Question de : M. Christophe Bouillon
Seine-Maritime (5e circonscription) - Nouvelle Gauche

M. Christophe Bouillon alerte M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les expulsions des ressortissants afghans qui s'effectuent soit directement vers leur pays soit via un autre pays européen. Alors que le nombre de victimes civiles est plus élevé que jamais en Afghanistan, les Afghans sont de plus en plus obligés à repartir dans ce pays en crise. 640 personnes ont été renvoyées en Afghanistan depuis la France en 2016, comparé à 435 en 2015. Cette politique s'est encore accentuée en 2017 : du 1er janvier au 15 septembre, 1 614 Afghans ont été enfermés dans des centres de rétention sur la base d'une mesure d'éloignement. Depuis ces centres de rétention, de nombreuses personnes risquent d'être renvoyées dans le cadre du règlement de Dublin vers d'autres pays européens qui peuvent ensuite les expulser vers l'Afghanistan. En 2017, environ 150 personnes afghanes ont été renvoyées vers l'Allemagne, la Suède, le Royaume-Uni et la Norvège, qui figurent parmi les 5 pays qui renvoient les plus de personnes en Afghanistan. Pourtant, depuis la fin de la mission de l'OTAN en Afghanistan fin 2014, le pays est plongé dans la crise. 2017 est une année noire dans le pays. Aux affrontements récurrents entre les Talibans et le Gouvernement afghan, s'ajoutent les innombrables attentats terroristes qui frappent la population civile et des traitements inhumains ou dégradants que risquent de subir ces ressortissants en cas de renvoi dans leur pays d'origine. Le renvoi de ces ressortissants constitue une violation flagrante du droit international et notamment au principe de non refoulement. Ce principe a été défini dans plusieurs instruments internationaux relatifs aux réfugiés, aux niveaux universel (convention de 1951 relative au statut des réfugiés / article 33 paragraphe 1) et régional. Le Défenseur des droits a récemment demandé au Gouvernement la suspension immédiate de l'application de l'accord UE/Afghanistan de 2016. Il s'inscrit dans la même démarche et lui demande de suspendre toutes les procédures de renvoi vers l'Afghanistan de manière directe ou par transfert vers un autre pays de l'Union européenne.

Réponse publiée le 12 novembre 2019

L'exécution d'une mesure d'éloignement offre des garanties permettant de prévenir les risques que l'intéressé pourrait encourir pour sa vie dans son pays d'origine. Ainsi, la mesure d'éloignement ne peut intervenir que si l'intéressé n'a pas demandé l'asile ou si cette demande a été rejetée. Un étranger ayant introduit une demande d'asile dans un pays de l'Union européenne peut faire l'objet d'une mesure de transfert, au titre du règlement n° 604-2013 du 18 février 2003, dit règlement « Dublin III », vers ce pays, qui offre de facto un système de protection des droits équivalent à celui de la France en matière d'asile. Les personnes transférées vers les Etats membres responsables de leur demande d'asile y bénéficient à chaque fois qu'ils le sollicitent d'un réexamen de leur demande d'asile ainsi que de toutes les voies de recours sur une éventuelle décision de rejet. La France ne saurait contester le bon fonctionnement de l'Etat de droit dans ces Etats européens, qui sont signataires de la Convention de Genève et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. A ce titre, ils apportent des garanties similaires à celles de la France. Cette position est confortée par un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 décembre 2011, considérant que le système européen de l'asile repose sur une présomption renforcée de respect des droits fondamentaux par les États membres et que les Etats membres peuvent s'accorder une confiance mutuelle à cet égard. En France, l'examen des demandes d'asile est assuré par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui dispose d'une indépendance consacrée par la loi pour statuer sur les dossiers individuels. Les mesures d'éloignement vers l'Afghanistan ne sont prononcées qu'après un examen attentif du dossier par l'autorité administrative. En particulier, l'administration s'assure systématiquement que l'intéressé ne sera pas exposé à des traitements inhumains ou dégradants sanctionnés par l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif à l'interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants. Cette appréciation est, en outre, soumise au contrôle du juge. Une partie des retours se fait de façon volontaire et l'Etat propose des aides à cet égard. En 2018, 1 126 ressortissants afghans ont bénéficié de l'aide au retour volontaire attribuée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Ces retours s'effectuent également dans le cadre du dispositif européen de réinsertion économique (ERRIN). L'opérateur pour l'Afghanistan est « International returns and reintegration assistance », dont le siège est situé en Grande-Bretagne. Il travaille en Afghanistan exclusivement avec l'agence Afghanistan Center of Excellence. En 2018, ce sont 1 126 aides à la réinsertion économique pour la création d'entreprises qui ont été distribuées par l'OFII dans le cadre du dispositif ERRIN. Enfin, l'allongement de la durée de rétention prévu par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a pour objectif d'augmenter la délivrance par les autorités consulaires des pays tiers des documents de voyage nécessaires à l'éloignement de leurs ressortissants en situation irrégulière dans notre pays, qui interviennent souvent dans des délais supérieurs à ceux précédemment prévus pour la rétention. Pour mémoire, la déclaration politique « Joint Way Forward », signée entre l'Afghanistan et l'Union européenne en octobre 2016, prévoit la possibilité pour l'État membre concerné de délivrer un laissez-passer européen en l'absence de réponse des autorités afghanes passé le délai d'un mois.

Données clés

Auteur : M. Christophe Bouillon

Type de question : Question écrite

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 30 janvier 2018
Réponse publiée le 12 novembre 2019

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