition locale est toujours de mise et que, derrière elle, il y a en général un mouvement puissant qui fait que l'intérêt du projet s'impose avec une forme d'évidence.

Permettez-moi de vous dire, monsieur le président, que cinquante ans d'hésitation ne font jamais une évidence. Jamais ! (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et UAI.)

Mme Émilie Bonnivard. Ce sera pareil pour le Lyon-Turin !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. La deuxième raison qui m'a motivé, c'est que le transport aérien s'est transformé. Il y a cinquante ans, dans les années soixante, l'idée était de pouvoir faire décoller un Concorde le plus rapidement possible, et c'était la première justification du projet. Elle a été abandonnée.

La deuxième justification était de compléter une grande plate-forme aéroportuaire régionale qui permettrait de développer des vols internationaux, y compris long-courriers. C'était probablement parfaitement légitime. Je ne prétends pas être un expert du transport aérien, mais ce n'est pas ce que nous observons aujourd'hui. Ce que nous observons, c'est que, sur un territoire comme la France, peu d'aéroports peuvent prétendre être un grand hub international. Aujourd'hui, il y a la plate-forme parisienne, c'est vrai, et Nice.

M. Marc Le Fur. Nous avons compris : il faudra de toute façon passer par Paris !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Et les autres aéroports, qui sont légitimes, qui existent, qui sont utiles, ne sont pas des grandes plates-formes régionales qui permettraient de joindre des points distants par des vols internationaux. Tout le monde sait qu'il faut aller dans ces grandes plates-formes aéroportuaires. Je ne dis pas que c'est satisfaisant, mais c'est la tendance actuelle du transport aérien, et c'est vrai non seulement en France, mais partout en Europe.

À partir de là, compte tenu des difficultés réelles liées à l'ordre public, compte tenu de l'opposition forte et frontale constatée depuis longtemps et à un niveau inégalé,…

M. Pierre Cordier. Mais qui est le fait d'une minorité !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. …nous avons pris la décision de ne pas persévérer dans ce dossier, de dire clairement qu'il n'irait pas à son terme et de réfléchir ensuite à la mise en réseau des plates-formes aéroportuaires régionales. Elles existent. De ce point de vue, la Bretagne et les Pays de la Loire sont bien dotés. Il faut faire évoluer ces plates-formes, ce à quoi l'on n'avait pas pensé, puisqu'on se plaçait dans la perspective de la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Cela exige de travailler en bonne intelligence avec les élus locaux. Je sais bien, compte tenu du contexte dans lequel intervient cette décision, que cela ne sera pas facile immédiatement, mais, de la même façon que j'ai tenu à les rencontrer tous et à discuter avec eux, parce que je sais qu'au-delà de leurs convictions et des critiques qu'ils formulent, ils sont de bonne foi, je pense que nous pouvons, dans les mois qui viennent, nouer ce dialogue et réfléchir ensemble à la meilleure façon de faire évoluer les mobilités pour le Grand Ouest. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

Données clés

Auteur : M. Marc Fesneau (Centre-Val de Loire - Mouvement Démocrate et apparentés)

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Transports aériens

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 janvier 2018

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