15ème législature

Question N° 4869
de Mme Clémentine Autain (La France insoumise - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > environnement

Titre > Fort de Vaujours

Question publiée au JO le : 30/01/2018 page : 760
Réponse publiée au JO le : 17/04/2018 page : 3354

Texte de la question

Mme Clémentine Autain attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire sur la situation du fort de Vaujours, toujours couvert par le secret défense. De 1951 à 1997, cette ancienne fortification militaire, surnommée « l'antichambre du Pacifique », a été utilisée par le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) pour y développer les détonateurs des bombes atomiques pour l'armée française. Des milliers de tirs à l'uranium y ont été effectués, aussi bien à l'air libre que dans des bunkers ou dans des puits. Une commission de suivi, créée en 2001-2002, permet de réaliser des travaux partiels de dépollution, mais sur une zone et à une profondeur restreintes. La question de la gestion des déchets nucléaires reste cependant toujours d'actualité. Les conséquences sanitaires de ces essais restent préoccupantes. À Courtry, ville voisine, l'augmentation du nombre de cas de cancer est alarmante. Selon les chiffres fournis par l'Agence régionale de santé, les taux de décès par tumeurs sont de 52 % pour les hommes et 49 % pour les femmes à Courtry, quand les taux sont de 36 % pour les hommes et 26 % pour les femmes en Seine et Marne. Le site, racheté en 2010 par l'entreprise Placoplatre, deviendra une carrière à ciel ouvert, qui permettra l'exploitation du gypse contenu dans le sous-sol. L'entreprise va ainsi se charger de la démolition mais aussi de la dépollution du lieu, sans expérience de ce type de chantier. Les millions de m3 de terres potentiellement contaminées seront déplacés dans les travaux pourraient conduire à un désastre sanitaire sans précédent. C'est pourquoi une centaine d'élus et d'associations et plus de 2 500 citoyens exigent aujourd'hui l'arrêt des travaux sur le Fort de Vaujours tant que des études exhaustives concernant les terres, l'eau et les bâtiments n'auront pas été mises en œuvre. Le principe de précaution, préalable incontournable au respect de ces exigences, doit être respecté sur ce site. Elle lui demande donc de mettre en place un périmètre de protection autour du site et de lever le secret-défense, afin que les conditions de la vérité et de la transparence soient enfin réunies.

Texte de la réponse

Le fort de Vaujours a été utilisé comme dépôt de munitions par l'armée allemande entre 1940 et 1944, ensuite comme site d'essais pyrotechniques par la Poudrerie nationale de Sevran et enfin de 1955 à 1997 comme site d'essai par la Direction des applications militaires du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) pour l'étude des poudres et explosifs utiles au développement des armes nucléaires. Le processus d'abandon de site a débuté en 1998 avec le dépôt par le CEA d'un dossier de cessation d'activités auprès des services de l'État. L'instruction du dossier a donné lieu a deux enquêtes publiques l'une en mai/juin 2000 et l'autre en juin/juillet 2004. Pour donner suite aux préoccupations exprimées lors de l'enquête publique de 2000, les préfets de Seine-Saint-Denis et de Seine-et-Marne ont mis en place une commission de suivi de site, qui regroupent les services de l'État, les élus, des associations locales ainsi que le propriétaire et l'occupant du site, et un groupe d'experts. À l'issue de ce processus un arrêté inter-préfectoral, signé le 22 septembre 2005, a instauré des servitudes d'utilité publique sur l'utilisation des sols et du sous-sol ainsi que sur l'exécution de certains travaux. Parmi ces servitudes, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) doit être consulté préalablement sur les modalités d'intervention comportant des travaux de terrassement, d'excavation ou d'intervention sous la surface du sol, eu égard à la présence éventuelle d'une radioactivité résiduelle autre que naturelle. D'autres servitudes sont liées à la présence éventuelle de munitions anciennes ou de particules explosives. Comme le prescrit l'arrêté, la société Placoplatre, qui souhaite exploiter une carrière de gypse sur ce site, a sollicité l'IRSN dans le cadre de travaux de reconnaissance géologique de terrains par des sondages et carottages sur le site concerné. Ces investigations ont été réalisées à partir de 2011. À la lumière de l'analyse radiologique des carottes de forage, l'IRSN conclut à l'absence de risque d'exposition des personnels les manipulant. L'analyse des échantillons de sols, roches et eau n'a pas mis en évidence la présence d'uranium en excès dans les prélèvements, même si des teneurs en uranium se situant en limite haute des valeurs rencontrées de manière naturelle dans les gypses ont été mesurées. Concernant les chiffres de mortalité évoqués, ceux-ci sont des données brutes qui doivent être analysées en fonction notamment de l'age des populations. Ces chiffres indiquent non pas que les habitants de Courtry sont plus vitimes de cancers que la population générale, mais que les autres causes de décès y sont moins fréquentes. L'agence régionale de santé (ARS) a ainsi pu confirmer qu'aucune surmortalité significative par cancers n'a été constatée dans la commune. Une étude épidémiologique a par ailleurs été réalisée sur les travailleurs ayant fréquenté l'ancien site du CEA qui, elle non plus, n'a montré aucune anomalie. La société Placoplatre procède actuellement à des travaux de dépollution du site et de destruction du fort afin d'y pouvoir à terme exploiter une carrière de gypse. Ce site continue donc d'être particulièrement suivi par l'ensemble des services de l'État concernés sous l'égide des deux préfets de département, en particulier la Direction régionale et interdépartementale de l'énergie et de l'environnement (DRIEE) et de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui apporte un appui technique aux préfets sur les aspects de radioprotection. En particulier, la commission de suivi de site associant l'ensemble des parties prenantes, notamment les riverains, se réunit très régulièrement pour faire un état d'avancement du chantier, du suivi environnemental du site et du calendrier du dépôt de dossier de demande d'exploiter la carrière de gypse. Le suivi environnemental du site ne montre aucune anomalie. À ce jour, la société Placoplatre n'a pas encore déposé de demande d'autorisation d'exploiter la carrière auprès de la préfecture. Conformément à l'article R. 122-5 du code de l'environnement, ce dossier comportera une étude d'impact avec une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur la santé humaine. Ce dossier sera soumis à enquête publique. Le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, reste très attentif au déroulement de ce dossier sensible, et veille à la mobilisation pleine et entière des services de l'État sur ce dossier, tant pour s'assurer de la protection de l'environnement que de la maitrise des risques de santé publique encourus par les travailleurs et les riverains.