ORPEA
Question de :
M. Joël Aviragnet
Haute-Garonne (8e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 16 février 2022
ORPEA
M. le président. La parole est à M. Joël Aviragnet.
M. Joël Aviragnet. Monsieur le Premier ministre, il y a trois semaines, la sortie de l’enquête de Victor Castanet dans l’ouvrage Les Fossoyeurs a produit l’effet d’une bombe. Les Français ont appris avec stupeur, rage et dégoût que certains EHPAD à but lucratif auraient mis en place un système industrialisé de réduction des coûts au détriment des conditions de vie des résidents.
Les auditions auxquelles a procédé la commission des affaires sociales depuis lors n’ont pas convaincu. Les responsables du groupe Orpea ont soigneusement évité de répondre aux questions de la représentation nationale.
Si ce système est réel, il doit être empêché, interdit. Le vieillissement de notre population doit nous inciter à mettre au premier plan la question du grand âge.
Comme la semaine dernière à ma collègue Mme Pires Beaune, vous répondrez sans doute que la création de la cinquième branche de la sécurité sociale et de 10 000 postes supplémentaires montre que vous avez agi. Mais c’est 200 000 postes qu’il faudrait créer dans les EHPAD !
Vous lui aviez aussi répondu qu’il existe de bons et de mauvais EHPAD à but lucratif. Mais la cotation en bourse et la recherche de dividendes toujours plus élevés sont incompatibles avec une gestion humaine des personnes âgées, et l’affaire Orpea, si elle est avérée, en est le meilleur exemple.
Nous devons agir, et vite, pour faire toute la lumière sur cette affaire. Les quatre missions flash créées par la commission des affaires sociales sont largement insuffisantes, car elles n'entraîneront pas d’obligation légale pour les responsables d’EHPAD privés à but lucratif de répondre aux questions des députés.
C’est pourquoi la création d’une commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Orpea est nécessaire. Chers collègues de la majorité, demandez-la avec nous si vous ne l'avez pas déjà fait. (Mme Christine Pires Beaune applaudit.) Elle est le seul moyen de faire toute la lumière sur cette affaire. Les groupes parlementaires d’opposition, les principaux syndicats et surtout les familles des victimes supposées de ce système demandent unanimement la création d’une telle commission.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi avoir abandonné la loi grand âge, alors que plusieurs rapports parlementaires et des enquêtes journalistiques nous alertaient dès 2018 sur de nombreux dysfonctionnements au sein des EHPAD privés à but lucratif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie. J'ai trop de respect pour la séparation des pouvoirs et aussi pour le rôle souverain du Parlement pour m'immiscer dans une décision qui vous appartient, d'autant que j'ai présidé la belle commission des affaires sociales, dont je salue la présidente et ses membres qui effectuent un travail actif au cours d'un cycle d'auditions publiques.
Cela étant dit, sachez que je m'engage à faire toute la lumière devant la représentation nationale et à rendre publics les rapports des inspections – et non des moindres – que j'ai diligentées, celle de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et celle de l'Inspection générale des finances (IGF).
Mais de grâce, mesdames et messieurs les parlementaires,…
M. Maxime Minot. De grâce, de grâce !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée . …ne passons pas de décennies d'indifférence généralisée sur le grand âge…
M. Patrick Hetzel. Dont les cinq dernières années !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée . …à l'ère de la suspicion généralisée sur les EHPAD, où elle est douloureusement ressentie. Pour ma part, je voudrais rendre hommage aux personnels soignants, aux résidents à leur famille, qu'il convient de réconforter. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Jean-Luc Reitzer applaudit également.)
Si l'affaire Orpea est aussi grave, c'est parce qu'elle révèle un système dans un groupe lucratif, mais aussi et surtout parce qu'elle abîme le lien de confiance, si fragile et précieux, entre les soignants, les familles et les dirigeants des établissements. Croyez-moi, ils en souffrent énormément en ce moment.
Non seulement le Gouvernement ne découvre pas les difficultés, mais il agit depuis cinq ans. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Nous faisons ce que vous n'avez pas fait. La cinquième branche de la sécurité sociale, dédiée à l'autonomie, vous en rêviez. Nous, nous l'avons créée ! Nous y avons investi 30 milliards d'euros.
Nous avons lancé un plan d'investissements pour des établissements dont vous devriez avoir honte ! (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Nous y avons consacré 2,1 milliards d'euros. Nous avons revalorisé les salaires – ce que vous n'aviez pas fait – dans le secteur des EHPAD et de l'aide à domicile. (Mêmes mouvements.) Voilà ce qu'il fallait faire pour le grand âge que vous avez largement abandonné ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Auteur : M. Joël Aviragnet
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Dépendance
Ministère interrogé : Autonomie
Ministère répondant : Autonomie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 février 2022